Le régime paléo à l’assaut des maladies de civilisation

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 18/12/2012 Mis à jour le 06/02/2017
Article

Le Dr Staffan Lindeberg, le meilleur spécialiste européen du Régime Paléo, a publié un article de synthèse sur les effets santé de ce mode alimentaire. Selon lui, un régime de ce type peut prévenir et traiter les maladies de civilisation les plus connues : diabète de type 2, maladies cardiovasculaires et même certains cancers.

Le régime Paléo est l'objet de nombreux livres et publications (Lire l'entretien avec Mark Sisson, l'auteur du Modèle Paléo, EXTRAIT ICI >>). Il s'agit d'un mode alimentaire qui consiste à consommer les aliments à disposition de nos ancêtres pendant plusieurs millions d'années, jusqu'au néolithique, c'est-à-dire jusqu'au développement de l'agriculture, en éliminant ou réduisant fortement laitages, céréales, sucre, sel, produits raffinés (sucres, huiles) apparus au néolithique et après.

Dans un article récent, le Dr Staffan Lindeberg, de l'université Lund en Suède, examine les données scientifiques ayant trait à l'alimentation paléolithique et à la nutrition préventive actuelle. Son but : déterminer si le régime de nos ancêtres peut aider à prévenir les maladies de civilisation, précisément celles qui sont apparues avec l'agriculture et la sédentarité.

Focus sur les aliments paléo

Les principaux aliments à disposition de nos ancêtres bipèdes africains étaient des fruits mûrs et sucrés, des plantes (pousses, fleurs, bourgeons, jeunes feuilles et racines), viande, os à moelle, abats, poisson, fruits de mer, insectes, larves, œufs, noix et graines (hors graminées). Comme le souligne le Dr Lindeberg, ces aliments qui ont constitué les seules sources de calories disponibles pendant des millions d’années ne représentent plus aujourd’hui qu’un quart de l’apport calorique d’un Occidental moyen.

Les fruits

Les fruits ont été consommés plus ou moins régulièrement par nos ancêtres primates au cours des 50 millions d'années qui ont précédé le bipédisme il y a 6 à 7 millions d'années. Chez les grands singes, les fruits représentent environ 75% du poids de la ration alimentaire. Les fruits sauvages contiennent beaucoup de fructose (un sucre simple) : il représente typiquement 20 à 40% des glucides disponibles. Or des études montrent que le fructose ajouté aux aliments (sirop de glucose-fructose, dont la composition est proche d'ailleurs du saccharose) peut provoquer des troubles métaboliques (diabète de type 2, hypertension artérielle, etc.) et une prise de poids abdominale. Mais le Dr Lindeberg rappelle que le fructose consommé par nos ancêtres provenait d’aliments frais (lire entretien ci-dessous). Ainsi des études ont montré que le fructose du miel n'a pas les mêmes effets délétères que le fructose ajouté, dans la mesure où il est accompagné d'antioxydants.

Les tubercules, racines et autres sources d'amidon

Nos ancêtres ont consommé aussi des tubercules, racines, bulbes en particulier dans les périodes où le climat était sec et frais il y a 1 à 2 millions d'années. Ces aliments sont pourtant connus pour contenir beaucoup d’amidon. Des tubercules à l’index glycémique élevé comme la pomme de terre sont en général bannis des régimes de type paléo, précisément parce qu’ils ont un impact sur le poids, la glycémie et sont soupçonnés d’augmenter à terme le risque de diabète. Mais la bonne santé des ethnies mangeant beaucoup d’aliments riches en amidon semblent contredire l’idée selon laquelle l’amidon serait en lui-même une cause d’obésité et de diabète. Cela dit, l'index glycémique d'aliments comme la patate douce est plus faible que celui de la pomme de terres. Par ailleurs, pour Staffan Lindeberg l’incapacité de certaines personnes à limiter la hausse de leur glycémie après l’ingestion de glucides reste inexpliquée en l’état actuel des connaissances (lire entretien ci-dessous).

