La cigarette électronique, pas si inoffensive

Par Juliette Pouyat - Journaliste scientifique Publié le 12/05/2014 Mis à jour le 03/01/2023
Actualité

Les jeunes adultes et les parents qui utilisent les cigarettes électroniques pensent qu’elles sont moins nocives pour eux-mêmes et leur entourage. Pourtant, elles pourraient avoir des effets néfastes, notamment sur le système cardiovasculaire et la santé dentaire.

Une aide pour arrêter de fumer...

Initialement présentée comme une aide pour arrêter de fumer, la cigarette électronique séduit de plus en plus de personnes, même les non-fumeurs. Une étude présentée lors de la réunion annuelle de la Pediatric Academic Societies (Vancouver, Canada) montre notamment que beaucoup de jeunes adultes et de parents qui utilisent la cigarette électronique pensent qu’elle est moins nocive que la cigarette, en particulier pour leur entourage, et ce en l’absence de preuves évidentes (1). De plus, la majorité de ceux qui utilisent la e-cigarette ne le fait pas dans un but de sevrage de la cigarette classique.

La e-cigarette, comment ça marche ?
Une cigarette électronique comporte une cartouche remplie de e-liquide contenant du propylène glycol ou du glycérol, des arômes (goût tabac, fruits, menthe...) et colorants. Certaines ne contiennent pas de nicotine. La cigarette électronique est alimentée par une batterie rechargeable et possède un atomiseur qui permet de convertir le liquide en brouillard simulant la fumée. Les utilisateurs sont appelés « les vapoteurs ».

Le marketing fait autour de ces produits, les présentant comme des gadgets amusants, n’est certainement pas étranger à l’augmentation du nombre d’utilisateurs, surtout chez les jeunes. Pourtant, l’absence de données scientifiques et le manque de recul devraient inciter à la prudence (2, 3). D'autant plus que des études plus récentes montrent qu'elles ne sont pas inoffensives pour la santé. 

... souvent utilisée par des non-fumeurs

Un sondage a été réalisé auprès d’un échantillon représentatif d’adultes américains âgés de plus de 18 ans. Les questions de l’enquête posées pour évaluer l’utilisation de la cigarette électronique proviennent de l’étude PATH (Population Assessment of Tobacco and Health). Parmi les personnes contactées, 88 % ont répondu au sondage. La majorité des jeunes adultes (86,3 %) avait entendu parler de la cigarette électronique. 20,1 % des jeunes adultes ont déjà essayé la cigarette électronique (contre 12,2 % chez les adultes de plus de 25 ans). De la même façon, 8,8 % des 18-24 ans ont utilisé la cigarette électronique dans les 30 jours précédents contre 5,4 % pour les adultes de plus de 25 ans.

Les résultats montrent que les jeunes adultes perçoivent la cigarette électronique comme moins nocive pour eux-mêmes et pour les personnes qui les entourent. Peu d’entre eux l’utilisent comme un moyen d’arrêter de fumer (6,9% seulement contre 58,1% chez les plus de 25 ans). Les parents également la perçoivent comme moins dangereuse pour leur entourage et plus acceptée par la communauté des non-fumeurs.

Les résultats de cette étude sont inquiétants pour deux raisons, selon le Dr Robert McMillen, l’un des auteurs : d’abord parce que les risques liés à l’utilisation de la cigarette électronique et à l’exposition de la vapeur sont inconnus, alors que beaucoup de parents déclarent l’utiliser pour réduire les nuisances envers leur entourage. De plus, dans la moitié des cas, la e-cigarette est utilisée par des non-fumeurs et ne constitue pas une aide à l’arrêt du tabac mais plutôt un tremplin vers un comportement de fumeurs.

