Les aliments ultra-transformés favoriseraient surpoids et obésité, notamment abdominale. Voici pourquoi.
Selon une étude publiée en février 2023 à l’initiative de la Ligue contre l’obésité et coordonnée par des chercheurs de l’Inserm et du CHU de Montpellier, 47,3 % des adultes français seraient obèses ou en surpoids. La prévalence du surpoids semble stable entre 1997 et 2020, avec 30% de la population française concernée ; en revanche, celle de l'obésité a doublé au cours de la même période, passant de 8,5% à 17%. La prévalence de l'obésité sévère a été multipliée par près de 7.
Les causes de l'obésité et du surpoids sont multiples, avec des facteurs génétiques, épigénétiques et environnementaux. Parmi ceux-ci, la consommation croissante de ce qu'on appelle aliments ultra-transformés (AUT) est de plus en plus évoquée. "Les AUT, dit Angélique Houlbert, sont définis par la classification NOVA comme des produits formulés principalement ou entièrement à partir de constituants alimentaires introuvables dans nos cuisines comme des additifs et des ACE, et d'ingrédients culinaires tels que graisses, sucre et sel. Cette composition nutritionnelle est provoquée par les différentes transformations subies par l’aliment comme l’élimination d’eau qui augmente la durée de vie et réduit les frais de transport mais augmente la densité énergétique".
Au cours de leur fabrication, ces faux aliments subissent en effet des processus physiques et chimiques, tels que l'extrusion, la préfriture ou l'hydrogénation, qui détruisent leur matrice originale. "Parmi les AUT qu'on achète chaque jour, figurent des pains de mie industriels, des céréales pour le petit-déjeuner, des viennoiseries, des biscuits, des sandwiches industriels, des soupes et des nouilles instantanées, de la viande transformée, des nuggets de poulet achetés en fast-food, et une multitude de plats préparés. Ces aliments fournissent des sources d'énergie facilement accessibles et abordables."
À l'échelle mondiale, la consommation d'AUT a augmenté au cours des dernières décennies, représentant aujourd'hui 50 % à 60 % de l'apport énergétique quotidien dans certains pays à revenu élevé. Selon une étude française de 2021, sur les 2111 calories (kcal) qu'un adulte français consomme chaque jour, 31,1 % proviennent d'AUT.
L'ensemble des données épidémiologiques et cliniques publiées à ce jour met en lumière le lien entre consommation d'AUT et prise de poids, suggérant une relation de cause à effet.
Ceci a par exemple été montré en Europe. L'étude EPIC est une étude de cohorte prospective en cours dans 10 pays européens : Danemark, France, Allemagne, Grèce, Italie, Pays-Bas, Norvège, Espagne, Suède et Royaume-Uni. Entre 1992 à 2000, un total de 521 448 hommes et femmes ont été recrutés. Une analyse récente montre un lien net entre la consommation d'AUT et le gain de poids corporel sur 5 ans. Ce gain est directement lié au pourcentage d'AUT consommé. "Il est intéressant de souligner que cette étude relève un risque plus élevé de 15% d'être en surpoids ou obèse chez les personnes qui avaient un poids normal au début de l'étude, lorsqu'elles consomment plus d'AUT, commente Angélique Houlbert. Cela suggère qu'il est possible de rester mince en étant vigilant lorsqu'on fait ses courses, de manière à choisir les aliments les plus sains dans chaque rayon."
Dans une étude américaine récente qui portait sur 9 640 hommes et femmes non enceintes âgés de 20 à 59 ans, la consommation d'AUT représentait plus de la moitié (55,5 %) de la consommation d'énergie quotidienne. Par rapport au groupe qui en consommait le moins (moins de 39,4 % des calories), les adultes qui en consommaient le plus (plus de 72,1 % des calories) avaient 60% de graisse totale en plus, plus de 2 fois plus de graisse androïde (abdominale) 32% de graisse gynoïde (fesses, haut des cuisses) en plus.
Pour Angélique Houlbert, 5 mécanismes au moins peuvent expliquer que les AUT fassent grossir
1. Ils sont peu rassasiants. "Contrairement aux aliments frais ou peu transformés, les AUT ont une densité énergétique plus élevée. De plus, ce sont souvent des aliments mous, peu rassasiants, ce qui favorise la surconsommation dans la mesure où les signaux de satiété sont perturbés ou retardés." Ceci a été montré dans une étude conduite par le chercheur Anthony Fardet.
2. Ils favorisent le stockage des graisses. "Les aliments ultra-transformés sont riches en glucides raffinés et en sucres, avec un index glycémique élevé, ce qui peut stimuler la sécrétion d'insuline et augmenter le volume des cellules du tissu adipeux. En plus, une consommation élevée d'aliments ultra-transformés peut réduire la dépense énergétique totale du fait qu'ils demandent moins d'énergie pour être digérés. Une étude expérimentale a montré que la dépense énergétique d'après-repas est divisée par deux suite à la consommation d'aliments ultra-transformés, par rapport à des aliments non transformés."
Lire : 90% des sucres ajoutés proviennent d’aliments ultra-transformés
3. Ils font manger plus. "Ces aliments associent des ingrédients qui flattent les système de récompense du cerveau, qui utilise la dopamine. On est donc tenté de les surconsommer pour stimuler les circuits de la dopamine."
Lire aussi : Les aliments ultra-transformés poussent à manger plus selon une étude d'intervention
4. Ils altèrent la flore intestinale. "IIs peuvent altérer la flore intestinale par la présence d'additifs et d'édulcorants. Ces déséquilibres du microbiote peuvent entraîner une prise de poids si on les consomme régulièrement."
5. Ils renferment des composés obésogènes. "La consommation d'aliments ultra-transformés peut augmenter l'exposition à des composés synthétiques qui migrent des emballages alimentaires, tels que les phtalates et les bisphénols. Ces molécules sont des perturbateurs endocriniens qu'on soupçonne de favoriser la prise de poids, en particulier chez les enfants et les adolescents.
"Tous ces aliments ultra-transformés sont fabriqués par de puissantes entreprises agro-alimentaires qui orientent leur marketing sur le manque de temps du consommateur et la facilité et la rapidité d’utilisation de leurs produits" , dit Angélique Houlbert.
Ces produits ne sont pas correctement identifiés par les applications qui "flashent" les aliments, ni même par le Nutri-Score. Il est donc important de décrypter les étiquettes et suivre les conseils de LaNutrition.fr avec la série des guides "Le Bon choix", qui liste les meilleurs produits industriels. Le guide J'apprends à choisir les bons aliments permet de faire ses courses sans se tromper.
Pour aller plus loin : Comment se désintoxiquer des aliments ultra-transformés
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