Profil alimentaire : bientôt sur les étiquettes?

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 27/07/2009 Mis à jour le 06/02/2017
Les allégations se multiplient sur les étiquettes des produits alimentaires.Dans l'avenir, le profil alimentaire de ces produits pourraient venir compléter les informations nutritionnelles déjà présentes Mais qu'est ce qu'un profil alimentaire ? La réponse avec LaNutrition.fr.

 

Qu'est-ce qu'un profil alimentaire ?

Un profil alimentaire est un système permettant de mesurer les qualités nutritionnelles d'un aliment. Ce système permet de prendre en compte les éléments présents dans un aliment :

  • les nutriments qui sont reconnus comme nécessaires (vitamines, minéraux, oligo-éléments, acides gras essentiels, etc...)
  • des substances dont l'excès est reconnu comme dangereux (sucre, sel, acides gras saturés et acides gras trans)

 

A quoi sert un profil alimentaire ?

La nécessité d'établir un profil alimentaire est due à un changement récent de la réglementation européenne concernant les allégations. Pour pouvoir « alléguer quelque chose » à propos d'un aliment, la loi demande à ce que l'aliment possède un profil alimentaire convenable.

Le but est d'empêcher un fabricant de dire « Mon produit est très peu gras. Achetez le ! » alors qu'il serait aussi trop sucré ou trop salé. Cette loi aurait tendance à limiter le pouvoir publicitaire de l'industrie agro-alimentaire, ce qui fait beaucoup grincer de dents.

 

Qu'en disent les chercheurs ?

Pour mieux découvrir les profils alimentaires, donnons la parole à Nicole Darmon, du pôle Nutrition Humaine à l'INSERM (Inserm 476/ Inra 1260).

Nicole Darmon et son équipe ont mis au point un indicateur baptisé « le Sain et le Lim », qui permet d'établir le profil nutritionnel des aliments (1).

Lire l'interview de Nicole Darmon.

 

Que dit la loi ?

 

Les difficultés politiques des lois sur les allégations

Retour en arrière : les allégations nutritionnelles n'étaient régies par aucun texte général. Le 16 juillet 2003, la Commission Européenne a décidé de réagir avec une « Proposition de règlement concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires ».

Ce texte proposait de prendre en compte les nutriments « classiques » et d'y ajouter de nouvelles substances : antioxydants, bactéries probiotiques et phytostérols.

De plus, cette proposition mettait en avant la nécessité d'un « profil nutritionnel ». Les allégations ne pourraient être autorisées que sur des aliments avec un profil nutritionnel compatible. Exemple : il serait interdit de revendiquer « une faible teneur en matières grasses » si le produit contient des quantités impressionnantes de sucre ou de sel.

Cela revenait à établir deux catégories de nutriments :

  • les nutriments ayant un effet physiologique reconnu comme néfaste s'ils sont apportés en trop grande quantité dans l'alimentation

- graisses saturés, graisses trans industrielles

- glucides ou sucres

- sel ou sodium

  • ceux qui ont un effet protecteur de la santé :

- graisses poly-insaturées

- graisses mono-insaturées

- glucides assimilables (autres que les sucres)

- fibres

- vitamines

- minéraux et oligo-éléments

- protéines

 

Le profil nutritionnel devait tenir compte du rôle et de la place de l'aliment dans le régime alimentaire d'une population. Et là, il n'y a plus eu de consensus. Car d'autres éléments entrent en compte dans l'alimentation : les dimensions culturelle, sociale, religieuse, philosophique et économique.

Certaines personnes plaident pour qu'une alimentation équilibrée soit basée sur l'ensemble de la consommation et non pas sur la restriction de quelques aliments « diabolisés ». Selon eux, il n'y a pas de « bons » ou de « mauvais » aliments. Il suffit d'avoir un « régime varié et équilibré ».

D'autres pensent qu'il y a malgré tout des aliments un peu meilleurs que les autres et qu'il serait bon de le faire savoir facilement aux consommateurs.

Pour nous, à La Nutrition.fr, il est clair que certains aliments raffinés, trop sucrés ou salés, trop caloriques, sont des aliments destinés à une consommation occasionnelle et destinés à faire plaisir de temps en temps mais à limiter dans l'alimentation.

