Pr Claude Béraud : "Est-ce la fin des illusions médicales ?"

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 03/04/2013 Mis à jour le 17/02/2017
Point de vue

Statines, vaccins contre le papillomavirus, dépistage d'Alzheimer : le Pr Claude Béraud, auteur du best-seller Trop de médecine, trop peu de soins dénonce les dérives d'une santé publique influencée par les intérêts économiques.

Le Pr Claude Béraud est un grand serviteur de la santé publique. Chef de clinique en cardiologie, professeur de gastroentérologie et d'hépatologie, puis vice-président de l'université de Bordeaux, il a ensuite occupé le poste de médecin-conseil national de la Caisse nationale d'assurance-maladie, avant de devenir conseiller du président de la Mutualité française. Animé par la défense de la qualité des soins et l'exigence d'une médecine humaniste, il pose ici un regard sans concession sur certaines pratiques de santé publique et l'influence des industriels.

Les Français commenceraient-ils enfin à douter de la rationalité et de l’utilité pour les malades des décisions gouvernementales et des pratiques médicales ?

La confiance en l’efficacité et la sécurité des techniques médicales et en la nécessité de suivre, aveuglément, les recommandations des professionnels des soins, des médias et des institutions officielles, survivra-t-elle aux récentes contestations de l’utilité de certains programmes de prévention et de dépistage, comme à la critique solidement argumentée de la prescription de nombreux médicaments ?

On peut en douter car ce ne sont pas les réformes annoncées ou quelques procès aux conclusions lénifiantes qui changeront les comportements des industriels et des professionnels des soins. Les hommes et les femmes de ma génération, ont vécu dans l’espérance au début des années 1970. Alors : des livres, des revues, des articles de presse dénonçaient une médecine qui peu à peu se déshumanisait, tandis que les industriels commercialisaient de nouvelles thérapeutiques ou des techniques d’exploration diagnostique, sans même que l’Etat les oblige à vérifier leur efficacité et leurs risques. Dans une société alors animée par le désir de consommer et fascinée par les progrès des sciences médicales, ni les médecins ni les patients n’entendirent les critiques faites à un modèle biomédical qui leur semblait capable de prévenir, guérir, ou stabiliser l’évolution de nombreuses maladies autrefois mortelles.

Les morts et les souffrances liées : à la négation des risques liés aux transfusions de sang contaminé ; à la fabrication, sans hygiène et précaution élémentaire, de l’hormone de croissance ; à la mise sur le marché par les industriels, avec la bénédiction des agences gouvernementales et européennes, de dispositifs médicaux : certaines prothèses mammaires et de hanche et surtout de médicaments anti-inflammatoires (coxibs), contraceptifs (de 3e et 4e génération), amaigrissants (mediator, rimonabant), antidiabétiques (glitazones) à l’efficacité incertaine, dont les risques étaient connus des industriels mais dissimulés (expliquant pourquoi les médicaments seraient la troisième cause de mortalité après les cancers et les affections cardiovasculaires)(1), éclaireront-elles la conscience des responsables politiques et celle des citoyens, susciteront-elles les mesures réglementaires et les améliorations de la délivrance des soins indispensables à la sécurité, à l’efficacité et à la légitimité des prestations médicales ?

Les raisons des illusions médicales

La réponse à ces questions est : probablement non, pour diverses raisons, les principales étant : financières, culturelles et économiques dont les effets se potentialisent.

Financières : pour les industriels c’est le profit, seul moteur de leurs activités ; pour les professionnels c’est la croissance de leur niveau de vie qui les conduit à multiplier les actes dont 30 % sont superflus et parfois dangereux.

