Les remplaçants du bisphénol A seraient aussi néfastes que lui

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 27/01/2016 Mis à jour le 22/07/2019
Actualité

Le bisphénol A est interdit dans les emballages alimentaires, mais ses remplaçants auraient les mêmes effets néfastes, notamment sur le système endocrinien.

Depuis le 1er janvier 2015, l’utilisation du bisphénol A dans les emballages est interdite en France. A la place, les industriels utilisent des cousins, des substances analogues, comme le bisphénol S ou le bisphénol F. Mais ces substituts auraient les mêmes effets.

Le bisphénol A (BPA) est un perturbateur endocrinien. Il a été synthétisé pour la première fois en 1891 et son activité œstrogénique a été découverte en 1936. Dans les années 1950, on a découvert que le bisphénol A pouvait se polymériser pour former des plastiques de polycarbonate, un produit bon marché, léger, transparent et résistant. 70 % de la production de BPA sert à la production de plastiques de polycarbonate ayant de nombreuses applications (emballages, optique, médecine… ) et 20 % sont utilisés pour les résines epoxy utilisées par exemple comme revêtement des canettes métalliques. La principale source de contamination pour le BPA est l’alimentation, mais la présence de bisphénol dans l’environnement peut aussi permettre une contamination. Le BPA affecte le développement du testicule du foetus. Chez les rongeurs, l’exposition au BPA pendant la vie intra-utérine a des conséquences sur les testicules adultes : diminution du nombre de spermatozoïdes, dommages à l’ADN et mobilité spermatique réduite. Le BPA a été associé avec de nombreuses maladies humaines, comme le diabète, l’obésité, les maladies cardiovasculaires, respiratoires chroniques, rénales, le cancer du sein, des troubles du comportement et des désordres reproductifs.

Lire : Comment les perturbateurs endocriniens diminuent la fertilité masculine et Le bisphénol A augmente la pression artérielle

Une étude française...

Le professeur René Habert, toxicologue de la reproduction au CEA, et professeur à l’université Paris Diderot a présenté en janvier 2016, à l'Institut Pasteur de Paris, une synthèse des travaux sur les effets du Bisphénol A et de ses substituts, dans le cadre d'un colloque dédié aux perturbateurs endocriniens et organisé par l'Anses et le ministère de l'Ecologie. "Ces bisphénols devraient être réglementés comme des perturbateurs endocriniens", assure le toxicologue.  "Nous ne disposons que de 89 articles scientifiques sur les effets du bisphénol S par exemple, contre 9663 pour le BPA",  dit René Habert. Et 90% des données laissent penser qu'il se comporte comme le BPA".

Le BPA diminue la testostérone sécrétée par les testicules de fœtus humains ou de souris, mais les bisphénols S et F semblent avoir des effets anti-androgéniques similaires. De son côté, le BPS favorise l'obésité chez les souris mâles. 

"Dans la mesure où tous ces bisphénols ont une structure moléculaire proche, il n'y a aucune raison d'en réglementer certains et pas d'autres", explique René Habert. Selon lui, tous les bisphénols devraient être classés comme des perturbateurs endocriniens potentiels, étudiés comme tels, et l’exposition de la population devrait être mesurée. "Pour le moment, les industriels n’ont aucune obligation de les déclarer. Nous ne savons même pas exactement dans quoi ils en mettent. Nous sommes face à une montagne. Il n’est plus temps de travailler par molécules. Il faut raisonner par classes". 

Lire : Adieu bisphénol A, bonjour bisphénols S, F, M...  et  le remplaçant du bisphénol A serait encore plus toxique

... Confirmée et renforcée par une étude fédérale américaine

Une étude du Programme national de toxicologie des Etats-Unis dont les résultats ont été publiés en novembre 2017 montre que 16 des 24 remplaçants du bisphénol A dans les objets en plastique ou les emballages alimentaires possèdent des structures similaires à celle du BPA et fonctionnent de la même façon... donc perturbent de manière équivalente le système endocrinien. Et il s'agit des 16 molécules pour lesquelles il existe des études scientifiques, les autres n'ayant pas été testés. Le seul effet sur la santé humaine qui a été reporté est une dermatite de contact (allergie cutanée) pour les bisphénols F et S. La plupart des autres études ont été conduites in vitro mais elles permettent de conclure que les remplaçants du BPA ont des activités biologiques analogues à celles du BPA. "Etant donné que ces molécules chimiques sont utilisées partout, il est important de continuer à tester ces remplaçants et de reconsidérer comment remplacer le BPA" concluent les auteurs de l'étude fédérale.