Si on replace dans un contexte actuel de consommation, on constate deux choses :

  • le consommateur a accès à un vaste choix de produits
  • les produits qui ont des allégations nutritionnelles positives sortent du lot et sont consommés davantage que les autres

Cette deuxième remarque a été testée par le Pr. Brian Wansink et exposée dans son livre Conditionnés pour trop manger. Il appelle ça l'effet « Mac Subway » ou l'effet « allégé ». Quand le consommateur reconnaît une bonne aura à un produit, il en consomme davantage. Il est donc très important de bien filtrer les produits qui auront accès aux allégations, car on sait que cela a un impact fort sur le choix du public en termes de consommation. De plus, une allégation n'est pas un slogan. Elle ne dit pas : « Cette recette contient toute la saveur de la Nature ». Au contraire, elle annonce un effet bénéfique reconnu scientifique et encadré par la loi.

 

Un débat parlementaire

Revenons donc au 16 juillet 2003. La commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire recommande de supprimer l'article 4, justement celui qui concerne les « profils alimentaires ». Les arguments principaux sont que ce « règlement menace le succès de nos entreprises » ou bien qu'accepter ce texte aurait pour but effet de rendre les citoyens européens trop maigres ».

Le vote a eu lieu le 26 mai 2005, au Parlement Européen. Face à la puissance du lobbying européen, toute référence aux profils nutritionnels a été supprimée et le dispositif réglementaire a été simplifié pour rendre possible les allégations de santé sans autorisation préalable. Après des amendements, le Parlement européen et le Conseil ont finalement adopté le 20 décembre 2006 un règlement (n° 1924/2006) concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires. Ce texte a donc mis trois ans de plus pour être adopté, après de nombreux amendements en faveur de l'industrie agro-alimentaire.

 

Efficacité réduite du message sanitaire face à la publicité

Protéger la santé des consommateurs est toujours une procédure longue et difficile. Ainsi, la loi française de Santé Publique du 9 août 2004 (3) prévoit que la publicité en faveur de boissons sucrées (ou de produits gras ou sucrés) soit accompagnée d'un message sanitaire. Les annonceurs qui refuseraient doivent payer une contribution à l'INPES.

Cette loi a reçu un décret d'application le 27 février 2007, soit trois années plus tard(4).

Vous en connaissez maintenant les messages :

« Pour bien grandir, mange au moins cinq fruits et légumes par jour »

« Pour être en forme, dépense-toi bien »

« Pour bien grandir, ne mange pas trop gras, trop sucré, trop salé »

« Pour être en forme, évite de grignoter dans la journée »

Ces messages ont eu un impact assez positif sur la consommation. Selon les études,71% des 15 ans et plus ont bien mémorisé les messages et sont capables d’en restituer au moins un spontanément.

Mais certaines personnes associent le message santé avec le produit présenté :(5)

« Regarde maman, la barre « CacaoMiam » est faite pour bien grandir ! »

En effet, l'impact sur les jeunes peut être contraire au but visé.

Si un message incitant à la consommation de fruits et légumes passe pendant une publicité pour un soda :

- 53% pensent que ça rend le message non crédible

- 52% pensent que ça rend le message inefficace

- 45% pensent que ça rend le message difficile à comprendre

Si il y a une publicité pour une barre chocolatée pendant laquelle s’affiche le message suivant: «Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé»

- 31% se trompent sur le message et ne voient pas le rapport

- 8% pensent que la barre chocolatée est bonne pour la santé

Si un message incitant à la consommation de fruits et légumes passe pendant une publicité pour un yaourt aux fruits :

- 44% pensent que le yaourt de la pub fournit une portion de fruits selon le message

On voit donc que l'effet sur le consommateur visé (le jeune) n'est pas si simple et que cette mesure n'est pas encore à la hauteur de nos ambitions en matière de santé. Notons aussi qu'elle dispense les industriels d'avoir quoi que ce soit à payer à l'INPES ou de faire des efforts dans leur communication marketing.

 

Un débat au Sénat

Dans les débats du 11 juin 2009, au Sénat, il a été question des profils nutritionnels.(6)

Voilà un résumé des débats publics en cours avec quelques citations de M. Jean Bizet, de la commission des affaires économiques.