Psychologiques : ce sont les croyances davantage que des logiques rationnelles qui dirigent les comportements des malades et des professionnels des soins. Les demandeurs de soins ont une foi aveugle en la médecine, ne doutent pas, ne savent pas et souvent préfèrent ne pas savoir. En fin de compte, ils sont asservis aux professionnels des soins auxquels ils font, encore aujourd’hui, habituellement confiance. Perdant leur sens critique, ils cèdent à toutes les assertions publicitaires véhiculées par les médias, exerçant sur les médecins une forte pression pour obtenir des examens complémentaires et des médicaments. Cette crédulité est contagieuse. Les citoyens, dans leur grande majorité, se représentent la médecine comme la source principale de santé à laquelle seuls les professionnels de santé peuvent donner accès. Ce système dominant de pensée est une grande et dangereuse illusion. La santé et notamment l’espérance de vie dépendent un peu de facteurs génétiques, principalement de nos comportements et de nos environnements économiques et socio-culturels, très peu de la médecine et des médecins. Ces déterminants non médicaux de la santé sont plus prégnants chez ceux qui sont les plus défavorisées expliquant pourquoi, lorsque l’accès aux soins est satisfaisant, les inégalités de santé, dans les pays en crise, s’accroissent.

Les médecins ne doutent pas davantage que leurs patients et veulent ignorer l’incertitude sur les bénéfices et les risques des décisions prises pour un malade donné. Leurs modes de rémunération incitent les spécialistes à la production d’actes et la concurrence les conduit à accroître leur productivité financière aux dépens de la santé des patients, car faire plus n’est pas faire mieux. Un acte inutile au plan médical est, par construction, un acte dangereux car s’il est inutile il ne peut apporter un bénéfice au patient et seuls persistent ses risques.

Economiques : la cause déterminante des comportements des uns et des autres est le règne de la raison marchande. La recherche scientifique produit des connaissances qui peuvent conduire à des innovations techniques, éventuellement utilisables en médecine au profit, parfois des malades, mais toujours du capitalisme industriel. La production d’un bien, par exemple un médicament, ne répond pas toujours à des besoins médicaux mais à la possibilité d’accéder à un marché. Ainsi chaque année sont commercialisés des médicaments, des fausses innovations, parfaitement inutiles, qui sont des copies dérivées des médicaments déjà sur le marché. Vendus habituellement plus chers ce sont aussi souvent les plus prescrits par les médecins abusés à la fois par les campagnes publicitaires, par les conseils des responsables universitaires et par les visiteurs médicaux.

Le développement économique des entreprises de santé conduit à produire de plus en plus d’outils : des dispositifs médicaux (lits, fauteuils, prothèses) et des médicaments, qui sont quotidiennement utilisés ou prescrits par les professionnels des soins, pour en faire des objets de consommation courante dont l’utilisation n’est plus déterminée par les besoins des malades mais par la nécessité pour les industriels d’accroître leurs profits sous peine de disparaître au profit de leurs concurrents.

Quatre exemples d’illusions

Pour éclairer ces propos voici quatre exemples qui, à la fois, illustrent les tromperies médicales, industrielles et institutionnelles et nous rappellent que les décisions médicales devraient nous obliger à réveiller notre raison endormie par les discours intéressés de tous ceux qui sont moins soucieux de notre santé que du développement de leurs activités et de son fruit : le profit.

Le premier est celui de la prévention des maladies cardio-vasculaires par le dosage du cholestérol et la prise de statines. Chaque année des millions de Français effectuent, pour connaître l’état de leurs lipides sanguins environ 180 millions de dosages, au prétexte qu’un taux élevé de cholestérol peut les tuer en encrassant leurs artères coronaires ou cérébrales, mais que fort heureusement existent des médicaments : les statines, qui en abaissant ce cholestérol maudit préserveront leur espérance de vie. En réalité, chez les sujets sans antécédents héréditaires ou personnels de maladie cardiovasculaire, ne fumant pas, ayant une activité physique même modérée, ces dosages sont inutiles car les statines ne sont pas indiquées en prévention primaire chez des personnes en bonne santé dont les risques cardiovasculaires sont bas. En France, les trois quarts des statines sont inutilement consommées par approximativement 4 millions de sujets sains qui gaspillent ainsi environ 750 millions d’euros, sans aucun bénéfice pour leur santé mais en s’exposant à des risques probablement plus fréquents que le reconnaissent les entreprises pharmaceutiques.

