Nanoparticules dans l'alimentation : peut-on les "avaler" sans risque ?

Par Juliette Pouyat - Journaliste scientifique Publié le 27/06/2014 Mis à jour le 22/02/2017

Les données manquent pour que l’industrie agro-alimentaire puisse exclure tout risque pour la santé lié à l’utilisation des nanotechnologies

Les nanoparticules sont des particules de taille extrêmement petite allant de quelques nanomètres à quelques centaines de nanomètres. Leur taille leur confère des propriétés physiques et chimiques particulières.

Les nanoparticules existent depuis toujours dans l’environnement, elles sont produites naturellement par exemple par l’activité volcanique. Mais il existe un autre type de nanoparticules, celles que l’homme fabrique, ce sont les nanoparticules de synthèse. Elles sont utilisées dans les cosmétiques, les crèmes solaires, les produits de nettoyage…

L’industrie agroalimentaire souhaite désormais s’en emparer et explore les applications possibles des nanotechnologies : emballage plastique contenant des nanoparticules de silicate pour augmenter la fraîcheur des produits en maintenant l’oxygène à l’extérieur et en retenant l’humidité, des nanocapteurs permettant de détecter des toxines ou des bactéries nocives, des nanomatériaux aidant le consommateur à détecter des aliments avariés grâce à un changement de couleur de l’emballage et enfin des nanomicelles qui encapsulent les additifs alimentaires.

Est-ce sans risque ? Dans cet article paru dans EMBO reports, l’auteur fait le tour de la question en pointant l'absence de réglementation et le manque de données et d’études sur le sujet.

Lire : des nanoparticules pourraient éradiquer complètement des virus

Dans l’industrie agroalimentaire, les nanotechnologies peuvent être utilisées pour diverses applications notamment pour allonger la fraicheur des produits, détecter des altérations et inhiber la croissance des micro-organismes. Cependant, comme souvent avec des technologies nouvelles, elles suscitent inquiétude et interrogation : certaines nanoparticules sont utilisées pour tuer les micro-organismes dans les aliments, qu’en est-il alors de leur effet sur la santé humaine ?

La Food and Drug Administration a déclaré dans un document non-réglementaire la nécessité de mieux comprendre la réactivité de ces nanoparticules « manufacturées » ainsi que leur impact sur la santé. Cependant, certains opposants dont J. Clarence Davies, président du US National Academy of Sciences Committee on Decision Making for Regulating Chemicals in the Environment aux Etats-Unis estiment que ce document n’est pas suffisant et que le gouvernement devrait prendre des mesures réglementaires.

Malgré les bénéfices que semblent présenter l’utilisation des nanotechnologies dans l’industrie agro-alimentaire, certains émettent des réserves. En effet, des scientifiques estiment qu’il existe déjà suffisamment de preuves pour craindre les effets sur la santé de l’ingestion de nanoparticules.

Dora Pereira (UK Medical Research Council Human Nutrition Research) explique "que certaines nanoparticules ne sont pas faciles à digérer, ce qui est particulièrement préjudiciable quand elles sont utilisées pour encapsuler les additifs alimentaires". Elle déplore également que de nombreuses études s’intéressent aux effets des nanoparticules sur les voies respiratoires (par inhalation), moins sur le système digestif (par ingestion).

Par leur taille, les nanoparticules peuvent se « promener » dans l’organisme, à des endroits ou d’autres composés ne peuvent physiquement pas aller. Elles peuvent avoir un comportement à l’intérieur du corps susceptible d’être « dangereux » pour la santé, lié notamment à leur temps de rétention long ou le franchissement des barrières biologiques et l’accumulation possible dans les organes.

Si le gouvernement américain semble passif sur le sujet, ce n’est pas le cas de la Belgique et de la France, qui sont les deux seuls états membres de l’union Européenne à réglementer les produits de consommation contenant des nanomatériaux. En France, depuis le 1er janvier 2013, les industriels (fabricants, importateurs et distributeurs) doivent déclarer les quantités et l’usage des nanoparticules en leur possession. La Norvège et le Danemark sont sur le point de leur emboîter le pas.

Mais la réalité, c’est que la plupart des états membres et l’Union européenne elle-même n’ont pas établi de plan pour réglementer l’application des nanotechnologies à l’alimentation. L’Allemagne quant à elle prévoit d’imposer l’étiquetage d’aliments contenant des additifs à l’échelle nanométrique à partir de 2014.

L’auteur de l’article souligne que le nombre d’études consacrées aux risques potentiels des nanotechnologies sur notre santé est insuffisant. Certaines ont toutefois montré que des nanomatériaux – contenant des nanoparticules d’oxyde de zinc - que l’on retrouve dans les crèmes solaires sont toxiques pour les cellules pulmonaires.

Mark Ratner, professeur de chimie et directeur adjoint de l'Institut de Nanotechnologie et Nanofabrication de l'Université Northwestern rétorque « qu’il possède un grand nombre d’informations sur la toxicité des nanoparticules et que la conclusion générale est qu’une large gamme n’est pas nocive. Cependant, le chemin est encore long pour être sûrs que la toxicité est totalement contrôlée ».

Finalement, le manque de données scientifiques, la crainte engendrée par une technologie nouvelle et "inconnue" et l’absence de réglementation dans de nombreux pays, laissent planer l’incertitude sur la fusion entre alimentation et nanotechnologies. Ce qui est vraisemblable c’est que les nanoparticules n’ont pas toutes la même toxicité et que des études au cas par cas prendraient de nombreuses années. Cependant, il est évident que progresser dans les connaissances est nécessaire afin de trouver un équilibre entre les « avantages » que peuvent procurer les nanotechnologies et la maitrise des risques associés.

Lire : l'alimentation nous expose à des risques toxiques invisibles

Source

Suran M. A little hard to swallow? The use of nanotechnology in the food industry might be both boon and bane to human health. EMBO Rep. 2014 Jun;15(6):638-41. doi: 10.15252/embr.201438925. Epub 2014 May 19.

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