Maladie de Lyme : quand l'Etat cherche à faire taire les lanceurs d'alerte

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 13/10/2014 Mis à jour le 10/03/2017
Judith Albertat, présidente de l'association Lyme sans frontières et auteure du livre Maladie de Lyme, mon parcours pour retrouver la santé revient sur le procès intenté le 23 septembre 2014 à Viviane Schaller et Bernard Christophe, deux lanceurs d'alerte qui ont eu pour tort de montrer que la maladie de Lyme était sous-diagnostiquée et mal prise en charge.

Le cinquième volet du procès Schaller-Christophe, le 23 septembre 2014, a définitivement révélé à la population française l’existence d’une maladie prétendument « rare » : la maladie de Lyme.

« Rare », parce que non correctement diagnostiquée, pour de multiples raisons.

« Rare », aux yeux des médecins qui n‘ont pas de formation sur le sujet, et encore moins d’informations nouvelles, ou novatrices,  lorsqu’elles existent à l’étranger.

« Rare », parce que, dans un réel contexte d’ignorance scientifique et pratique ou de terrain, les malades de Lyme ne sont pas considérés comme tels. Ce qui les conduit d’errance en erreur thérapeutiques, de service spécialisé en service psychiatrique, sans que l’on puisse les soulager de  leurs souffrances.

L’association Lyme sans Frontières a alerté Monsieur François Hollande en avril 2012, puis Madame la Ministre de la Santé à maintes reprises depuis deux ans sur une situation actuelle qui est celle d’un déni absolu :

  • Déni  de ce qu’est la réalité de la maladie dans sa diversité (souches impliquées, difficultés de détection ; coïnfections associées ; aspect multifactoriel et multisystémique,  notion de « terrain » différentiel d’un patient à l’autre) et de ce qu’elle engendre, tant au niveau des malades que des professionnels de santé dits  «  divergents », lesquels s’attachent à diagnostiquer mais aussi soigner cette pathologie hors protocole ou consensus établis.
  • Déni de considérer les tests officiels actuels comme insuffisants, quand le  test Elisa (calibré sur 5% d’une population saine) sert de seule référence à valider ou non une séropositivité. Ce qui permet au passage de classer la Borréliose de Lyme dans la catégorie des « maladies rares »…
  • Refus d’écouter les lanceurs d’alerte que sont le Professeur Luc Montagnier, certains infectiologues français dont le Professeur Christian Perronne, les médecins cliniciens de terrain, certains biologistes dont le Dr Viviane Schaller, certains pharmaciens dont M. Bernard Christophe, les associations de malades, quand ils apportent des évidences de plus en plus nombreuses contestant des affirmations qui n’ont pas évolué depuis 1982.
  • Harcèlement des médecins et professionnels de santé qui ont, par leurs recherches et leur ouverture d’esprit, armés d’autres savoirs, osé défier l’Autorité en la matière pour diagnostiquer ou soigner leurs patients.

La fermeture du LABM Schaller de Strasbourg, en mai 2012, fut une sanction exemplaire prise à l’encontre d’un de ces dissidents. Cette fermeture a alors généré un véritable phénomène national  de révolte tout à fait hors du commun, malades et thérapeutes cherchant légitimement une solution pour la réalisation de tests sérologiques efficients. Révélateur d'un problème de santé publique, ce phénomène aurait dû être analysé dans ses causes et ses effets ; cela n'a pas été fait. Les responsables de santé publique l'on traité comme une anomalie.

Deux approches distinctes du problème de reconnaissance de la Borréliose de Lyme s’affrontent aujourd’hui. L’une est hospitalière ; l’autre est praticienne. La première est basée sur les  recommandations officielles restrictives de la conférence de consensus de 2006 que promeut l’IDSA. La seconde, plus au contact de malades chroniques non reconnus par l'hôpital, s'est nourrie en France de l'expérience allemande mais aussi des acquis d'Outre-Atlantique et notamment de l'ILADS.

La description clinique de la maladie chronique de Lyme, ces états persistants d’un Syndrome Poly-Organique Chronique sans solutions thérapeutiques, parfois traités en vain comme des états purement psychiatriques, ont déterminé praticiens et malades informés à se tourner vers le laboratoire Schaller  - lequel devait rapidement acquérir succès  et notoriété par les découvertes de l'infection méconnue.