Le second exemple est l’imposture de la prévention du cancer du col utérin, par la vaccination contre les papillomavirus. Ce vaccin est commercialisé depuis des années et vendu aujourd’hui dans le monde entier à des millions de doses, pourtant il n’a toujours pas démontré qu’il était capable d’éviter l’apparition d’un cancer du col ou d’un décès. Lorsqu’une adolescente a été vaccinée, elle doit savoir que cette vaccination ne lui garantit pas l’évitement d’un cancer. Elle doit régulièrement demander à son médecin la réalisation d’un frottis cervico utérin, seule technique ayant démontrée son efficacité préventive.

Le troisième exemple est celui du dépistage de la maladie d’Alzheimer qui est recommandé à toutes les personnes âgées éprouvant des troubles de la mémoire, qui sont banals, constants et liés au vieillissement cérébral. L’État dans le cadre du plan Alzheimer a prévu la mise en place des « Consultations Mémoire » ; 282 étaient prévues. En septembre 2012 : 469 fonctionnaient, les trois quarts des consultants ne souffraient pas de cette maladie et avaient des capacités mémorielles « normales » pour leur âge. De 2008 à 2012 ces consultations ont coûté 229 millions à l’assurance-maladie obligatoire. Leur utilité est évidente pour les chercheurs qui pourront publier des travaux sur l’épidémiologie de la maladie et sur les modifications de l’imagerie cérébrale observées chez ces patients. Elle est sans réelle utilité pour les patients pour trois raisons : aucun traitement efficace n’existe pour traiter cette maladie. La Haute Autorité de Santé a reconnu en octobre 2011 que l’amélioration du service médical rendu par les médicaments spécifiques proposés pour traiter cette maladie était nulle, mais a oublié de signaler ce fait dans la recommandation de bonne pratique, concernant cette maladie publiée en décembre 2011. Selon la direction générale de la santé, les dépenses de l’assurance-maladie pour rembourser ces médicaments aux malades atteints de la maladie d’Alzheimer atteindraient 380 millions en 2013. ; le pourcentage des patients chez lesquels le diagnostic de maladie d’Alzheimer a été porté à tord (faux positifs) n’est pas connu, même faible, il n’est certainement pas négligeable, tant les conséquences psychologiques et familiales de ce diagnostic sont graves ; inversement seront rassurés des patients qui en réalité sont atteints de cette maladie (faux négatifs).

Le dernier exemple est le dépistage du cancer du sein qui conduit chaque année à la réalisation de plus de 3 000 000 de mammographies dont les risques sont parfaitement connus : des excès de diagnostic, des interventions mutilantes inutiles, des examens répétés faussement positifs suscitant la peur, l’angoisse et des souffrances familiales. Au total lorsque 5 000 mammographies sont réalisées chez 1 000 femmes durant 10 ans, la vie d’une femme sera prolongée et plusieurs centaines (entre 300 et 400) seront affectées par des examens faussement négatifs qui conduiront chez plusieurs dizaines d’entre elles à la réalisation de biopsies et d’interventions inutiles.

Lire aussi : Dépistage du cancer du sein, la grande illusion

Refuser de s’illusionner mais accepter l’incertitude et douter de l’utilité des prescriptions

Est-ce à dire qu’un médecin doit au nom de la science toujours refuser de prescrire des statines, une vaccination contre les papillomavirus, une mammographie de dépistage, les demandes de bilan des personnes âgées qui sont affectées par des pertes de mémoire qui sont gênantes et parfois dangereuses dans la vie quotidienne ?

