La banane que nous consommons en voie d’anéantissement

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 07/12/2015 Mis à jour le 10/03/2017
La banane Cavendish, la plus cultivée dans le monde, en passe d'être rayée de la carte par un parasite. La faute à un mode de production qui maximise les profits.

En 1903, la banane la plus vendue dans le monde, une variété appelée Gros Michel, a disparu d’Amérique du sud et des Antilles, ses principales zones de production. En l’espace de 60 ans, toute la production mondiale a virtuellement été anéantie. La faute à un champignon vivant dans le sol, Fusarium oxysporum qui transmet aux plants une jaunisse fusarienne, également appelée maladie de Panama. Après contamination, les bananiers se dessèchent, jaunissent et dépérissent (voir photo). La maladie, impossible à traiter, est apparue en Australie à la fin des années 1800 sous la forme d’une souche pathogène appelée Tropical Race 1.

Aujourd’hui, une nouvelle souche mutante de la maladie de Panama, Tropical Race 4 (TR4) menace l'existence de la Cavendish, la banane qui a remplacé la Gros Michel et représente la moitié des bananes produites dans le monde. C’est la conclusion d’une nouvelle étude.

Les chercheurs prédisent que la souche mutante, qui a ravagé l’Asie il y a 50 ans avant de se propager à l'Afrique et d’autres régions du monde comme la Jordanie, va finir par atteindre l'Amérique latine, où la grande majorité des bananes consommées dans le monde sont cultivées. 

La différence entre 1903 et aujourd’hui, c’est que la souche mutante TR4 est infiniment plus agressive que son ancêtre. Elle tue les plants des Cavendish qui résistaient au TR1, et d'autres variétés sont menacées. On pense que 80 à 85% de la production mondiale de plantain et de banane soit 160 millions de tonnes chaque année est en sursis.

La raison pour laquelle les bananes sont menacées tient largement au mode de production. Alors que des dizaines de variétés sont cultivées dans le monde entier, les bananes Cavendish produites pour le commerce sont toutes identiques puisqu’il s’agit de clones. Les bananiers qui les produisent sont stériles et de nouveaux plants sont obtenus manuellement à partir d’une racine de bananier qu’on plante.

Cette homogénéité génétique est une source de profit pour les gros producteurs Dole et Chiquita, d’autant que la banane Cavendish mûrit lentement, et qu’elle a une peau épaisse qui la protège des chocs subis lors du transport. Mais cela rend cette banane  extrêmement vulnérable aux attaques de parasites.  Les chercheurs pensent que d’ici quelques décennies, la Cavendish aura disparu.

Aujourd’hui, il n’y a pas de variété de banane commerciale (clonée) susceptible de résister au TR4. Mais l’avenir ne passe pas par un changement de variété, plutôt par un changement de mode de production.

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