Plus un aliment est transformé et plus il perturbe la glycémie

Par Marie-Céline Ray - Journaliste scientifique Publié le 03/06/2016 Mis à jour le 25/08/2022
Actualité

Une étude française sur 98 aliments a montré que plus les produits alimentaires sont transformés, moins ils sont rassasiants et plus ils élèvent la glycémie. Les aliments ultra-transformés pourraient donc augmenter le risque de diabète de type 2.

On sait désormais que 90% des sucres ajoutés de notre alimentation viennent d'aliments ultra-transformés et que le degré de transformation d’un aliment joue un rôle sur son index glycémique (IG). Ainsi les carottes ou les pommes ne présentent pas le même IG et le même indice de satiété selon leur préparation (crues, cuites, broyées ou mixées, etc.). (1, 2)

Les aliments ultra-transformés augmentent la glycémie

Anthony Fardet de l’unité de nutrition humaine de l’INRA de Clermont-Ferrand a voulu le confirmer sur un plus grand nombre d’aliments. Pour cela, il a étudié la corrélation entre le degré de transformation de 98 aliments prêts à manger, l’indice de satiété de ces aliments et la réponse glycémique (3).

Définition des aliments ultra-transformés
Selon la classification NOVA, la catégories des aliments ultra-transformés englobe un large éventail d'aliments et de boissons, tels que : les boissons gazeuses, les glaces, les bonbons, les biscuits, les pâtisseries industrielles, les barres de céréales, les margarines et pâtes à tartiner, les plats cuisinés, les nuggets, les produits de viande reconstituée...

Pour tout savoir sur les aliments transformés et ultra-transformés, lire : Qu’est-ce qu’un aliment ultra-transformé ?

Les résultats obtenus confirment les hypothèses de départ : plus un aliment est transformé, plus son indice de satiété est bas, et plus la réponse glycémique est élevée. Ces résultats ont également été confirmés sur environ 280 autres nouveaux aliments prêts à consommer.

Pour Anthony Fardet, il serait intéressant d’afficher l’indication de ce degré de transformation sur les emballages des produits (ce qui éviterait de faire le travail de décorticage comme le font nos spécialistes pour Le Bon choix au supermarché, un extrait ICI  >>). Il réfléchit à une classification qui utiliserait un index quantitatif reflétant le degré de transformation de l’aliment : il s’agirait de chiffrer les caractéristiques de l’aliment incluant à la fois des données de composition nutritionnelles et de caractéristiques physiques de la matrice qui sont en relation avec le caractère plus ou moins transformé de l’aliment. Par exemple, on observe que souvent les produits ultra-transformés sont plus mous que les aliments d’origine… Pour obtenir un bon reflet du degré de transformation, on pourrait aussi utiliser le concept de GGE (glycemic glucose equivalent).

Qu'est-ce que le concept GGE ?

Le paramètre GGE a été développé par un chercheur néozélandais, John A. Monro (4). C’est la quantité de glucose qui aurait le même effet sur la glycémie que la quantité d’aliment à évaluer (100 g d’aliment). Par exemple, 100 g d’un aliment dont la valeur est 15 GGE aura le même impact sur la glycémie que 15 g de glucose. Il permet de chiffrer de façon simple l’impact qu’aurait un repas sur l’élévation de la glycémie : il suffit pour cela d’additionner les différents GGE des portions d’aliments pris à ce repas. Ce paramètre peut aussi très facilement être inclus dans les tables de composition puisqu’il est exprimé en g/100 g d’aliment. Les résultats de l’étude d’Anthony Fardet montrent d’ailleurs que le GGE  «  reflète assez bien le degré de transformation de l’aliment ».

En théorie, le GGE s’approche de la notion de charge glycémique de l’aliment (celle-ci étant calculée à partir de l’index glycémique et pour une quantité d’aliment donnée) car il prend également en compte la notion de quantité de glucides dans une portion. Mais en pratique, les valeurs des GGE ont été déterminées différemment de celles des IG (sur une base de 100 g d’aliment et non sur une base de 50 g de glucides) et donc des charges glycémiques, et permettent de mieux refléter le rôle de la « structure de l’aliment » dans son impact glycémique.

À composition strictement identique mais avec des matrices différentes, deux aliments n’auront pas le même impact santé

Au final, cette étude met en évidence le rôle majeur de la structure de l’aliment dans son impact sur la santé. Pour Anthony Fardet, cette étude montre bien que « les caractéristiques structurelles et physiques d’un aliment ont des rôles clés dans le potentiel santé de l’aliment qui vont au-delà de sa composition nutritionnelle. En d’autres termes, à composition strictement identique mais avec des matrices différentes, deux aliments n’auront pas le même impact santé ».