La réponse est non car un médecin est presque toujours dans l’incertitude sur l’utilité ou non pour un malade donné de ces prescriptions. Lorsqu’un médecin ignore l’utilité d’une décision, c'est-à-dire la probabilité d’un bénéfice pour sa santé qu’une personne peut retirer d’un acte diagnostique ou thérapeutique, son rôle est de l’informer, de l’éclairer sur les risques et les bénéfices de cet acte. La décision d’agir ou non appartient à cette personne.

Les prescriptions diagnostiques ou thérapeutiques doivent, en effet, satisfaire à trois critères : l’efficacité, la légitimité, l’utilité.

L’efficacité. Un professionnel ne doit pas prescrire une thérapeutique dont l’efficacité n’a pas été démontrée. L’efficacité est une donnée statistique qui concerne une population .Elle signifie qu’une prescription améliore, de manière significative au plan statistique, la santé de la population chez laquelle elle est accomplie par rapport à une population comparable chez laquelle cette prescription n’est pas faite, mais elle ne signifie pas que l’état de santé de toutes les personnes de cette population est amendé.

La légitimité. L’efficacité ne concerne pas toutes les formes d’une maladie ou d’atteinte à la santé mais exclusivement celles ou la prescription a été validée par des études expérimentales et qui, pour être identifiées, exigent un entretien prolongé avec le patient suivi d’un examen clinique attentif. Les indications légitimes d’un acte médical, sont les seules d’un point de vue scientifique et moral qui soient respectables.

L’utilité individuelle. Tous les patients ne bénéficieront pas des actes médicaux efficaces et légitimes qui pourraient leur être proposés. Le pourcentage de ceux dont l’état de santé sera amélioré est souvent très faible, parfois inférieur à celui de ceux qui subiront des effets indésirables. Les médecins disposent d’informations cliniques notamment l’âge et l’état de santé global : robuste ou fragilisé par la coexistence de plusieurs pathologies, qui peuvent réduire la part d’incertitude, mais lorsqu’un doute, d’une plus ou moins grande force, persiste sur le bien fondé d’un acte diagnostique ou thérapeutique, dont nul ne peut, pour un malade donné, prévoir avec certitude qu’il améliorera ou non son état de santé, les professionnels des soins ne peuvent prescrire cet acte, qu’après avoir pris le temps d’informer le plus complètement possible le patient sur les bénéfices et les risques d’une éventuelle prescription et recueilli sa décision d’accepter ou non sa réalisation.

Reprenons les exemples précédemment cités à la lumière de ces critères

Les cardiologues, leaders d’opinion, sous l’influence des industriels avec lesquels ils ont souvent des liens financiers encouragent depuis 20 ans les prescriptions de statines. Dans le monde, de nombreux médecins et des chercheurs estiment que l’utilité de ces médicaments est nulle ou surestimée. En France, Michel de Lorgeril ne leur connait pas d’indication (2). Philippe Even, dans un ouvrage récent, estime que leur utilité est surévaluée et précise les situations cliniques dans lesquelles, au bénéfice du doute, il prescrirait une statine. Ces indications, avec des limites raisonnables, sont proches de celles validées par la communauté scientifique. L’intérêt de ce livre est dans une brillante démonstration de deux vérités. La première est que l’utilité de ces médicaments est très faible. Pour éviter après un traitement de cinq années un décès d’origine cardiaque, il sera nécessaire de traiter au minimum 500 malades (3). La seconde depuis des années mise en évidence par Michel de Lorgeril est que des conseils médicaux concernant : la nutrition, l’exercice physique et l’arrêt du tabac, ont démontré, s’ils sont suivis, une efficacité et une utilité très supérieure à celle des statines.

