Le curcuma serait aussi efficace qu’un inhibiteur de la pompe à protons pour traiter la dyspepsie, une lenteur digestive souvent associée au reflux.

Aussi appelée Leaky gut syndrome, l’hyperperméabilité intestinale correspond au passage anormal de grosses particules à travers la paroi de l’intestin. Ce dérèglement de la perméabilité de l’intestin entraîne des troubles plus ou moins embêtants.
Situé entre l’estomac et le gros intestin (côlon), l’intestin grêle qui mesure environ 5 à 7 m de long et 3 cm de large permet de digérer les aliments que nous mangeons. Son rôle est d’absorber l’eau et les nutriments issus de notre alimentation. Sa muqueuse constitue une barrière entre le milieu intérieur et l’environnement, et permet de sélectionner les substances qui vont entrer dans l’organisme. L’intestin, en plus de son rôle de digestion et d’absorption, doit donc empêcher les substances indésirables (pathogènes, allergènes, toxines), présents dans l’intestin d’entrer dans l’organisme.
Comme vous pouvez le voir sur le schéma ci-dessous, l’intestin ressemble à un gros tuyau replié sur lui-même et recouvert de villosités intestinales sortes de petits poils de moins d’un millimètre de haut. Sur ces villosités intestinales, on trouve une couche de cellules appelées entérocytes. En dessous, il y a un tissu de soutien parcouru par d’innombrables vaisseaux sanguins microscopiques. Les entérocytes fabriquent des enzymes qui terminent de couper les grosses molécules (protéines, glucides, lipides) en plus petites molécules (acides aminés, sucres simples, acides gras) qui peuvent ensuite être absorbées et passer dans la circulation sanguine.
Illustration d'Elise Gilles pour Gluten, comment le blé moderne nous intoxique, tous droits réservés.
Si la barrière de l’intestin grêle laisse passer vers l’organisme ce qui est indispensable à son fonctionnement, elle est normalement capable d’empêcher le passage de molécules indésirables comme les bactéries ou les molécules étrangères. Le passage des aliments, de l’eau et des minéraux se fait au niveau des entérocytes. Entre chaque entérocyte, il existe un espace dont le rôle est très important et qui s’appelle la jonction serrée. Cet espace a une fonction essentielle : il contrôle la perméabilité de l’intestin. En temps normal, les jonctions serrées servent de barrière aux molécules qui n’ont pas été assez digérées et qui sont donc trop grosses et nocives.
Lorsque les jonctions serrées sont altérées (par des agents pathogènes par exemple), elles laissent passer des macromolécules (d’origine alimentaire ou bactérienne). On parle d’hyperperméabilité intestinale (ou hyperméabilité intestinale selon les auteurs) lorsqu’il y a passage de protéines alimentaires en quantité excessive. La perméabilité intestinale est un facteur-clé dans le déclenchement des réactions inflammatoires et des maladies auto-immunes, car elle favorise le passage anormal dans l'organisme, depuis le tube digestif, de fragments de protéines ou antigènes qui pourront déclencher une réponse du système immunitaire.
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La zonuline, une protéine-clé
Protéine fabriquée par la muqueuse intestinale, la zonuline est impliquée dans la régulation de la perméabilité intestinale. Elle peut être la cible de toxines produites par des bactéries pathogènes ou bien être perturbée par certains produits chimiques environnementaux – perturbateurs endocriniens ou pesticides – et par l’alimentation. Or, lorsque la production de zonuline est accrue, la perméabilité intestinale augmente. La dérégulation de la zonuline peut être à l’origine de nombreux troubles (auto-immunité, inflammation, néoplasie). (1)
Une des fonctions importantes de l’appareil gastro-intestinal est de fournir une barrière dynamique pour contrôler étroitement le trafic d’antigènes, notamment par l’intermédiaire des jonctions serrées et l’intervention de la zonuline (lire encadré). (2) (3) Lorsque la régulation de la zonuline est perturbée, il peut apparaître des maladies auto-immunes car des molécules passent la barrière intestinale alors qu’elles ne le devraient pas. Le système immunitaire sécrète en réponse des anticorps qui contribuent à des dysfonctionnements immunitaires et à l’apparition de maladies auto-immunes. (4) Cette porosité intestinale entretient une inflammation chronique et est impliquée dans de nombreuses pathologies comme les allergies, les intolérances alimentaires… sans parler du foie qui fait face à une surcharge de travail pour détoxifier l’organisme.
C’est dans les années 1980 que le Docteur Jean Seignalet (1936-2003) a suggéré que les maladies auto-immunes se déclarent sur un terrain génétique particulier, dans un contexte d’hyperperméabilité intestinale et en présence d’un déclencheur d’origine bactérienne, toxique ou alimentaire. Pour le Dr Seignalet, diminuer la perméabilité intestinale et les aliments qui la déclenchent permettrait de diminuer l’incidence des maladies auto-immunes.
Certaines manifestations physiques mais également mentales peuvent suggérer une hyperperméabilité intestinale : troubles gastro-intestinaux, maux de tête, allergies, eczéma, problèmes cutanés, fatigue, douleurs articulaires, troubles de l'humeur, dépression…
Il existe un test qui mesure indirectement la perméabilité intestinale en comparant l’élimination urinaire de molécules -des saccharides- ingérées oralement. Il s'agit généralement du lactulose et du mannitol. Le principe est le suivant : le lactulose est une molécule relativement grosse qui ne peut traverser la paroi de l'intestin que si celui-ci "fuit". La mesure du lactulose dans l'urine permet d'estimer quelle quantité a pu passer à travers l'intestin au niveau des lésions et se retrouver dans l'organisme. Cette quantité est comparée à celle du mannitol (qui sert de contrôle), molécule plus petite, qui peut passer par la voie des pores. Une quantité élevée de lactulose dans les urines serait le signe d'un intestin perméable. Cependant, il semblerait que les différences de tailles moléculaires ne permettent pas de justifier que ces sucres traversent l'épithélium intestinal par des voies différentes. Ce qui remet en cause la validité du test.