Le problème de la toxicité des produits

En mai 2013, un rapport de l’Office de Prévention du Tabagisme sur l’e-cigarette a été remis à la ministre de la Santé de l'époque, Marisol Touraine (4). Ce rapport évoquait notamment l’absence de données sur la résistance à la température de certains arômes utilisés et l’absence de tests sur leur inhalation. De plus, certains peuvent être toxiques dans certaines conditions d’utilisation. Si le glycérol et le propylène glycol ne sont pas réputés toxiques ni cancérigènes, les données sur leur inhalation manquent. Par exemple, l’acroléine, un puissant irritant, est formée par une molécule de glycérol qui a perdu deux molécules d’eau. Elle se forme normalement à une température supérieure à celle produite par l’atomiseur des e-cigarettes “mais des contrôles sont justifiés pour les e-cigarettes avec glycérine”, souligne le rapport.

Les risques des e-liquides sont liés avant tout à des produits de mauvaise qualité et de mauvais choix des composants des e-liquides. Toutes les e-cigarettes vendues sur le marché ne sont pas qualitativement équivalentes. Le rapport souligne quand même qu’une e-cigarette fabriquée et utilisée correctement présente a priori moins de danger qu’une cigarette normale, mais on ne peut pas dire qu’il n’existe pas de danger...

Certaines études suggèrent que les cigarettes électroniques génèrent moins de substances cancérogènes pour les utilisateurs que les cigarettes conventionnelles - en réduisant peut-être le risque de cancer. Mais l’effet de son utilisation sur la santé vasculaire n’est pas clair.

Lire aussi : Arrêt du tabac : vapoter nuirait à l’immunité

Cigarette électronique et risque cardiovasculaire

Une étude réalisée en 2019 par des chercheurs de la Stanford University School of Medicine et parue dans le Journal of the American College of Cardiology rapporte que le e-liquide aromatisé des cigarettes électroniques pourrait augmenter le risque cardiovasculaire lorsqu’il est inhalé.

Les chercheurs ont analysé l’effet, sur les cellules endothéliales, de six arômes différents (fruits, tabac, tabac sucré au caramel et à la vanille, caramel au beurre sucré, cannelle et menthol) présents dans les e-liquides, en présence ou non de nicotine. Les cellules endothéliales tapissent l’intérieur des vaisseaux sanguins et jouent un rôle essentiel dans la santé cardiovasculaire. Les chercheurs ont utilisé des cellules endothéliales humaines générées en laboratoire, qui constituent un moyen idéal pour les chercheurs d'étudier des cellules qu'il serait difficile d'isoler directement d'un patient.

Les chercheurs ont constaté que même si plusieurs des e-liquides aromatisés présentaient une toxicité modérée pour les cellules endothéliales, ceux aromatisés à la cannelle et au menthol réduisaient considérablement la viabilité des cellules en culture, même en l'absence de nicotine. L’exposition aux e-liquides a également augmenté les niveaux d’espèces réactives de l’oxygène (radicaux libres) qui peuvent causer des dommages à l’ADN et les niveaux de molécules associées à la mort cellulaire programmée.

Les chercheurs ont également découvert que l'exposition aux e-liquides aromatisés à la cannelle et au menthol perturbait de manière significative la capacité des cellules en culture à former de nouveaux vaisseaux sanguins. Les cellules exposées aux liquides aromatisés présentent une réduction de leur capacité à migrer pour participer à la cicatrisation des plaies.

Certains des effets de l'exposition aux différents e-liquides dépendent de la concentration de nicotine, mais d'autres, comme la migration cellulaire et la diminution de la viabilité cellulaire, étaient indépendants de la nicotine, suggérant un effet combiné des concentrations de nicotine et des composants aromatisants.

« Les e-liquides provoquent des modifications des cellules endothéliales étroitement liées à celles observées lors du développement d'une maladie cardiovasculaire » concluent les chercheurs.

Cigarette électronique et maladie pulmonaire

En 2019, une mystérieuse maladie pulmonaire a touché des utilisateurs de cigarettes électroniques aux États-Unis. Après avoir fortement augmenté en août 2019 et culminé en septembre, les visites aux urgences liées aux produits de cigarette électronique ou de vapotage ont baissé. Au 18 février 2020, un total de 2 807 cas ou décès ont été signalés, 68 décès ont été confirmés.