Lorsqu’une adolescente demande à être vaccinée contre l’infection par les papillomavirus, il est raisonnable de lui expliquer : que ce vaccin a été mis sur le marché pour des raisons commerciales et financières avec la complicité des organismes de contrôle qui n’ont pas exigé des industriels les critères démontrant son efficacité pour prévenir l’apparition d’un cancer ; que les médecins ignorent son utilité et connaissent mal ses risques qui sont probablement limités. A cette jeune fille une attitude raisonnable est de lui conseiller dès l’âge de 25 ans la réalisation d’un frottis cervico utérin qui sera répété régulièrement qu’elle soit vaccinée ou non et de lui déconseiller cette vaccination après avoir pris le temps nécessaire pour l’informer le plus exactement possible de nos connaissances sur ses bénéfices et ses risques. Mais si, passant outre cet avis, elle demande après réflexion une ordonnance de ce vaccin, accéder à cette demande est une attitude cohérente. Parce que si l’utilité de ce vaccin pour prévenir un cancer est inconnue, ses capacités immunogènes vis-à-vis de certains papillomavirus sont démontrées, il pourrait donc être efficace. Le doute sur l’absence d’efficacité fondé par ces données biologiques justifie d’accéder à la demande de cette jeune fille.

Je ne conseillerai pas à une personne âgée sans trouble grave de la mémoire une consultation qui conduirait à un examen radiologique démontrant une atteinte neurologique annonçant, parfois de façon erronée, la réalité de la maladie d’Alzheimer, générant pour elle comme pour son entourage, une angoisse qui précédera de plusieurs années la survenue de troubles cliniques invalidants. Je ne lui prescrirai pas des médicaments inefficaces coûteux et non sans risque.

Je n’inviterai pas les femmes qui sont à bas risque de cancer du sein à participer au dépistage organisé en raison d’un rapport bénéfices/risques défavorable de la mammographie mais je ne refuserai pas leur demande si elle persiste après une information claire et chiffrée sur ce rapport.

Les responsabilités différentes des responsables de la santé publique et des praticiens

La responsabilité des décideurs au niveau gouvernemental et institutionnel est différente de celle des médecins praticiens. Les décisions des premiers concernent des populations, celles des seconds des personnes. L’efficacité d’un médicament ou d’un acte, d’un programme doit avoir été démontrée sur une population avant que sa prescription soit autorisée, mais une prescription qui au plan statistique est efficace au niveau d’une population ne l’est pas nécessairement pour une personne donnée. Au niveau gouvernemental et institutionnel, aucun produit, aucun acte ne peuvent être autorisés et conseillés s’il existe un doute sur leur efficacité et leur efficience pour la population. Au niveau du prescripteur, un doute subsiste presque toujours sur l’utilité pour une personne d’un produit ou d’un acte dont l’efficacité est connue pour une population. Sa prescription ou sa réalisation impliquent toujours le consentement éclairé du sujet souffrant qui, parfaitement informé des bénéfices et des risques qu’il peut raisonnablement escompter d’une prescription, devrait toujours être le décideur final.

En pratique ces responsabilités différentes au niveau individuel et populationnel, sont loin d’être toujours assumées.

Au niveau individuel, pour de multiples raisons les prescripteurs ne peuvent accomplir totalement leurs missions : leurs connaissances ne sont pas toujours actualisées ; leurs revenus sont fonction du volume de leurs prescriptions ; ils sont soumis à la pression des demandeurs et ne disposent pas du temps nécessaire pour informer correctement les patients. Peu enfin acceptent que les décisions de ne rien faire ou de choisir les actions à entreprendre soient laissées aux patients.

Au niveau de la population, les mises sur le marché par les gouvernements de dispositifs médicaux ou de médicaments dont l’efficacité n’a pas été démontrée avec certitude au plan statistique ou dont le rapport bénéfices/risques pour la population n’est pas satisfaisant sont fréquentes. Il en est également de même pour les programmes de santé publique dans les domaines de la prévention et du dépistage.

Les quatre exemples précités illustrent ces insuffisances :

- Les statines ont dans leurs indications officielles les hypercholestérolémies alors que la responsabilité du cholestérol en pathologie cardiovasculaire est contestée et l’efficacité de la prescription de ces médicaments en prévention primaire n’a pas fait la preuve de son efficacité.