Il est également possible de doser la zonuline dans le sang. Un taux élévé de zonuline dans le sang peut signifier que l'intestin fuit.
Notre alimentation influence notre santé intestinale et l’augmentation des maladies auto-immunes ces dernières décennies suggère bien une cause environnementale. Le Dr Jean Seignalet a conçu son célèbre régime hypotoxique dans le but de diminuer la perméabilité de l’intestin. Pour cela, il faut éliminer de son alimentation tous les aliments ou substances qui favorisent la perméabilité intestinale et le passage de fractions protéiques ou d’agents pathogènes à travers la paroi de l’intestin, déclenchant inflammation et auto-immunité. Notre microbiote intestinal est également un facteur important pour réguler le rôle de barrière intestinale. Ainsi, en agissant sur notre alimentation et sur notre microbiote intestinal, nous pouvons agir sur la perméabilité de notre intestin. Le traitement d'un intestin hyperperméable passe donc par la modification de nos habitudes alimentaires et de notre mode de vie.
Pour aller plus loin, lire : Réduire au silence 100 maladies avec le régime Seignalet
On trouve le gluten dans le blé, l’orge et le seigle. Même chez les personnes qui ne sont pas intolérantes au gluten, la gliadine du gluten augmente la perméabilité intestinale. La gliadine favorise le passage de macromolécules qui normalement ne franchissent pas la barrière intestinale. Le système immunitaire est alors activé. La consommation de gluten entretient l’hyperperméabilité, l’inflammation et l’état de défense chronique de l’organisme. C'est parce que le gluten favorise la perméabilité intestinale chez tout le monde, même chez ceux qui ne sont pas intolérants au gluten, que le Pr Seignalet a justement préconisé son exclusion dans son régime hypotoxique.
Pour trouver les meilleurs substituts au pain et aux céréales à gluten, lisez notre dossier sur ces alternatives saines ou consulez un guide pour passer au sans gluten.
La caséine – protéine présente dans le lait et les produits de laitiers – favorise la perméabilité intestinale et des études montrent que chez les enfants, le fait de les nourrir avec des préparations infantiles à base de lait de vache, augmente le risque de maladies auto-immunes et notamment de diabète de type 1. Notre alimentation moderne repose en partie sur la consommation de produits laitiers. Or, nos enzymes sont mal équipées pour la digestion complète des protéines du lait de vache.
Vous pouvez remplacer le lait de vache par des "laits" végétaux : lait d'amande, de coco, de soja....Yaourts, beurre, crème, formage ont tous des substituts végétaux. Pour savoir par quoi remplacer les produits laitiers, lisez notre article complet (abonnés).
Le fructose ajouté sous forme de sirop de maïs à haute teneur en fructose –dont la consommation a considérablement augmenté ces dernières années- ainsi que tous les additifs favorisent la perméabilité intestinale. fuyez donc les aliments ultra-transformés qui en contiennent en grande quantité. D'une façon générale, le régime occidental est l'ennemi de votre santé intestinale.
Pour connaitre tous les aliments à éviter en cas d'hyperperméabilité intestinale, lisez notre article.
Manger une fois par jour des légumes crucifères (brocoli, chou-fleur, chou de Bruxelles, chou Romanesco, chou kale, chou vert, chou frisé, chou chinois...) fera du bien à votre intestin et à sa fonction de barrière.
Il s'agit des aliments fermentés qui favorisent l'intégrité de la barrière intestinale : choucroute, légumes lacto-fermentés, miso...
Il existe d'autres aliments à privilégier : ceux riches en vitamine A ou encore ceux contenant des acides gras à chaines courtes. Pour plus de détails, lisez "Perméabilité intestinale, pourquoi c'est important, les aliments qui la modifient".
Les probiotiques peuvent renforcer les jonctions serrées épithéliales et préservent la fonction barrière de l'intestin. Parmi les souches intéressantes, on trouve la famille des Lactobacillus ainsi que celle des Bifidobacterium et des Saccharomyces.
La vitamine D semble aussi jouer un rôle dans l’intégrité de la barrière intestinale. Un déficit en vitamine D compromet l’état de la muqueuse et exacerbe les maladies inflammatoires de l’intestin. On sait également que les personnes ayant un déficit de vitamine D ont un risque plus élevé de souffrir de maladies auto-immunes, elles-mêmes liées à la perméabilité intestinale- que celles avec un statut optimal en cette vitamine. Une supplémentation peut donc être utile pour les personnes présentant un déficit.
Selon les études, il serait préférable de maintenir sa concentration sérique en 25-hydroxyvitamine D à au moins 30 ng/mL (75 nmol/L) mais une concentration entre 40 et 60 ng/mL serait préférable pour bénéficier de façon optimale des effets bénéfiques de la vitamine D sur la santé.
Pour aller plus loin, lire : Le nouveau guide des probiotiques
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Découvrir la boutiqueLe curcuma serait aussi efficace qu’un inhibiteur de la pompe à protons pour traiter la dyspepsie, une lenteur digestive souvent associée au reflux.
Les personnes âgées qui ont pris certains médicaments anti-reflux pendant plus de quatre ans et demi ont un risque de démence augmenté de 33 %.
Martine Cotinat, gastro-entérologue, publie Soignez les diverticules naturellement, un livre pour aider toutes celles et ceux qui se posent des questions sur cette maladie méconnue.