Annie Weidknnet : « Nous voulons savoir ce que nous mangeons »

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 09/12/2008 Mis à jour le 10/03/2017
Annie Weidknnet est responsable du réseau des AMAP de la région Midi-Pyrénées, elle a participé à sa création en 2004. Cette bénévole retraitée n'a rien à vendre, seulement ses convictions à partager. Annie répond aux questions de LaNutrition.fr.

 

Pourquoi créer des AMAP ?

La situation de l'agriculture est, on peut le dire, dramatique. On va droit dans le mur. En France dans les années soixante, il y avait des millions d'agriculteurs. Aujourd'hui, ils sont 350 000 et on prévoit que d'ici peu, il n'en restera que 150 000. Ca fait moins d'un agriculteur pour 400 personnes. Pourquoi? Parce que depuis 50 ans, on a décidé de supprimer la paysannerie. Elle représentait un frein au développement industriel, à la modernité. On la considère comme archaïque et arriérée. Alors que c'est cette paysannerie qui nous a nourris pendant plus de 10 000 ans. S'il ne reste plus d'agriculteurs, comment va-t-on se nourrir ? Qu'est ce qu'on va manger ? C'est cette prise de conscience qui a conduit quelques citoyens à s'engager pour enrayer cette disparition. Les Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne sont là parce que nous voulons savoir ce que nous mangeons. Et ça ne peut se faire qu'en contact étroit avec les paysans. Il faut les soutenir et être solidaires car ils nous sont précieux.

 

Donc cela passe par acheter directement au producteur. Mais n'est-ce pas contraignant ?

La distribution se fait le même jour de la semaine au même endroit à la même heure... C'est une question d'organisation ! Et si vous ne pouvez pas vous y rendre exceptionnellement, vous pouvez demander à quelqu'un de vous remplacer. C'est aussi une question de choix. Cela fait 5 ans que je n'ai pas mis les pieds dans un supermarché...

Il ne faut pas voir cela comme une contrainte mais comme une chance de sortir des sempiternels concombre et tomates... La nature est riche. Des mangeurs sont venus témoigner qu'ils avaient découvert la fève du printemps dans leur panier, alors que c'est une spécialité de leur région.

 

Tous ces fruits et légumes, viandes et fromages sont-ils biologiques ?

Ca dépend ce que vous entendez par agriculture biologique. La certification avec le label ? Il faut se poser plutôt la question pourquoi les agriculteurs bio ont besoin aujourd'hui d'être certifiés. L'étiquette qui garantit que l'aliment est bio est en fait l'intermédiaire entre vous et le producteur. Dans les AMAP, les mangeurs et les producteurs se rencontrent, se côtoient, se font confiance, il n'y a pas d'intermédiaire. Pas besoin de label. Bien sur, certains producteurs sont déjà certifiés mais ceux qui étaient en agriculture conventionnelle passent en bio quand ils intègrent une AMAP sans forcement être certifiés. Dans tous les cas, le paysan s'engage à fournir une production respectueuse de la nature, de l'environnement et de l'animal pour favoriser la biodiversité, la fertilité des sols et une production sans produits chimiques.

 

Comment pouvez vous être sure que les produits sont bio alors ?

Mais je n'en sais rien! C'est à vous de vous en préoccuper, c'est votre responsabilité, ce n'est pas à quelqu'un d'aller voir à votre place.

 

Quel est le prix d'un panier ?

Nous voulons éviter la disparition des paysans. Or pourquoi ce métier disparaît-il à l'heure actuelle ? Parce que les paysans sont généralement payés en dessous du coût de production. L'idée est donc de se mettre autour de la table et d'établir le prix de la part au début de la saison, en fonction du nombre de familles intéressées et en fonction du coût réel de production. En effet, on ne parle pas de prix de marché ici. Les prix des parts varient également en fonction des régions. Par exemple, une part en région Parisienne va coûter environ 15 à 20 euros. En Midi Pyrénées, elle vaut à peu près entre 20 et 25 euros. Ca dépend aussi des aliments proposés, c'est difficile de généraliser.

 

Pourquoi ça marche ?

Grâce aux AMAP, on ne mange plus en fonction de nos envies mais en fonction de ce que l'on a à disposition. Et c'est meilleur ! Ca marche parce que tout le monde y trouve son compte. Il faut, certes changer ses habitudes et penser autrement. Un jour un agriculteur qui faisait sa première distribution m'a dit, angoissé, « mais les légumes que je propose sont trop laids, ils ne ressemblent à rien et sont hors calibre, les gens n'en voudront jamais ! ». Au contraire, les mangeurs ont été ravis. C'est la qualité qui compte, autant celle des aliments que de la relation humaine.

 

Comment êtes vous devenue responsable du réseau de Midi-Pyrénées ?

C'est en écoutant une émission de France culture, Terre à Terre, que j'ai entendu parlé de Denise et Daniel Vuillon. Ce couple originaires de Provence a importé le concept des États-Unis et est à l'origine des premières AMAP françaises en 2001. J'ai appelé la radio avec l'idée qu'il fallait faire quelque chose. De son coté François Blanc, un autre auditeur de l’émission, que je ne connaissais pas a eu la même idée. On nous a mis en contact, et c'est parti. Avec le bouche à oreille, nos réseaux respectifs, on a crée la première AMAP française hors Provence en 2003, on était huit autour de la table. Nous, les bénévoles sommes là pour mettre en relation les producteurs et les consommateurs. Aujourd'hui, 5 ans après, 90 AMAP économiquement viables sont actives en Midi Pyrénées, cela représente plus de 3000 familles adhérentes... Nous avons la preuve que la demande sociale est forte, et les listes d'attentes sont pleines... On recherche même des agriculteurs...

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