ObEpi 2006 : pourquoi l'obésité progresse-t-elle ?

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 21/09/2006 Mis à jour le 21/11/2017
En 2000 l'Etat lançait le Programme National Nutrition Santé pour notamment réduire l'obésité en France à échéance 2005. Pourtant en 2006 l'enquête ObEpi montre que les Français ont encore grossi. LaNutrition.fr a cherché à comprendre ce qui n'a pas marché.

La quatrième enquête ObEpi Roche 2006, qui étudie depuis 10 ans l’évolution de l’obésité et du surpoids en France vient de publier ses résultats : ces deux fléaux de notre société ont encore gagné du terrain.

Cette enquête, menée par l’institut Sofres-TNS sur près de 24 000 personnes âgées de plus de 15 ans, révèle que 20 millions de personnes souffriraient de problèmes de poids, soit 2,3 millions de plus qu’il y a 9 ans. Près de 14 millions de Français seraient en surpoids (IMC entre 25 et 30) et 5,9 millions seraient obèses (

Néanmoins, une bonne nouvelle, l’épidémie aurait ralenti : entre 1997 et 2003 la progression était de 17 %. Depuis 2003 elle est passée à 9,7 %.

Malgré cette perte de vitesse, les chiffres sont loin de ceux qu’espérait l’Etat lorsqu’il a lancé en 2000 son fameux Programme National Nutrition Santé (PNNS), qui visait à réduire la prévalence de l’obésité et du surpoids de 20% à l’échéance 2005.

Que s’est-il donc passé, pourquoi ces objectifs n’ont-ils pas été atteints ? La réponse n’est pas évidente, mais plusieurs facteurs peuvent être pris en compte.

Les recommandations nutritionnelles sont-elles efficaces ?

La première remarque que l’on peut faire concerne directement le PNNS. Ce programme recommande de diminuer la consommation d’aliments riches en graisse pour qu’ils ne couvrent que 30 à 35 % des calories journalières. Or en 1998 le National Institute of Health (NIH) –  l’équivalent de l’INSERM aux USA – déclarait que «la seule diminution des graisses sans réduction des calories ne permet pas de faire maigrir les individus en surpoids. » (1). En effets les chiffres de ce pays montrent que si le nombre de calories apportées par les aliments gras a diminué de 10 % en 40 ans, l’obésité n’a pourtant fait qu’augmenter depuis les années 80.

Parallèlement à cette diminution des graisses, le PNNS prône l’augmentation des apports glucidiques pour qu’ils couvrent 50-55 % de notre alimentation. Or ce raisonnement est également contestable si l’on continue à regarder l’expérience américaine. En 2004 une étude a clairement établi la relation entre l’augmentation des glucides dans l’alimentation et la croissance de l’obésité (2). Le problème avec les glucides c’est qu’ils sont souvent apportés par des aliments à index glycémique (IG) élevé (céréales raffinées, pomme de terres, etc). Or ce type d’aliments entraîne quelques heures après leur ingestion un fort sentiment de faim, qui peut pousser au grignotage. En plus ces aliments entraînent un stockage immédiat des graisses par les cellules graisseuses.

Quel est le rôle de l’industrie ?

L’industrie agroalimentaire ainsi que les chaînes de restauration ont augmenté petit à petit la taille des portions. Or de plus en plus d’études montrent que l’on a tendance à manger tout ce qui se trouve dans notre assiette même si l’on a plus faim. L’une d’elle montre que notre estomac se satisfait de ce qu’il a dans l’assiette : plus il y en a, plus il mange. A contrario, avec des portions moindres, quand le repas est terminé il se sent également rassasié (3). Selon Barbara Rolls, auteur du régime volumétrique, il faudrait privilégier les aliments  à densité calorique faible : pour une même portion ce type d’aliment apporte moins de calories, mais notre estomac est rempli de la même façon et arrête d’envoyer des signaux de faim. De cette façon on peut perdre du poids sans se priver (4).

Quelle est l’influence économique ?

Les études montrent que l’obésité et le surpoids sont plus présents dans les couches de population les plus défavorisées. Selon le baromètre nutrition-santé 2002, 4,6 % des hommes et 3 % des femmes disposant d’un revenu de plus de 1500 € par mois seraient obèses, contre 11,4 % des hommes et 9,3 % des femmes touchant moins de 900 €. Lorsque les revenus sont bas, la part du budget consacré à l’alimentation diminue. De plus ce budget se porte surtout sur les aliments les plus transformés : les plus caloriques et les moins chers.

Or les statistiques d’évolution de la CMU (Couverture Maladie Universelle, que l’on peut considérer comme un indice de précarité) montrent que le nombre de bénéficiaires a augmenté de 4,6 % entre 2002 et la fin 2005. Le fait qu’une partie de plus en plus importante de la population manque de moyens financiers pourrait expliquer l'accroissement de l’obésité. La paupérisation de notre société pourrait ainsi être l’une des causes de l'augmentation du poids.

Le PNNS 2 succède au PNNS 1 avec toujours l’objectif de faire maigrir les Français. Malheureusement, on ne dispose pas d’un bilan du premier programme et les quelques données disponibles ne sont pas concluantes. Faut-il lutter contre l’obésité avec des moyens qui n’ont pas fait leurs preuves ou réfléchir aux raisons profondes de ce fléau afin de trouver des solutions plus concrètes pour l’enrayer ?

(1) NIH Clinical Guidelines on Obesity. Obes Res 1998 ;6(suppl2) : 51S-259 S

(2) Gross S : Am J Clin Nutr 2004,79 :774-779

(3) Geiger A : Psychological Science. June 2006

(4) Rolls B : Low-energy-density diets are associated with high diet quality in adults in the United States. J Am Diet Assoc. 2006 Aug;106(8):1172-80.

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