Madame Viviane Schaller, dans une position de pionnière en France, a ainsi mis en évidence une faille dans le protocole de diagnostic de la borréliose de Lyme. Ce, en choisissant des tests plus sensibles et plus spécifiques, correspondant aux variétés européennes des souches de borrélies ; mais aussi en choisissant une lecture optique des résultats, plutôt que la lecture laser automatique. Parallèlement elle alertait les Autorités de Santé et l’industrie pharmaceutique sur la problématique.

De même elle a sollicité le CNR pour des rencontres entre scientifiques. Sollicitations restées sans réponse. Pourquoi, alors même que la clé de l’évolution en matière de connaissance passe par un échange des savoirs ? Pourquoi ce refus de rencontrer des spécialistes nationaux et internationaux appartenant à d’autres courants? Quand il apparait de manière flagrante que l’on parle, dans de nombreux pays et en matière de Borréliose de Lyme, d’un problème de santé publique, et que l’alerte à la pandémie commence à être prise très au sérieux ? En quoi réfute-t-on les travaux présentés par l’ILADS, organisme certes divergent de l’IDSA mais qui pourtant semble aujourd’hui entrainer un courant de pensée prédominant, preuves  à l’appui  (statistiques, publications, evidence  based medicine – courant de pensée non reconnu et non admis en France, alors qu’il  est le seul à s’assoir sur la réalité de terrain) ? Quelle est  la part de responsabilité de nos experts, dans les attaques dirigées vers certains médecins aux pratiques thérapeutiques divergentes, dans la fermeture du LABM Schaller et du laboratoire Nutrivital ?  Pourquoi n’a-t-on pas investigué sur les travaux du LABM Schaller, comme l’avait demandé l’ARS de Strasbourg - et comme cela est requis par le GBEA - face à une divergence dans les pratiques appliquées par ce laboratoire ?

Pourquoi ces poursuites prises à l’encontre du pharmacien Monsieur Bernard Christophe et du laboratoire Nutrivial quand, durant une vingtaine d’années, Monsieur Christophe a alerté les différents Gouvernements et Organismes de Santé sur la problématique de la Borréliose de Lyme et ses conséquences sur la santé des citoyens ? Pourquoi, face aux nombreuses alertes qu’il a lancées, n’a-t-il jamais reçu aucune réponse ? Pourquoi son complexe d’huiles essentielles a-t-il été interdit en France, quand il est en vente libre de l’autre côté du Rhin ? Pourquoi  une condamnation pèse-t-elle aujourd’hui sur sa tête, quand jamais aucun malade n’a porté plainte contre lui?

Pourquoi aucune mesure d’investigation sur le sujet de la Borréliose de Lyme n’a-t-elle été prise ? 

Pourquoi le Ministère de la Santé n’incite-t-il pas les CPAM à aller plus loin dans l’exploration de toutes  les sources d'économies pouvant révéler des pratiques novatrices salutaires méconnues ?

« Le respect des règles  doit être appliqué »  brandit, non convaincue, l’avocate de la CPAM au Tribunal. Quand devant les faits, la règle n’est manifestement pas bonne, le fautif est celui qui respecte la règle. La Sécurité Sociale considèrerait-t-elle les résistants et les Justes qui n’ont pas respecté les règles de Vichy comme ayant fait leur devoir, ou comme ayant fait acte de délinquance ?

« Qu’on soit arrivé à concevoir le devoir comme une chose indépendante de la conscience, indépendante de la justice, de la bonté, de la charité, c’est là la preuve de l’inanité de notre prétendue civilisation ». ( Hélène Berr, Journal, mardi 9 novembre 1943 ; 4 mois avant sa déportation sans retour vers le camp de Bergen Belsen)

Ce procès, à travers la révélation d’un vrai problème de fond, met une fois de plus clairement en évidence la collision frontale des 2 logiques qui s’opposent : la logique administrative, mécanique, et brutale de la Sécurité Sociale et de la Pharmacie, qui applique  la Loi à la lettre ; et la logique humaine et empathique des inculpés, qui respecte l’esprit de la Loi.

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