Viande rouge : faut-il lui redonner une place de choix dans notre alimentation?

Par Juliette Pouyat - Journaliste scientifique Publié le 01/09/2014 Mis à jour le 10/03/2017
Actualité
Selon des scientifiques de la filière viande, les conseils nutritionnels auraient peu à peu détourné les consommateurs de la viande rouge au profit d’aliments transformés. Ce qui, selon eux, a contribué à l’augmentation de l’obésité et des maladies chroniques .

Les conseils nutritionnels actuels nous ont-ils incités à délaisser la viande rouge au profit d’aliments transformés moins nutritifs ? C‘est ce que suggère cet article paru dans la revue Meat Science dans lequel les auteurs, qui travaillent pour la filière de la viande en Amérique du Nord, suggèrent que limiter la viande pourrait s’avérer inutile et avoir des conséquences inattendues sur la santé. Dans cet article, les auteurs expliquent pourquoi il leur semble que la viande n’a pas forcément la place qu’elle mérite dans les recommandations nutritionnelles.

Par le passé les études concernant l’association entre consommation de viande rouge et santé ont rapporté des résultats contradictoires. Peut-être, disent les auteurs, parce que les études n’établissaient pas de distinction entre les types de viandes. Les chercheurs reconnaissent désormais l’importance de différencier les viandes non transformées comme le bœuf, le veau, le porc et l’agneau des viandes transformées (saucisses, salami, bacon..).

Des études récentes en Europe (étude EPIC portant sur près de 500 000 personnes dans 10 pays pendant 12 ans) et Amérique du Nord (étude NHANES portant sur 17611 pendant 24 ans) ne rapportent d’ailleurs aucune association entre la consommation de viande rouge et le risque de décès par maladies cardiovasculaires ou cancer : l’intérêt de ces études viendrait du fait, toujours selon les auteurs, que les chercheurs ont étudié séparément viandes transformées et viandes non transformées. Pas d’association non plus entre consommation de viande rouge et maladie coronarienne. De plus, les viandes rouges maigres ont le même impact sur le cholestérol-LDL (pseudo « mauvais cholestérol ») que les viandes blanches.

Enfin ces études auraient démontré que ceux qui consomment plus de viande rouge ont un indice de masse corporelle plus faible et un tour de taille plus petit que ceux qui en consomment moins. Ces résultats sont en accord avec les études qui démontrent que consommer plus de protéines facilite la satiété et la maitrise du poids.

La viande rouge maigre est intéressante pour couvrir les besoins en protéines de haute qualité mais également en micro-nutriments importants comme fer, zinc, sélénium, potassium et plusieurs vitamines du groupe B. Alors pourquoi les recommandations nutritionnelles suggèrent-elles de limiter les apports en viande rouge ? Ces conseils viennent de l’idée que la consommation d’acides gras saturés devait être réduite pour promouvoir la santé cardiaque, écrivent les auteurs de l'article. Mais aucune preuve claire, selon eux, ne vient appuyer cette ligne de conduite.

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Selon ces chercheurs, en détournant les consommateurs de la viande mais aussi des œufs et du lait, les recommandations nutritionnelles auraient involontairement favorisé la consommation d’acides gras trans et de glucides raffinés et ainsi contribué à l’augmentation de l’obésité et d’autres facteurs de risque liés aux maladies cardiovasculaires.

Les auteurs expliquent l’importance de revenir à des conseils diététiques qui insistent sur la consommation d’aliments naturellement riches en nutriments et donc sur la nécessité de consommer plus de protéines issues d’aliments non transformés, comme la viande, et moins de graisses et de glucides raffinés.

L'avis de LaNutrition.fr. Les données publiées à ce jour sous forme de méta-analyse, lorsqu'elles distinguent viande rouge et viande transformée (charcuteries) trouvent un risque augmenté de cancers digestifs et d'AVC avec une consommation élevée de charcuteries. Mais elles continuent de trouver un risque modérément augmenté avec des consommations élevées de viande rouge aussi. Pour l'infarctus, les données sur la viande rouge sont contradictoires. Rappelons qu'il s'agit d'études d'observation ne permettant pas de conclure sur la relation de cause à effet. LaNutrition.fr se range aux recommandations du Fonds mondial de recherche sur le cancer (WCRF) qui conseille de ne pas manger plus de 500 g de viande rouge cuite par semaine (soit 700 à 750 g de viande fraîche). Contrairement à ce qu'écrivent les auteurs de cet article, ce conseil du WCRF n'est pas basé sur l'idée qu'il faut diminuer les acides gras saturés, mais sur des données épidémiologiques portant sur le risque de cancer. LaNutrition.fr conseille parallèlement de limiter les charcuteries ou les éviter. Enfin, il est inexact de dire qu'en consommant moins de laitages on avale plus d'acides gras trans, puisque les laitages sont la première source d'acides gras trans (certes non industriels) dans l'alimentation.

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Source

Mary Ann Binniea, Karine Barlowb, Valerie Johnsonc, Carol Harrisond. Red meats: Time for a paradigm shift in dietary advice. Meat Science Volume 98, Issue 3, November 2014, Pages 445–451. Meat Science, Sustainability & Innovation: ‘60th International Congress of Meat Science and Technology 17-22 August 2014, Punta del Este, Uruguay’

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