Lire aussi : Vers une approche holistique de l’alimentation pour lutter contre les maladies chroniques 

Plusieurs études ont montré qu’une forte consommation d’aliments ultra-transformés était associée à une augmentation du risque d’obésité (5, 6), de syndrome métabolique (7) et d’autres maladies chroniques, comme les maladies cardiovasculaires. Qu'en est-il du diabète de type 2 ?

Les aliments ultra-transformés augmentent-ils le risque de diabète de type 2 ?

Comme beaucoup d’aliments et de boissons ultra-transformés contiennent des glucides raffinés, ils ont souvent un IG élevé. On peut donc légitimement se demander si leur consommation augmente le risque de diabète de type 2.

Dans un article paru en 2022, des chercheurs brésiliens ont étudié l'association entre la consommation d’aliments ultra-transformés et le risque de développer un diabète de type 2 chez les adultes. Pour cela, ils ont regroupé 18 études de cohorte incluant plus d’un million de personnes vivant en Chine, en Europe, au Japon, en Corée du Sud et aux États-Unis. Malgré l'utilisation du terme générique d’aliments ultra-transformés, la plupart des études incluses n'ont examiné que la consommation de viandes transformées : bacon, mortadelle, saucisse, chorizo, corned-beef, jambon, hot-dogs, salami, viande en conserve… Malgré cette limite majeure, les auteurs ont conclu que par rapport à ceux qui n’en mangent pas :

  • ceux qui ont une consommation modérée d'aliments ultra-transformés augmentent leur risque de diabète de type 2 de 12 % ;
  • ceux qui en ont une consommation élevée augmentent leur risque de 31 %.

Sur les 18 études de cohorte, seulement trois ont effectivement utilisé la classification NOVA. Ces trois études comprenaient 146 497 personnes vivant en Europe (8). Si on restreignait l’analyse à ces trois études, il n'y avait pas d’association significative avec des apports modérés d'aliments ultra-transformés mais seulement pour les apports élevés.

Mais, comme le signale le Dr Alan Barclay, auteur du livre Les bons glucides, "Malheureusement, aucune des études n'a été ajustée en fonction de l'IG ou de la charge glycémique." C'est pourquoi il a commenté ces résultats en émettant des réserves : « Compte tenu de l'accent mis sur les viandes transformées dans l'analyse globale et du manque d'ajustement pour l'IG et/ou la charge glycémique dans les études qui ont utilisé le système de classification NOVA, il est difficile de conclure que les aliments ultra-transformés augmentent le risque de développer le diabète de type 2 sur la base des preuves actuelles. »

Il souligne néanmois que « Il est important de noter que l'association entre consommation excessive de viandes transformées et risque de diabète de type 2 est reconnue depuis longtemps, des apports élevés augmentant le risque de 41 %. »

En conclusion

Mieux informer les consommateurs sur les caractéristiques structurelles de l’aliment et donc son degré de transformation semble plus que jamais d’actualité pour prévenir ou gérer au mieux les maladies chroniques « d’industrialisation », plutôt que de se focaliser sur la seule composition nutritionnelle - une approche réductionniste qui a définitivement montré ses limites…

Pour aller plus loin : Halte aux aliments ultra transformés ! Mangeons vrai et Pourquoi tout compliquer ? Bien manger est si simple d’Anthony Fardet.

Références
(1) Gustafsson K. Influence of processing and cooking of carrots in mixed meals on satiety, glucose and hormonal response. Int J Food Sci Nutr. 1995 Feb;46(1):3-12.
(2) Haber GB. Depletion and disruption of dietary fibre. Effects on satiety, plasma-glucose, and serum-insulin. Lancet. 1977 Oct 1;2(8040):679-82.
(3) Fardet A. Minimally processed foods are more satiating and less hyperglycemic than ultra-processed foods: a preliminary study with 98 ready-to-eat foods. Food Funct. 2016 May 18;7(5):2338-46
(4) Monro JA. Glycemic impact, glycemic glucose equivalents, glycemic index, and glycemic load: definitions, distinctions, and implications. Am J Clin Nutr. 2008 Jan;87(1):237S-243S
(5) Canella DS. Ultra-processed food products and obesity in Brazilian households (2008-2009). PLoS One. 2014 Mar 25;9(3)
(6) Louzada ML.Consumption of ultra-processed foods and obesity in Brazilian adolescents and adults. Prev Med. 2015 Dec;81:9-15.
(7)Tavares LF. Relationship between ultra-processed foods and metabolic syndrome in adolescents from a Brazilian Family Doctor Program. Public Health Nutr. 2012 Jan;15(1):82-7
(8) Delpino et al. Ultra-processed food and risk of type 2 diabetes: a systematic review and meta-analysis of longitudinal studies. Int J Epidemiol. 2022

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