La flore intestinale pourrait influencer le tempérament des enfants en bas âge.

Par Juliette Pouyat - Journaliste scientifique Publié le 05/06/2015 Mis à jour le 10/03/2017
Les enfants ayant la plus grande diversité bactérienne au niveau de l’intestin ont tendance à être plus extravertis

La flore intestinale joue un rôle important dans la digestion, l’immunité et l’inflammation. Une nouvelle étude parue dans la revue Brain, Behavior and Immunity suggère que la flore intestinale des tout petits pourrait influencer leur comportement. Des chercheurs de la Ohio State University ont en effet trouvé une corrélation entre le tempérament et la présence de certains types de bactéries intestinales chez les filles et les garçons. Ceux qui ont la plus grande diversité bactérienne intestinale ont un comportement plus extraverti.

Lire : l'exercice favorise la diversité de la flore intestinale

« Le rôle de la flore intestinale sur la santé attire de plus en plus l’attention : la diversité bactérienne globale ainsi que la quantité de bactéries spécifiques dans l’intestin sont impliquées non seulement dans l’obésité mais aussi dans les allergies, l’asthme, la maladie inflammatoire de l’intestin » écrivent les auteurs. De plus en plus d’études suggèrent également qu’il existe un lien entre la flore intestinale et les fonctions cérébrales ainsi que le comportement. La communication entre flore intestinale et cerveau n’est pas complètement élucidée mais passerait par des voies neuronales, immunitaires et métaboliques. Une étude suggère d’ailleurs qu’il serait possible de soigner la dépression en modulant la flore intestinale grâce à des probiotiques.

Lire : les probiotiques peuvent-ils soigner la dépression?

Comprendre le fonctionnement de l’axe intestin-cerveau a des implications cliniques pour la santé physique et mentale, notamment l’obésité et l’anxiété. De tels troubles ont des antécédents qui interviennent tôt dans la vie, les chercheurs ont donc voulu savoir si des associations entre flore intestinale et comportement existaient déjà chez des enfants en bas âge.

Dans cette étude, les chercheurs ont étudié les bactéries des voies gastro-intestinales de 77 enfants âgés de 18 à 27 mois, en prélevant des échantillons de selles. Les chercheurs ont demandé aux mères des enfants d’évaluer le comportement de leurs enfants grâce à un questionnaire qui mesure 18 traits différents permettant ensuite de déterminer pour chaque enfant l’un des composants de l’échelle de réactivité émotionnelle : affect négatif, extraversion et contrôle volontaire. Les scientifiques ont déterminé les différents types génétiques et la quantité relative des bactéries trouvées dans les selles.

Les enfants ayant la plus grande diversité génétique de bactéries intestinales avaient le plus fréquemment des comportements liés à l’humeur positive, la curiosité, la sociabilité et l’impulsivité, c’est-à-dire l’extraversion. Chez les garçons seulement, les chercheurs ont trouvé qu’un comportement extraverti était associé à l’abondance de bactéries appartenant aux familles Rikenellaceae and Ruminococcaceae.

Leurs résultats montrent que l’abondance et la diversité de certaines espèces bactériennes semblent impacter le comportement des enfants. Et l’association existe même après avoir pris en compte un certain nombre de facteurs tels que l’allaitement maternel, l’alimentation et le mode de délivrance, tous connus pour influencer le type de bactéries qui peuplent l’intestin des enfants.

Globalement, les associations entre tempérament et flore intestinale étaient moins nombreuses et moins cohérentes chez les filles. Cependant, chez les filles des comportements comme la maîtrise de soi et l’attention portée aux autres étaient associés à une plus faible diversité de bactéries intestinales.

Lire : certaines bactéries intestinales combattraient stress et dépression

« Nous ne cherchons pas un moyen d’aider les parents à modifier la "terrible" étape des 2 ans mais des indices sur comment –et où- débutent les maladies chroniques comme l’obésité, l’asthme, les allergies et les maladies de l’intestin » disent les auteurs.

« Il y a des preuves substantielles que les bactéries intestinales interagissent avec les hormones du stress, les mêmes hormones qui ont été impliquées dans les maladies chroniques comme l’obésité et l’asthme » dit le Dr Lisa Christian, auteure de l’étude. « Le tempérament d’un enfant en bas âge nous donne une bonne idée de comment il réagit au stress. Cette information combinée à une analyse de la flore intestinale pourrait au final nous aider à déterminer des possibilités pour prévenir les problèmes de santé chroniques plus tôt ». Il se peut en effet que la flore intestinale soit plus malléable dans les premiers mois de vie.

« Il y a certainement une communication entre les bactéries intestinales et le cerveau, mais nous ne savons pas qui commence la conversation » dit le Dr Bailey, co-auteur de l’étude. « Peut-être que les enfants qui sont plus extravertis ont moins d’hormones de stress qui impactent leur intestin que les enfants timides. Ou peut-être que les bactéries aident à atténuer la production d’hormones de stress lorsque les enfants rencontrent quelque chose de nouveau ».

Selon les auteurs, ces résultats pourraient constituer une opportunité d’intervenir de façon pertinente dans la prévention de troubles mentaux et physiques.

Lire : les polyphénols bénéfiques pour la flore intestinale

Source

Christian LM, Galley JD, Hade EM, Schoppe-Sullivan S, Kamp Dush C, Bailey MT. Gut microbiome composition is associated with temperament during early childhood. Brain Behav Immun. 2015 Mar;45:118-27. doi: 10.1016/j.bbi.2014.10.018. Epub 2014 Nov 10.

A découvrir également

Back to top