La visite médicale annuelle ou bisannuelle ne sert probablement à rien

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 23/10/2015 Mis à jour le 10/03/2017
Quelle est l'utilité d'un check-up annuel coûteux, qui ne réduit ni la mortalité ni le risque de maladies ?

Certains veulent l'abandonner, d'autres pas : ces check-ups annuels divisent la communauté médicale. Certains avancent qu'ils favorisent le lien entre le médecin et ses patients et permettent de faire de la prévention mais d'autres affirment, preuves scientifiques à l'appui, qu'il n'apportent aucun bénéfice à la santé.

En France, une visite médicale périodique s'impose aux salariés. Auparavant obligatoire tous les ans, elle l'est depuis 2012 tous les 2 ans et coûte aux entreprises 70 euros par an et par employé, soit plus de 1,2 milliards d'euros en 2013. Aux Etats-Unis, environ un tiers des adultes soit 45 millions de personnes aux Etats-Unis subiraient un check-up tous les ans, un examen réclamé autant par les médecins, les assurances privées que par leurs patients. Or, qu'elles soient annuelles ou bisannuelles, ces visites qui concernent des personnes en bonne santé n'apportent vraisemblablement aucun bénéfice sur le risque de maladie et la mortalité. C'est la conclusion d'une méta-analyse d'études publiée par le groupe Cochrane en 2012, qui portait sur plus de 182000 personnes. Les chercheurs concluaient que ces bilans n'apportent pas de bénéfice, et entraînent au contraire des surcoûts liés à des examens de santé. Plus récemment, une grande étude danoise qui a suivi 60000 personnes en prévention cardiovasculaire pendant 10 ans est parvenue aux mêmes conclusions.

Depuis plusieurs décennies déjà, des experts recommandent d'abandonner ces examens annuels, comme le demandait déjà en 1979, au Canada, la Canadian Task Force on the periodic Health Examination. (groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs). Par exemple, la U.S. Preventive Health Services Task Force, un comité d'experts indépendant recommande explicitement aux médecins et àa la population d'abandonner des examens parfois demandés lors du check-up annuel ou bisannuel comme le taux de PSA (pour le cancer de la prostate) ou l'électrocardiogramme.

La revue New England Journal of Medicne fait paraître deux articles d'opinion sur ce débat : le premier contre ces examens (1) et le second pour (2). Typiquement, un check-up sert par exemple à détecter une pression sanguine, un taux de cholestérol ou un niveau de sucre sanguin trop élevés ; il est censé repérer des signes précoces d'une maladie chronique comme un diabète ou une maladie cardiaque. Mais, comme l'explique Ateev Mehrotra, de la Harvard medical School (Boston) et auteur du premier article défavorable à ces examens, « Dans de bonnes études, à la fois dans des essais randomisés et des études observationnelles, nous n'avons trouvé aucun de ces avantages. » Il précise : « Nous n'avons pas vu que les gens avaient moins de maladies, et nous n'avons vu aucune diminution de la mortalité .» Bref, pour lui, ce serait une perte de temps et d'argent.

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Les check-ups annuels auraient comme seuls avantages de réduire l'inquiétude des patients et d'augmenter l'accès à des soins préventifs. Mais aux USA ces visites annuelles coûtent environ 10 milliards de dollars par an, soit l'équivalent des soins liés au cancer du poumon dans ce pays. D'après Ateev Mehrotra, ces check-ups seraient même parfois néfastes : il prend pour exemple les analyses d'urine qui donnent parfois de faux positifs chez des patients en bonne santé, et qui leur causent bien du souci...pour rien !

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Le scientifique milite donc pour le déremboursement de ces check-ups inutiles. Il propose aussi que d'autres approches de suivi médical, utilisant notamment les nouvelles technologies de l'e-santé, soient envisagées.

Dans l'autre article, l'auteur, Allan Goroll, souhaite naturellement que ces examens soient maintenus, mais il admet que la durée entre deux examens pourrait être supérieure à un an pour les personnes en bonne santé. Il suggère aussi que d'autres professionnels (le personnel infirmier par exemple) jouent un rôle dans ces examens de routine pour libérer du temps, afin que les médecins aient des entretiens plus approfondis avec leurs patients. Il argumente qu'il est important que le médecin connaisse bien le contexte familial, professionnel, du patient pour mieux appréhender les risques pour sa santé.

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Sources

(1) Mehrotra A, Prochazka A. Improving Value in Health Care--Against the Annual Physical.N Engl J Med. 2015 Oct 15;373(16):1485-7. doi: 10.1056/NEJMp1507485.

(2) Goroll AH. Toward Trusting Therapeutic Relationships--In Favor of the Annual Physical. N Engl J Med. 2015 Oct 15;373(16):1487-9. doi: 10.1056/NEJMp1508270.

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