D'après les CDC, cette vague de maladies pulmonaires était liée à la présence d'acétate de vitamine E dans certains liquides de vapotage contenant du THC. Les cas de maladies pulmonaires ont baissé grâce à la sensibilisation accrue du public, à la suppression de l'acétate de vitamine E de certains produits et à l'application de la loi liées aux produits illicites.

Vapotage et caries

La cigarette électronique pourrait aussi favoriser les caries, comme le révèle une recherche menée par la Tufts University School of Dental Medicine (5). Cette étude a analysé les données de plus de 13 000 patients âgés de plus de 16 ans traités dans les cliniques dentaires Tufts de 2019 à 2022. La grande majorité de ces patients ne pratiquaient pas le vapotage. Les chercheurs ont observé une différence statistiquement significative entre le groupe e-cigarette/vapotage et le groupe témoin : 79 % des patients vapoteurs ont été classés comme présentant un risque élevé de caries, contre 60 % environ dans le groupe témoin.

Tant que vous continuez à vapoter, vous êtes toujours à risque de caries

L'une des raisons pour lesquelles l'utilisation de la cigarette électronique pourrait contribuer au risque élevé de caries est la teneur en sucre et la viscosité du liquide de vapotage : lorsqu'il est aérosolisé puis inhalé par la bouche, ce liquide colle aux dents. De plus, les aérosols de vapotage modifient le microbiote buccal et le rendent plus favorable aux bactéries responsables de la carie. Le vapotage semble aussi favoriser des caries dans des zones où elles ne se développent généralement pas, comme le bord inférieur des dents de devant.

Dans un communiqué de l'université, Karina Irusa, principale auteure de cette recherche a prévenu : "Il faut beaucoup d'investissement en temps et en argent pour gérer les caries dentaires, en fonction de leur gravité. Une fois que vous avez commencé à prendre l'habitude, même si vous avez des amalgames, tant que vous continuez, vous êtes toujours à risque de caries secondaires. C'est un cercle vicieux qui ne s'arrêtera pas. »

En pratique

Utiliser une cigarette électronique n'est pas une alternative sans risque à la cigarette classique. Il existe bel et bien des risques pour votre santé même s'ils semblent moins élevés que pour les cigarettes classiques. Une revue Cochrane suggère cependant que la cigarette électronique peut constituer une aide pour les fumeurs qui veulent arrêter de fumer. Cependant, les auteurs soulignent que la confiance dans ces résultats est basse, en raison notamment du faible nombre d'essais et de larges intervalles de confiance. La cigarette électronique ne doit toutefois pas remplacer la cigarette classique mais réellement consituer une aide au sevrage. À noter que le Haut Conseil de la santé publique considère également que la cigarette électronique peut constituer un outil d'aide au sevrage tabagique. 

Si vous souhaitez arrêter de fumer, lire aussi notre article sur les meilleurs substituts nicotiniques

Références
  1. Regina M. Shaefer, Karen M. Wilson, Robert C. McMillen, Jonathan D. Klein. Richmond Center, AAP, Elk Grove Village, IL; Children's Hospital Colorado, University of Colorado, Denver, CO; Social Science Research Center, Mississippi State University, Starkville, MS. Electronic Cigarette Use among Young Adults et Robert C. McMillen, Regina Shaefer, Karen Wilson. Richmond Center, AAP, Elk Grove Village, IL; Social Science Research Center, Mississippi State University, Starkville, MS; Children's Hospital Colorado, University of Colorado, Denver, CO. Use of Electronic Cigarettes Among Parents
  2. Callahan-Lyon P. Electronic cigarettes: human health effects. Tob Control. 2014 May;23 Suppl 2:ii36-ii40. doi: 10.1136/tobaccocontrol-2013-051470.
  3. Durmowicz EL. The impact of electronic cigarettes on the paediatric population.
  4. Rapport et avis d’experts sur l’e-cigarette. Office français de prévention du tabagisme. Mai 2013.
  5. Irusa et al. A comparison of the caries risk between patients who use vapes or electronic cigarettes and those who do not. The Journal of the American Dental Association. 1er décembre 2022

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