Les preuves s’accumulent

Une nouvelle étude publiée en juillet 2019 dans la revue Environmental Health Perspectives par des chercheurs de l’École nationale vétérinaire de Toulouse et le laboratoire Toxalim (Institut national de recherche agronomique), en collaboration avec les universités de Montréal et de Londres, conclut, elle aussi, que le BPS ne serait pas moins dangereux que le BPA.
L’expérience a été menée sur des porcelets dont les fonctions digestives sont semblables à celle des humains. L’objectif des chercheurs était d’évaluer la capacité de l’organisme à éliminer le bisphénol S ingéré par voie orale et d’observer le devenir de cette substance dans le corps.

Résultats : presque la totalité de la dose de BPS ingérée par voie orale a été absorbée dans le système digestif. Plus de la moitié de cette dose n’a pu être éliminée par le foie. La concentration de BPS retrouvée dans la circulation générale est, in fine, 250 fois supérieure à celle du BPA.

Les 16 analogues et ce qu'ils polluent

L'étude américaine permet de mieux connaître les noms des remplaçants du BPA qui ont été évalués par les toxicologues pour l'instant, elle donne aussi le nombre d'études existant pour chacun d'entre eux. Prenez connaissance de ces molécules dont on risque de parler beaucoup à l'avenir et dans quoi on les retrouve.

Molécule Nombre d'études chez l'homme Nombre d'études chez l'animal Nombre d'études in vitro Où elle a été détectée
Bisphénol F (4,4 BPF) 3 15 61 La nourriture, l'urine, la poussière, les sédiments, les reçus (tickets de caisse, de carte bleue), les eaux usées
Bisphénol F (2,2 BPF) 0 2 1 Résines
Bisphénol S (BPS) 1 9 52 La nourriture, le sang, l'urine, la poussière, les sédiments, les reçus (tickets de caisse, de carte bleue)
Bisphénol S (2,4-BPS) 0 1 1 Les reçus (tickets de caisse, de carte bleue)
Bisphénol AF (BPAF) 0 10 41 La nourriture, la poussière, les sédiments, les reçus (tickets de caisse, de carte bleue), les eaux usées
Bisphénol B (BPB) 0 9 35 La nourriture, le sang, l'urine, la poussière, les sédiments
Bisphénol C (BPC) 0 5 22 Les reçus (tickets de caisse, de carte bleue)
Bisphénol E (BPE) 0 2 23 Les eaux usées
Bisphénol Z (BPZ) 0 3 15 La nourriture, la poussière
Tétrabromobisphénol A (TMBPA) 0 1 14 Les résines de polycarbonate
Bisphénol AP (BPAP) 0 2 9 La nourriture, la poussière, les sédiments, les reçus (tickets de caisse, de carte bleue)
Bisphénol P (BPP) 0 0 6 La nourriture, la poussière
Bisphenol-A bis(diphenyl phosphate) (ou BDP) 0 1 2 Retardateur de flamme
BPPH 0 0 2 Les reçus (tickets de caisse, de carte bleue)
D-8 0 0 2 Le sang, les reçus (tickets de caisse, de carte bleue)
Pergafast 201 0 0 1 Les reçus (tickets de caisse, de carte bleue)

En pratique

Pour éviter ce type de plastique, on ne se lasse pas de le dire, il faut bannir les produits transformés de l’alimentation. En plus d’être mauvais pour la santé, d’augmenter les déchets plastiques, ils sont composés de molécules hormonalement actives qui perturbent le système endocrinien (c’est-à-dire qu’elles sont capables d’imiter l’effets des hormones notamment l’œstrogène) qui une fois retrouvées dans la nature ou dans le corps provoquent des dégâts considérables. Voici quelques conseils à suivre :

  • Consommer des produits bruts non transformés et non emballés 
  • Acheter des produits en vrac
  • Utiliser des contenants réutilisables en verre ou en papier
  • Préférer le ticket de caisse électronique

Sources

Eladak S, Grisin T, Moison D, Guerquin M, N'Tumba-Byn T, Pozzi-Gaudin S, Benachi A, Livera G, Rouiller-Fabre V, Habert R. A new chapter in the bisphenol A story: bisphenol S and bisphenol F are not safe alternatives to this compound. Fertil Steril. 2015 Jan;103(1):11-21. doi: 10.1016/j.fertnstert.2014.11.005. Epub 2014 Dec 2.

Véronique Gayrard , Marlène Z. Lacroix , Flore C. Grandin , Séverine H. Collet , Hanna Mila , Catherine Viguié , Clémence A. Gély , Blandine Rabozzi , Michèle Bouchard , Roger Léandri , Pierre-Louis Toutain , and Nicole Picard-Hagen. Oral Systemic Bioavailability of Bisphenol A and Bisphenol S in Pigs. Environmental Health Perspectives, July 2019. https://doi.org/10.1289/EHP4599

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