Pr David Jenkins : "Notre premier article sur l’index glycémique est passé totalement inaperçu"

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 01/11/2011 Mis à jour le 02/02/2023
Point de vue

Dans cet entretien avec le père de l'index glycémique, David Jenkins revient sur les circonstances dans lesquelles il a inventé l’IG au début des années 1980 et sur l’impact de ses recherches. Découvrez ses conseils pour rester mince et en bonne santé.

Le Pr David Jenkins (Faculté de Médecine, Université de Toronto) est, avec le Dr Thomas Wolever, le père de l’index glycémique (IG). À ce titre, il est considéré comme l'un des chercheurs qui a le plus influencé notre manière de manger. L'IG est une valeur attachée aux aliments glucidiques (pain, pâtes, riz, pommes de terre…) qui permet de choisir ceux qui élèvent le moins amplement le sucre sanguin lorsqu’ils sont consommés. La mise en place de l'IG a donné naissance à un régime alimentaire (Nouveau Régime IG) qui peut prévenir et corriger le diabète, les maladies cardiovasculaires, le surpoids, et pourrait diminuer le risque de certains cancers. Dans cet entretien, David Jenkins revient sur sa découverte de l’index glycémique au début des années 1980, qui allait révolutionner la science de la nutrition. Il donne aussi ses conseils pour ce qui pourrait être un régime idéal, tant pour sa propre santé que celle de la planète.

LaNutrition.fr : Vous êtes le premier à avoir balayé les vieilles notions de « sucres simples » et « sucres complexes » pour les remplacer par celle d’index glycémique. Quand vous avez avancé en 1981 l’idée de mesurer l’index glycémique des aliments, imaginiez-vous à l’époque les retombées pour la santé ?

David Jenkins : Nous avons pensé que notre article de 1981 aurait des retombées importantes car l’idée était de trouver un moyen efficace d’équilibrer le diabète par l’alimentation, alors que le recours aux concepts de sucre simple et de sucre complexe ne donnait pas de bons résultats. Or le diabète a des conséquences sur la santé cardiovasculaire, la santé rénale, et la vision. Notre idée était de considérer l'alimentation du point de vue physiologique et pas simplement du point de vue chimique.

Avez-vous eu des difficultés à faire publier votre étude à l'époque?

Ted Van Itallie, qui était rédacteur en chef de l’American Journal of Clinical Nutrition, un type vraiment sympa, connu pour ses travaux sur l'obésité, a accepté le document que nous lui avons envoyé, sans même le réviser et il l’a publié ! Jamais avant, ni depuis, je n'ai connu le même traitement. La deuxième surprise c’est que personne ne nous a demandé de tirés à part, comme cela se passe quand d’autres chercheurs ou des journalistes scientifiques sont intéressés. Cet article est passé totalement inaperçu pendant une bonne année. Il a été accepté sans commentaire et sans critique, il a été publié et il a été ignoré.

Qu’avez-vous publié par la suite ?

Les données dans la publication originale incluaient de nombreuses études, donc on a fractionné pas mal de choses que contenait le premier article et on a commencé à montrer que les légumineuses (haricots, pois et lentilles), sont des aliments à faible IG ; que les fibres des céréales ne font pas forcément de différence en termes d’IG et que les fibres du blé complet n’ont qu’un impact faible sur l’IG, ce qui a de nouveau été une surprise, et que les pâtes sont différentes du pain. Je pense que les gens ont commencé à s'intéresser aux fibres ou aux pâtes ou aux haricots et que cela témoignait d’un certain intérêt général. De tous les articles scientifiques que j'ai écrits et publiés, c’est celui qui a suscité le moins d’intérêt au départ, mais qui a connu le plus de succès sur la durée.

Quels sont les avantages d’adopter un régime à faible IG pour prévenir ou traiter une maladie ?

En gardant la glycémie sous contrôle, on évite de stresser son pancréas, d’être trop agressé par les radicaux libres, d’oxyder son cholestérol-LDL, et de glyquer son hémoglobine. Toutes ces choses peuvent en fin de compte avoir des conséquences néfastes. 

Un sportif mince qui n’a pas une once de graisse sur le corps, qui a une glycémie optimale doit-il suivre un régime à IG bas ?

En fait, il pourrait très bien faire ce qu’il veut et même consommer des aliments à IG élevé. Dans la pratique il ne le fait pas parce par définition les athlètes sont incroyablement disciplinés. Mais pour la plupart d’entre nous, simples mortels qui font peu d’exercice et mangent trop, qui fument peut-être, qui regardent trop la télévision et sont trop souvent devant l'ordinateur, nous avons vraiment besoin de commencer à nous demander comment veiller sur nous-mêmes. C’est là que le régime IG peut faire une différence.

Lire : Le régime IG peut être suivi par toute la famille

Quels conseils donner justement à quelqu’un pour préserver sa santé à long terme, pour réduire son risque de maladie, peut-être même pour l’équilibre et la santé de la planète ?

La première chose, selon moi, c’est de privilégier les aliments d’origine végétale. Les légumes à feuilles sont riches en protéines et pauvres en graisses et en amidon, donc ils sont utiles. Les fruits devraient être l’un des plaisirs de la vie. Les fruits des régions tempérés ont un IG bas donc si vous êtes en surpoids ou si vous souffrez de résistance à l’insuline, il vous faut peut-être éviter de manger trop de bananes et de mangues. Tenez-vous en aux pommes, poires, pêches, myrtilles, mûres, framboises, fraises - les baies - sont généralement bonnes. Et si vous vous alimentez sainement, vous devez aussi faire de l’exercice au mieux de votre capacité.

Pensez-vous qu’il y ait un avantage à manger végétarien ou végétalien ?

Je pense que les avantages sont essentiellement d’un point de vue humanitaire. Je pense qu'on doit prendre en considération les questions environnementales. On dit qu’un régime à base de viande utilise 10 fois plus de ressources qu’un régime à base de végétaux, ce qui est évidemment un problème dans de nombreux endroits. Nous ne pouvons pas nous permettre d’orienter la planète entière vers l’élevage d’animaux dont on va se nourrir, ce qui me paraît être une folie que nous acceptons parce que la viande est savoureuse. Je pense que ces raisons sont vraiment fortes. Je pense que si on est responsable et qu’on surveille ses apports en vitamine B12 on peut très bien vivre avec un régime végétarien ou végétalien.

Avec le recul, comment jugez-vous votre parcours ?

Je me vois comme quelqu’un qui s’est toujours trouvé sous le feu de la polémique, parce que les concepts que j’ai introduits étaient nouveaux pour leur époque. J’espère sincèrement que nous saurons amener un peu plus de connaissances à nos contemporains plutôt qu’un peu plus de polémiques. Donc, par mon travail, j’essaie de résoudre ces controverses.

LaNutrition.fr a publié, avec le concours des chercheurs, les 4 ouvrages  de référence sur l'index glycémique : Le Nouveau Régime IG (EXTRAIT ICI >>), Guide des Index glycémiques, 100 aliments IG à volonté ( lire un extrait ICI >>), Le régime IG Diabète

© GI News, Human Nutrition Unit, University of Sydney

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