La viande, le poisson, les coquillages

Les chimpanzés mangent de grandes quantités de viande, dit le Dr Lindeberg, en citant une étude dans laquelle la quantité moyenne consommée en saison sèche est de 65 grammes par jour. Chez l'homme, les données suggèrent (sans le prouver) que la consommation de viande a pu être élevée dans les deux millions d'années qui nous ont précédé. Une étude portant sur 229 tribus de chasseurs-cueilleurs "modernes" a trouvé que pour 73% de ces communautés, la viande, le poisson, les coquillages apportent plus de la moitié des calories. Une autre étude sur 5 populations africaines de chasseurs-cueilleurs a trouvé que ces aliments d'origine animale fournissent 26 à 68% des calories. Cependant la viande du gibier est moins grasse que la viande d'élevage et elle apporte plus d'acides gras oméga-3.

Staffan Lindeberg désacralise au passage les acides gras oméga-3 dans son étude. Selon lui, les chercheurs se sont focalisés sur ces acides gras pour expliquer que les Inuits, qui se nourrissent essentiellement de poissons riches en oméga-3, présentaient moins de maladies cardiovasculaires que les autres ethnies. Il trouve dommage que « de toutes les caractéristiques des habitudes alimentaires des Inuits qui pourraient expliquer ce résultat, seuls les oméga-3 ont été considérés alors que l’absence d’aliments typiques des pays occidentaux n’a jamais été vraiment envisagée. »

Les graines

Les graines sauvages étaient disponibles, mais pas celles des graminées ou Poacées (blé, maïs, riz...). Ces aliments sont, avec les légumes secs, apparus avec l'agriculture, au néolithique. Ces plantes renferment des composés antinutritionnels appelés lectines, qui font partie de l'arsenal de la plante pour se défendre contre les herbivores. Les lectines du blé, du seigle, du riz, des pommes de terre, rappelle le Dr Lindeberg, résistent aux enzymes intestinaux et peuvent pénétrer les muqueuses de l'intestin. Leurs effets à long terme n'ont pas été étudiés suffisamment mais des études citées par le Dr Lindeberg les soupçonnent de contribuer à l'athérosclérose, au diabète et surtout aux maladies auto-immunes.

Les laitages

Nos ancêtres n'ont commencé de consommer des laitages qu'au néolithique, quand ils ont élevé des ruminants. Les études chez les chasseurs-cueilleurs des temps modernes sont rares mais les données issues d'analyses faites sur les Aborigènes suggèrent que les fractures du col du fémur y sont extrêmement rares (à âge comparable). L'ostéoporose était du reste inexistante ou très peu présente chez les adultes âgés du Paléolithique vivant au sud du cercle Arctique, alors qu'ils ne consommaient pas la moindre goutte de lait animal. Les Eskimos constituent une exception chez les peuples du Paléolithique : des compressions vertébrales ont été relevées dans des restes humains de l'époque préhistorique. Pour l'expliquer, les chercheurs évoquent les carences en vitamine D par manque d'ensoleillement, et un régime très pauvre en végétaux qui fragilise l'os en créant une charge acide nette importante.

Staffan Lindeberg rappelle que les études publiées à ce jour n'ont démontré aucun bénéfice de la consommation de laitages sur la prévention des fractures d'ostéoporose. Les suppléments de calcium eux-mêmes n'ont qu'un effet marginal (d'ailleurs remis en question récemment). En revanche, rapporte l'auteur, une consommation élevée de laitages est associée à un risque accru de cancer de la prostate, et peut-être de cancer du sein et de diabète de type 2.

Les nutriments

La consommaion de fibres était élevée, tout comme celle de la plupart des micronutriments. Le calcium était apporté à un niveau suffisant par des légumes verts à feuilles. A priori, la consommation d'iode n'était au niveau des recommandations actuelles que chez nos ancêtres ayant accès à des coquillages et des poissons, mais Staffan Lindeberg explique que nos ancêtres consommaient les organes des animaux, et certainement la glande thyroïde. Le régime Paléo était assez riche en protéines (15 à 35% des calories), avec des proportions variables de graisses et glucides.