« Pour schématiser, on trouve :

- d’un côté, les Britanniques et les pays nordiques, pour lesquels la bonne santé de la population, et en particulier la lutte contre le surpoids et l’obésité, est essentiellement assurée par le contenu nutritionnel des aliments

- de l’autre, un groupe de pays continentaux (dont la France) qui estiment que c’est l’équilibre alimentaire global qui est déterminant, et que celui-ci est assuré par le respect de bonnes habitudes »

On retrouve ici la notion d'équilibre global et de responsabilisation du consommateur, qui va de paire avec la déresponsabilisation de l'industrie agro-alimentaire.

Plus loin :

« Ces travaux ont abouti à un projet de règlement fixant des normes […] tellement strictes pour certains qu’elles privaient la quasi-totalité de quelques catégories de produits de tout droit à allégation nutritionnelle : c’était en particulier le cas de la biscuiterie, des fromages et du pain »

En effet, les biscuits sont sucrés, gras et salés, une majorité de fromages sont gras et salés et le pain est encore très salé.

Pour les fromages traditionnels :

« [...] étant issus de la première transformation du lait, leur contenu nutritionnel ne peut pas être modifié. Dès lors, leur imposer des seuils très stricts en matière grasse et en sel leur interdirait de communiquer sur leurs apports en calcium, alors que n’importe quel soda ou jus de fruit enrichi en calcium pourrait, de son côté, vanter cet apport nutritionnel. »

C'est pourquoi l'indicateur « Sain et Lim » prévoit de ne pas tenir compte des produits enrichis industriellement.

Pour la biscuiterie :

« [...] l’industrie agro-alimentaire peut naturellement réduire les teneurs en sel, en sucre ou en matière grasse, mais si l’on fixe des seuils trop stricts, elle n’aura aucun intérêt économique à investir dans la recherche-développement, le retour sur investissement étant beaucoup trop lointain et aléatoire si elle ne peut pas rapidement communiquer sur ses efforts en la matière.[...]

Cette situation a ému les professionnels, notamment ceux du secteur laitier, qui m’ont alerté au début de l’année. »

On retrouve là une argumentation liée aux arguments économiques et on est loin de l'intérêt du consommateur.

La commission des affaires économiques :

« [...] demande au Gouvernement de s’opposer à l’adoption de seuils de nutriments qui seraient inadaptés pour certains produits [...et...], pour ce qui concerne les profils nutritionnels, elle s’oppose à la fixation de seuils de nutriments inadaptés pour certaines denrées ou qui favoriseraient la communication des produits standardisés issus de l’industrie agroalimentaire : il vaut mieux manger un peu de fromage, un peu de légumes et des fruits que d’assurer ses apports quotidiens en calcium, en fer et en vitamines par la consommation de sodas enrichis par ces nutriments… »

On retrouve là un paradoxe : pour ne pas gêner les professionnels du secteur laitier (et d'autres) et pour protéger nos fromages traditionnels, trop gras et trop salés pour avoir le droit à des allégations, on pénalise l'ensemble des consommateurs et on s'oppose aux profils nutritionnels.

On voit bien que le problème des aliments enrichis est sous-jacent à cette question.

Il serait, en effet, illogique de pénaliser nos produits traditionnels français pour laisser toute la communication aux spécialistes marketing de l'industrie. C'est un débat complexe, et rendu encore plus difficile par le poids du lobbying et des enjeux économiques énormes.

 

(1) http://ist.inserm.fr/basispresse/cp2008/09juillet2008.pdf

(2)http://www.inra.fr/internet/Departements/ESR/vie/agenda/docs/2009-05-25-...

(3)http://ecoetsante2010.free.fr/article.php3?id_article=478

(4)http://www.sante.gouv.fr/htm/pointsur/nutrition/decret270207.pdf

(5)pages 38 et 39 http://www.sante.gouv.fr/htm/pointsur/nutrition/post_test_messages.pdf

(6)http://www.senat.fr/seances/s200906/s20090611/s20090611_mono.html#Niv3_t...

 

Pour en savoir plus :

Etiquettes : quelles sont les mentions obligatoires ?

Quand les étiquettes ne disent pas tout

Les ingrédients allergisants

Info nutritionnelle ou marketing alimentaire ?

Comprendre pourquoi on achète

Les allégations : slogan ou intox ?

Les labels et les logos

Les logos « écologiques »

Les logos « marketing »

Les mentions ou expressions réglementées

Comment déchiffrer l'étiquetage nutritionnel ?

Profil alimentaire : bientôt sur les étiquettes ?

L'interview de Nicole Darmon

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