- Aucune information fondée sur des données scientifiques expérimentales et sur l’avis d’experts indépendants et non sur ceux des industriels ou des experts avec lesquels ils collaborent, n’est donnée à la population sur les risques et les bénéfices de la vaccination contre les papillomavirus.

- Pas davantage sur le dépistage du cancer du sein qui depuis des années, est contesté. Les institutions publiques ne tiennent pas compte de ces critiques et continuent à inciter toutes les femmes de 50 à 74 ans à se présenter dans les centres de dépistage. Qui plus est l’assurance-maladie verse des honoraires supplémentaires pour chaque prescription d’une mammographie aux médecins qui, pour la plupart, ont accepté d’être payé « à la performance ».

- L’assurance-maladie rembourse toujours le plus souvent à 100 % les médicaments inutilement prescrits dans la maladie d’Alzheimer et finance des consultations qui n’ont d’utilité que pour la recherche scientifique.

Dans ces quatre cas comme en bien d’autres, les recommandations gouvernementales et les informations transmises à la population ne tiennent pas compte des connaissances scientifiques objectives et trompent la population sur l’efficacité des conseils et des actions proposées.

Deux raisons expliquent cette situation. En premier lieu les autorités politiques en France décident de la mise sur le marché de médicaments ou de dispositifs médicaux sous la pression des industriels et des experts médicaux qui ont des intérêts financiers communs, sans prendre en compte les avis d’experts indépendants. Résultats : sont commercialisés et promus par les visiteurs médicaux et les universitaires leaders d’opinion des produits sans efficacité et dangereux ou bien encore les indications des médicaments sont considérablement élargies pour accroître le volume de leurs ventes bien au delà des situations où ils peuvent être utiles. Ce fut le cas des statines.

En second lieu, les programmes de santé sont élaborés par des spécialistes, le plus souvent sans expérience pratique de la médecine, car ils n’ont pas vécu la relation médecin malade du côté des médecins, qui s’appuient, pour la réussite de leurs projets et le développement des institutions qui les rémunèrent, sur des données épidémiologiques souvent contestables et le désir d’imposer une idéologie sanitaire faisant la part trop belle à la prévention médicale. La peur de la maladie, l’angoisse de la mort et la désinformation sont les moyens privilégiés pour la réussite de leurs projets qui requiert l’utilisation de tous les médias notamment de la télévision. Ce fut le cas les années passées de la vaccination contre les papillomavirus, et aujourd’hui des dépistages des cancers colorectaux, du sein et de la maladie d’Alzheimer.

Conclusion

Dans un pays en quasi faillite, où l’état de santé de la population se dégrade principalement pour des raisons économiques et sociales, la qualité des soins ne s’améliore pas alors que le volume des soins continue de croître. Cette situation a un coût humain : des dizaines de milliers de décès évitables et un surplus des dépenses de santé atteignant par comparaison avec les autres pays européens deux points du PIB, soit 40 milliards. Ni les responsables politiques ni les professionnels des soins ni la population ni les malades ne semblent avoir pris conscience de la gravité de cette situation. Lorsque les illusions se dissiperont enfin sur les choix politiques et les pratiques médicales, de profonds changements de l’organisation des soins et de la santé publique apparaitront nécessaires.

Pr Claude Béraud

A se procurer : Trop de médecine, trop peu de soins (Dr C. Béraud)

Sources

Gotzche PC : Efficacité et effets indésirables des produits de sante données confidentielles ou d’intérêt public ?» Revue Prescrire Conférence –débat .Pilule d’or 2013 (disponible sur Internet)

Michel de Lorgeril :  Prévenir l’infarctus et l'accident vasculaire cérébral (lire un extrait ICI  >>), Thierry Souccar éditions  : page 198.

Philippe Even : La vérité sur le cholestérol, Cherche Midi, 2013 : page 209.

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