Prévenir et guérir avec le régime paléo

Dans plusieurs études, le Dr Lindeberg et d'autres ont cherché à évaluer les effets du régime Paléo sur la santé. Il a étudié 2300 Papous de Nouvelle Guinée qui ont pour aliments de base l’igname, la patate douce, le taro (chou de Chine) et des fruits tropicaux, mais ne mangent ni céréales ni glucides raffinés. Résultat : pas de maladies cardiovasculaires dans cette population ni aucun facteur de risque associé (y compris chez les 140 Papous âgés de plus de 60 ans). Chez des Suédois pré-diabétiques ou diabétiques qui ont suivi un régime paléo, il a été noté une perte de poids (notamment au niveau du ventre), une meilleure régulation de la glycémie, une meilleure pression artérielle au terme de l’étude. Les aliments paléo se sont aussi révélés être plus rassasiants.

Côté effets secondaires indésirables, il ne semble pas y en avoir. Même s’il est assez riche en protéines, le régime Paléo n’a pas de conséquences sur la fonction rénale et en tout cas rien qui ne puisse être contrebalancé par ses effets positifs par ailleurs. Certains traitements médicamenteux nécessitent un accompagnement médical en cas d’adoption du régime Paléo.

Staffan Lindeberg conclut donc qu’ «un régime paléo peut servir de modèle d’aliments bons pour la santé » et peut être essayé sans trop de problèmes pour prévenir voire traiter les maladies dites de civilisation comme le diabète, le surpoids, ou les maladies cardiovasculaires. Il s'agirait de manger des végétaux, des tubercules (sauf pomme de terre), des fruits, des baies, des noix de tous types, des oeufs, de la viande, du poisson, des coquillages. Staffan Lindeberg estime qu'en théorie, les laitages, margarines, huiles, sucres, céréales, qui représentent 70% et parfois plus de nos apports caloriques "ne sont pas des choix alimentaires optimaux sur le long terme", même si des études complémentaires sont nécessaires.

Lire aussi le dossier consacré au Régime Paléo.

3 questions à Staffan Lindeberg

LaNutrition.fr : Les chasseurs-cueilleurs mangeaient beaucoup de fruits, donc beaucoup de fructose. Or le fructose est soupçonné de jouer un rôle dans l’obésité et le syndrome métabolique. Comment expliquer que les chasseurs-cueilleurs étaient minces et en bonne santé ?

Staffan Lindeberg : Les quantités de fructose que nous pouvons avaler à partir d’un régime riche en fruits restent largement au-dessous des niveaux testés dans les études sur les animaux. Pour vous donner une idée, les 60 g de fructose journaliers considérés comme sans risque pour la santé par les chercheurs, correspondent à 4 à 5 kg d’ananas frais. Difficile d’en manger autant en une journée !

Les tubercules et racines consommées par nos ancêtres du paléolithique contiennent beaucoup d’amidon. L’amidon (en particulier sous la forme d’amylopectine) est soupçonné de provoquer une prise de poids via des pics de glycémie. Comment expliquez-vous que les chasseurs-cueilleurs étaient immunisés contre la prise de poids ?

En réalité, le fait que l’amidon provoque une prise de poids reste sujet à débat dans le monde scientifique. Le pic de glycémie qu’il entraîne est la plupart du temps constaté chez des personnes déjà intolérantes au glucose (ou prédiabétiques). Mais il n’existe aucune preuve convaincante montrant que l’amidon est la cause de cette intolérance au glucose.

Les céréales, qui ne faisaient pas partie de l’alimentation de nos ancêtres, représentent une source majeure de glucides. Cependant, vous dites que les glucides ne sont pas un problème. Quels autres constituants des céréales peuvent être néfastes ?

On le sait, les céréales contiennent des substances bioactives qui peuvent interférer avec le métabolisme. Une de ces substances est l’agglutinine contenue dans le germe du blé que l’on retrouve en grande quantité dans les céréales complètes. Un autre agent actif typiquement dangereux est la gliadine du blé ou des constituants de cette dernière, appelés gliadorphines. Peut-être que le plus gros problème de la gliadine est qu’elle semble favoriser la perméabilité de l’intestin, permettant ainsi  des protéines non digérées ou à des peptides de pénétrer dans le corps humain.

Pour se mettre au régime Paléo, suivez les guides : L'assiette paléo (C. Bonnefont & J. Venesson) et Je me mets au paléo (Aglaée Jacob)

Référence

Lindeberg S. Paleolithic Diets as a Model for Prevention and Treatment of Western Disease. American Journal Of Human Biology, 2012; 24:110–115.

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