Plus de fractures et plus de décès quand on boit du lait

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 29/10/2014 Mis à jour le 10/03/2017
Les personnes qui boivent du lait ont un risque accru de décès (hommes et femmes) et de fractures (femmes) selon deux grandes études suédoises.

Mauvaise période pour l’industrie laitière, le Programme national nutrition santé  (PNNS), et certains nutritionnistes qui, en dépit des données scientifiques accumulées depuis des décennies, s’obstinent à faire la promotion des 3 à 4 produits laitiers par jour pour prévenir les fractures et « être en bonne santé ».

Les résultats de deux grandes études prospectives suédoises, l’une sur 61433 femmes (39-74 ans en 1987), l’autre sur 45339 hommes (45-79 ans en 1997) sont publiés dans le BMJ, et ils sont saisissants.

La Suède détient le record mondial de consommation de lait et produits laitiers. Elle détient aussi le record mondial des fractures du col de fémur chez les femmes de plus de 50 ans, un des paradoxes rapportés par Thierry Souccar, directeur de LaNutrition.fr dès 2004 dans Santé, mensonges et propagande, et développés dans Lait, mensonges et Propagande.

Voir l’émission de France 5 du 27 octobre sur le lait, avec Thierry Souccar

Les résultats de cette nouvelle étude montrent que les femmes suédoises qui consomment le plus de lait ont… plus de fractures que celles qui en consomment peu. Le risque augmente de 2% avec chaque verre de lait.

Lire : Boire du lait ne protège pas des fractures, nouvelles preuves

Plus inquiétant : les femmes qui consomment 3 verres et plus de lait par jour ont un risque de mortalité toutes causes multiplié par près de 2 (1,93) par rapport à celles qui en boivent moins d’un verre par jour. Rapporté à chaque verre supplémentaire, le risque de décès augmente de 15% par verre de lait en plus. 

Chez l’homme, un risque de décès plus élevé de 10% chez les buveurs de 3 verres de lait et plus est également retrouvé. Ce risque augmente de 3% pour chaque verre de lait. La consommation de lait n’est pas associée, chez ces hommes, au risque de fracture.

"Ces résultats, dit le Pr Karl Michaelsson (Université d'Uppsala), principal auteur de l'étude, ont été suffisamment éloquents pour m'amener à diminuer ma consommation de lait."

Au contraire du lait, la consommation de yaourts et de fromage serait, dans cette étude, associée à une protection contre les fractures et la mortalité, en tous cas pour les femmes.

Cette étude fait suite à une autre très récente, qui avait trouvé que les intolérants au lactose (qui évitent lait et produits laitiers) ont moins de cancers.

Les chercheurs qui publient l'étude suédoise dans le BMJ ont trouvé que les plus gros consommateurs de lait ont des marqueurs plus élevés de deux substances, l’une, dans les urines, associée au stress oxydatif (8-iso-PGF2α), l’autre, dans le sang, à l’inflammation chronique (interleukine-6).

Les auteurs de l’étude pensent que le lait exerce des effets négatifs via sa teneur en D-galactose, un sucre qui favorise le stress oxydant, l’inflammation chronique, la neurodégenération, une diminution de la réponse immunitaire, et des changements dans l’expression génétique.

Il s'agit d'études d'observation décrivant une association, qui n'est pas nécessairement une relation de cause à effet.

L’avis de Thierry Souccar : "Une étude ne fait pas tout. Mais celle-ci est cohérente avec les études dites écologiques (par pays) qui trouvent des risques plus élevés de fractures dans les pays gros consommateurs de laitages et de calcium par rapport à ceux qui en consomment peu. Elle confirme au moins en partie les résultats de la dizaine de méta-analyses conduites depuis les années 1980 (dont celles de l’OMS) qui montrent que lait et produits laitiers et/ou calcium ne sont pas associés à un risque de fractures plus faible, et qu’ils pourraient même augmenter ce risque. Elle introduit la nouveauté d’une association entre lait et mortalité toutes causes, sachant que la consommation élevée de lait a déjà été associée à un risque plus élevé de cancer fatal de la prostate, de maladie de Parkinson, et dans une moindre mesure, de cancer des ovaires et de lymphome, mais à un risque réduit de cancer du côlon. Il faut bien sûr prendre ces nouveaux résultats sur la mortalité avec prudence. Quoi qu'il en soit, compte tenu des multiples preuves dont nous disposons depuis longtemps, qui sont publiées dans les plus grands journaux scientifiques et font consensus chez les chercheurs indépendants, les pouvoirs publics devraient cesser d’inciter la population à surconsommer lait et laitages pour des bénéfices osseux inexistants et tenir désormais, comme le fait ce site depuis l’origine, un discours de bon sens (non, le lait n'empêche pas les fractures) et de modération (éviter les laitages quand on ne les tolère pas, sinon les consommer pour le plaisir, sans dépasser une à deux portions quotidiennes)."

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