Lait et sodas miraculeux… Comment l’argent de l’agrobusiness pervertit la recherche

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 20/01/2016 Mis à jour le 10/03/2017
Point de vue

Imaginées et financées par l'industrie agroalimentaire, des études bidons attribuent aux aliments des vertus miraculeuses.

Nous journalistes avons cette chance de voir passer des études épatantes. Miraculeuses. Comme celle-ci en 2014 qui montre qu’il vaut mieux boire des sodas light que de l’eau pour maigrir ! Une étude relayée par plusieurs médias, mais en réalité une étude bidon payée en sous-main par Coca et ses amis.

Les sodas, mieux que l'eau

Rebelote ces jours-ci avec une étude formidable qui paraît dans l’International Journal of Obesity. Conclusion des auteurs de cette étude : « Les effets des boissons light sur le poids apparaissent neutres vis-à-vis de l’eau voire bénéfiques dans certains contextes. »

L’étude a été en partie financée par l’ILSI, qui rassemble Coca-Cola, Nestlé, PepsiCo, Mars, Unilever, Monsanto, Danone, Red Bull, rien que du beau monde. En plus, l’un des auteurs de cette étude est employé par ILSI, tandis que le principal investigateur a reçu de l’argent de l’industrie du sucre britannique. Les autres auteurs ont été payés, en vrac, par les sucriers hollandais, Canderel, ou sont « employés ou détenteurs d’actions de sociétés qui fabriquent des produits contenant du sucre et des édulcorants. » Rassurant.

Lire : Sodas, boissons sucrées : comment ils nuisent gravement à la santé

Le lait qui guérit tout, du sol au plafond

Autre nouvelle merveilleuse reçue avec béatitude il y a quelques mois : « 3 verres de lait par jour préviendraient Alzheimer et Parkinson » !

Pour arriver à cette conclusion stupéfiante, des chercheurs ont pisté le niveau de glutathion, un détoxifiant cellulaire, dans le cerveau d'un groupe de volontaires et ont associé ce niveau à un questionnaire alimentaire sur la consommation de laitages. C'est tout. Et le lien avec Parkinson ? Le voici : on sait simplement que dans Parkinson, le niveau de glutathion est diminué dans une zone du cerveau, la substance noire - sans qu'on sache si ce niveau bas est une cause ou une conséquence de la maladie.  Mais voilà : non seulement l'étude n'a pas mesuré le niveau de glutathion dans cette partie du cerveau, mais elle ne nous dit non plus rien sur le risque réel d'Alzheimer et/ou de Parkinson en relation avec la consommation de lait puisque tous les volontaires étaient en bonne santé.

Et ce que nous dit au contraire l'épidémiologie, c'est qu'une consommation élevée de produits laitiers est associée à un RISQUE ACCRU de Parkinson (pas d'association avec Alzheimer) !

Evidemment, l'étude en question est financée par l'industrie laitière américaine. Le service de com a mis au point le protocole, les titres et le communiqué de presse. Il ne reste plus qu’aux agences de presse à diffuser la bonne nouvelle et à la presse à la propager.

Des études qui font plaisir au sponsor

Il serait temps de réaliser que la plupart des études commanditées par l’industrie agroalimentaire aux organismes de recherche ont été soigneusement mises au point par les départements marketing et sont conçues pour servir de purs objectifs commerciaux. Entre mars et octobre 2015, la chercheuse Marion Nestle (université de New York – rien à voir avec l’industriel suisse) a identifié 76 études financées par l’industrie agroalimentaire. 70 d’entre elles ont rapporté des résultats favorables au sponsor.

Cela signifie qu’au-delà de la perversion même qui consiste pour le sponsor à déterminer le périmètre de l’étude afin qu’elle serve ses objectifs de marketing, le système a besoin de l’adhésion des auteurs de ces études, et des médecins qui en assurent la diffusion dans les médias.

Dans un documentaire récent de France 4 sur le lait, le Dr Jean-Michel Lecerf (lié à l’industrie laitière) affirme ainsi que la consommation de lait conduit à « une diminution très forte du risque de diabète de type 2, une diminution du risque de gain de poids, une diminution du risque cardiovasculaire. »

Lire : Faut-il croire aux nouveaux miracles des produits laitiers ?

Réaction de la journaliste, visiblement pas dupe : « On se dit que c’est un peu un produit miracle ! »

Sachant que ces « diminutions très fortes » n’apparaissent que dans les études payées par l’industrie laitière, je confirme : c'est vraiment un produit miracle !

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