Réduire la douleur post-opératoire grâce à un régime alimentaire ?

Par Juliette Pouyat - Journaliste scientifique Publié le 24/07/2014 Mis à jour le 10/03/2017
Une équipe française rapporte qu’un régime alimentaire faible en polyamines permet de réduire la douleur après une chirurgie du rachis, sans effets secondaires

Il n’y a pas que les médicaments qui peuvent diminuer la douleur. Un régime alimentaire adapté également. C’est ce que révèle une étude menée par une équipe française et dont les résultats ont été présentés au dernier meeting annuel de l’American Society of Anesthesiologists : un régime alimentaire faible en polyamines permet de diminuer la douleur avant et après une chirurgie du rachis chez des patients souffrant de douleurs chroniques. C’est en modulant les récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA) qui jouent un rôle déterminant dans la survenue de la douleur que ce régime alimentaire permet d’atténuer la douleur.

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Les polyamines sont des molécules présentes dans tous les organismes vivants. Elles peuvent être synthétisées par l’organisme et sont également contenues dans l’alimentation. Elles occupent de nombreuses fonctions dans l’organisme, notamment dans les mécanismes de prolifération cellulaire et dans la modulation des récepteurs NMDA. Les aliments contiennent des quantités variables de polyamines : par exemple courgette et brocoli en contiennent beaucoup, poireau et carotte en comportent peu.

Dans cette étude, les chercheurs ont mené un essai randomisé avec 64 patients souffrant de douleurs chroniques et devant subir une chirurgie du rachis. Les patients ont reçu soit un régime pauvre en polyamines soit un régime de contrôle. Le régime déficient comportait un petit déjeuner faible en polyamines avec une supplémentation 6 fois par jour de 250 ml d’une boisson à faible teneur en polyamines. « Avec ces boissons, les patients recevaient près de 10 000 kcal par jour », précise le Dr Estebe, un des auteurs de l’étude et professeur d’anesthésiologie à l’hôpital universitaire de Rennes. Le groupe de contrôle a reçu, quant à lui, un régime partiellement déficient en polyamines avec 2 boissons déficientes en polyamines et des aliments classiques. Le régime a commencé 7 jours avant l’opération et a continué 5 jours après. Le groupe test a ainsi reçu 40 fois moins de polyamines par jour que le groupe contrôle.

Les chercheurs ont évalué la douleur au repos et en mouvement ainsi que les effets secondaires et la « qualité de vie ».

Les résultats montrent que dans le groupe test, les patients ont eu tendance à moins souffrir au repos dans les 7 jours précédant l’opération et cette diminution de la douleur est devenue significative dans la période post-opératoire. Par contre en mouvement, les chercheurs ont noté une tendance à la diminution de la douleur dans le groupe test, mais celle-ci n’était pas statistiquement significative.

L’effet du régime faible en polyamines est d’autant plus important que les patients souffrent de douleurs sévères au repos et en mouvement. Aucune réduction de la douleur n’a été observée dans le groupe de contrôle.

Chez les patients soumis au régime test, la qualité de vie est améliorée avant et après l’opération. Quelques troubles gastro-intestinaux ont été rapportés.

Ces résultats peuvent s’expliquer par la modulation des récepteurs du N-méthyl-D-aspartate (NMDA) par les polyamines. Supprimer les polyamines de l'alimentation permet de limiter les processus de sensibilisation à la douleur.

Cependant, pour le Dr Viscusi, professeur d’anesthésiologie et directeur du service de gestion de la douleur à l’hôpital Thomas Jefferson de Philadelphie, il faut également considérer que le groupe test a non seulement reçu un régime faible en polyamines mais également une charge calorique différente, dont l’effet potentiel devrait être considéré. « Ceci dit, l’attention portée à l’alimentation avant et après une opération n’est probablement pas suffisante aujourd'hui et son impact notamment sur la douleur certainement sous-estimée » conclut-il.

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Source

Finally, a diet that doesn’t hurt. Michael Vlessides www.anesthesiologynews.com , juillet 2014.

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