Le bisphénol A pourrait affecter la fertilité sur 3 générations

Par Juliette Pouyat - Journaliste scientifique Publié le 30/04/2015 Mis à jour le 22/02/2017
Chez les souris, l'exposition au bisphénol A provoque des troubles de la reproduction sur la descendance pendant 3 générations. Des résultats qui pourraient être valables aussi pour les humains.

S'il est connu que l'exposition in utero au bisphénol A (BPA) provoque des troubles de la reproduction sur la première génération de souris, peu d’études ont cependant évalué l’effet de cette exposition sur les générations suivantes. Une nouvelle étude parue dans la revue Toxicology and Applied Pharmacology montre qu’exposer des souris enceintes à des niveaux de bisphénol A équivalents à ceux considérés comme inoffensifs chez l’homme provoque dans la descendance, des troubles de la reproduction importants sur 3 générations de souris femelles.

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Le bisphénol A (BPA) est un composé chimique utilisé dans la fabrication des plastiques. Il a été largement employé par l'industrie agroalimentaire pour fabriquer des récipients en polycarbonate comme les biberons ainsi que les résines intérieures des boîtes de conserve et des canettes de boisson. Depuis le 1er janvier 2015, l’utilisation du bisphénol A dans les emballages est interdite en France. Cependant, les molécules envisagées comme alternatives seraient tout aussi néfastes.

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Le BPA est un un perturbateur endocrinien, il se loge dans les récepteurs hormonaux des œstrogènes et exerce ses effets biologiques. Il a été mis en cause dans de nombreuses études, accusé d’augmenter la pression artérielle, le risque de maladies cardiovasculaires, de favoriser l’autisme, les intolérances alimentaires, le diabète, de diminuer la fertilité…

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Aux Etats-Unis, la présence de BPA a été relevée dans 93% de 2517 échantillons d’urine recueillis en 2003-2004, suggérant une exposition régulière de la population à ce produit chimique. Cette nouvelle étude fait suite à des résultats obtenus précédemment par la même équipe de chercheurs qui montraient que le BPA peut impacter le développement de l’ovaire et réduire la fertilité chez les petits des souris exposées au BPA. « De nombreuses études montrent que l’exposition au BPA peut nuire à la fonction de reproduction, mais aucune d’elles n’a étudié les effets sur 3 générations » explique Jodi Flaws, une des auteures de l'étude.

Dans cette étude, des souris ont reçu différentes doses de BPA (0,5 ; 20 ; 50 µg/kg/jour) à partir de leur 11e jour de gestation jusqu’à la naissance. Un groupe de contrôle a reçu de l’huile de maïs. La fertilité des souris a été évaluée 3, 6 et 9 mois après la naissance pour évaluer la capacité de reproduction au cours du temps.

Comparativement avec le groupe témoin et en fonction de la dose d’exposition, de nombreuses souris ont subi une réduction de leur fertilité et de leur capacité à mener une grossesse à terme. La première génération de la descendance a présenté une capacité à tomber enceinte réduite, particulièrement à 9 mois. Chez les souris de la première génération, l’exposition au BPA in utero affecte l’apparition de la puberté et la capacité de reproduction. Elles ont un cycle hormonal anormal et s’engagent moins dans un comportement typique d’accouplement que les souris qui n’ont pas été exposées in utero.

La 3e génération de souris qui n’a pas été exposée directement au BPA présente une maturité sexuelle plus tardive, une fertilité réduite et un taux de réussite de grossesse inférieur que les souris du groupe de contrôle. Dans cette génération, la plus faible dose d’exposition au BPA interfère le plus avec leur fertilité. « En toxicologie, beaucoup de personnes pensent que plus la dose est élevée, pire c’est. Mais avec les produits chimiques perturbant le système endocrinien, ce sont parfois les faibles doses qui causent les effets les plus profonds » explique Jodi Flaws.

« Il se pourrait que l’exposition au BPA soit à l’origine de modifications épigénétiques comme la méthylation de l’ADN, transmises sur 3 générations » écrivent les auteurs de l’article.

Les auteurs expliquent que les études sur l’homme suggèrent également que le BPA impacte la fertilité et la reproduction. « Beaucoup d’études menées sur les femmes ont été réalisées par le Dr Russ Hauser à Harvard. Il a montré que les concentrations urinaires de BPA sont associées à une fertilité réduite et la capacité des femmes à tomber enceintes » explique Jodi Flaws. « Je pense donc qu’il y a des preuves sérieuses pour dire que le BPA est toxique pour la reproduction chez la souris mais également chez l’humain » conclut la chercheuse.

Source

Ziv-Gal A, Wang W, Zhou C, Flaws JA. The effects of in utero bisphenol A exposure on reproductive capacity in several generations of mice. Toxicol Appl Pharmacol. 2015 May 1;284(3):354-62. doi: 10.1016/j.taap.2015.03.003. Epub 2015 Mar 11.

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