Le Plan national contre Lyme commenté par Judith Albertat

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 17/10/2016 Mis à jour le 10/03/2017
Judith Albertat, l'une des meilleures connaisseuses de la maladie de Lyme, commente sans langue de bois le Plan présenté par le ministère de la Santé.

Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, a lancé le 29 septembre 2016 le Plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmises par les tiques. LaNutrition.fr a demandé à Judith Albertat, militante infatigable, co-fondatrice de l'association Lyme sans Frontières, à l’origine du fonds de dotation I for Lyme, et auteure de Lyme : les solutions naturelles, de commenter les dispositions de ce plan d’action.

Ce que prévoit le Plan national Lyme

Il prévoit d’améliorer l’information des promeneurs et randonneurs par la pose de panneaux d’information à l’entrée des forêts, la mise en place d’une application sur « smartphone » permettant de signaler la présence de tiques, le lancement d’actions d’information à destination de la population, et de formation des professionnels de santé, sur les maladies transmises par les tiques (affiches, dépliants, etc.).

Les médecins disposeront d’un bilan standardisé décrivant la liste des examens permettant un diagnostic complet chez toute personne présentant des symptômes évocateurs, la mise en place d’un protocole national de diagnostic et de soins pour assurer une prise en charge standardisée et remboursée des malades sur l’ensemble du territoire, l’ouverture en 2017 de centres de prise en charge spécialisés.

Une cohorte de patients suivis dans les centres de prise en charge spécialisés devrait aider à  améliorer les connaissances scientifiques sur la maladie. Parallèlement des recherches autour du diagnostic seront menées par l’Institut Pasteur.

Commentaire général de Judith Albertat : "Ce plan d'action est le bienvenu. Il est néanmoins essentiel de ne pas se perdre en réunions qui dureront des années dans les couloirs des ministère et autres HAS/HCSP. De nombreux points devront être discutés au niveau requis avec l'aide des associations et des médecins de terrain, et des organismes indépendants non sous tutelle de l'Etat et du Ministère."

Ci-dessous, quelques aspects du Plan, et la réaction de Judith Albertat à chacun d'eux.

Ce plan met en cause « la pratique plus fréquente des contacts de l'homme avec la nature en péri-urbanité »

Judith Albertat : "Il me semble que de tout temps, les gens ont été en contact avec le nature. Ils s'en accommodaient, étaient bien plus résistants aux microbes que nous ne le sommes. Ce n'est que récemment que la population urbaine a augmenté. Le problème n'est à mon avis pas "la pratique plus fréquente des contacts de l'homme avec la nature en péri-urbanité ", mais bel et bien notre environnement qui a changé. L'aspect de la toxicité environnementale et de ses effets sur l'organisme et le système immunitaire de l'être humain est totalement impliqué dans la prévalence de ces maladies infectieuses émergentes. Ainsi, aujourd'hui, aux USA, 1 enfant sur 45 touché par l'autisme, et en prévision pour dans 20 ans, 1 enfant sur 2 sera autiste. Ce ne sont pas les infections qui posent un problème mais notre environnement."

Selon la ministre de la Santé, "la maladie de Lyme n’est pas contagieuse et ne se transmet pas d’une personne à une autre" 

J.A. : "Là, il faudrait se renseigner, quand même ! La transmission materno-foetale est largement documentée, de même que la contamination par voie sexuelle. Quid de la contamination par voie sanguine? Pourquoi l'Etablissement français du sang, sous tutelle du ministère de la santé, a-t-il reçu des directives de ne pas accepter des dons du sang provenant des malade de Lyme, s'il n'y a pas de risque ? Pourquoi occulte-t-on les expérimentations conduites aux USA et en France sur la contamination de poches de sang à l'agent borrelia, et qui prouvent que des poches infectées le restent 6 mois plus tard ?"

Lire : Maladie de Lyme et transmission sexuelle

 

"La gouvernance du plan prévoit qu’un comité de pilotage, accueillant les associations de patients et l’ensemble des acteurs, soit organisé deux fois par an. Par ailleurs, le site internet du ministère chargé de la santé développera un dossier consacré à ce plan, notamment sur le volet accès aux soins". 

J. A. : "Bien ! Espérons néanmoins que l'on ne perde pas 10 ans à consulter les uns et les autres. Les malades attendent."

"Renforcer la surveillance des tiques et élaborer une cartographie du risque et de la répartition des tiques en France (action 1)".

J. A. : "Bien. Il faut toutefois qu'un organisme indépendant et neutre participe à cette action, et qu'elle ne soit pas seulement menée par les Réseau Sentinelle et autres InVS ou CNR. Pourrait-on y inclure l'équipe Vectotiq de Muriel Vayssier à l’INRA ?"

"Mise en place d'actions locales d'information du public et de formations des professionnels de santé par les agences régionales de santé, dans le cadre des projets régionaux de santé (action 6); » Mise à jour des messages et des supports d’information, en lien avec les associations (action 7)"

J. A. : "Ça ne peut être que positif. Les Agences Régionales de Santé (ARS) sont à ce jour encore totalement dans l'ignorance de la réalité de Lyme (un dépliant de de l'ARS indique que les larves ne contaminent pas...! Personne à l'ARS n'a lu les publications sur Borrelia miyamotoï ? ). Donc ces agences ont besoin de l'aide des associations pour mettre à jour leurs connaissances !"

"La mise en œuvre de ce PNDS sera assurée notamment par des centres spécialisés de prise en charge qui seront désignés dans chaque région et organiseront des filières de soins adaptées en lien avec les professionnels du premier recours"

J. A. : "Il faut à mon sens intégrer des professionnels de terrain tels que le Pr Christian Perronne (CHU Raymond Poincaré, Garches), le Dr Béatrice Milbert, dans ces projets. Au risque de voir encore des propositions biaisées surgir au détriment des malades."

"L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et le Centre national de référence (CNR) poursuivront l’évaluation de la performance des kits déjà disponibles sur le marché (action 12) ainsi que l'évaluation de la bonne interprétation des résultats par les laboratoires de biologie médicale (action 11)"

J. A. : "Ces deux organismes ne peuvent être neutres et leurs travaux seront probablement biaisés, ce qui induira l'éternel retard que nous subissons depuis bien trop longtemps comme toujours, dans bien des domaines de la santé. Il faut nommer un organe indépendant, qui pourra travailler avec l'ANSM et le CNR."

"Le projet « Oh ! Ticks ! » permettra de mieux connaître les agents pathogènes susceptibles d'être transmis par les tiques pour en faire le diagnostic. (action 14).".

J. A. : "Il était temps : cela fait des années que ce projet est refusé par l'ANR. Pourquoi ? Il n'est plus temps de se glorifier d'agir, quand les associations et les professionnels de terrain demandent depuis des années de l'aide pour la recherche et pour les malades !"

"Enfin, pour améliorer nos connaissances sur les maladies transmises par les tiques, le ministère des Affaires sociales et de la Santé encouragera la mise en place d’une cohorte prospective de suivi des patients (action 15)"

J. A. : "Très bien! Il faudra penser à inclure le Pr Perronne et ses équipes dans le projet qui sera retenu, afin qu'une vision objective vienne contrebalancer la vision officielle. Le temps est passé où l'on pouvait faire accepter n'importe quelle étude aux malades: face aux scandales récurrent, ces dernières années, dans tous les domaines liés à la santé, les malades veulent désormais être certains que les études ne seront pas biaisées."

Lire aussi : Débat biaisé à l'Académie de médecine

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