Le bêta-carotène donne-t-il le cancer ?

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 02/05/2006 Mis à jour le 17/02/2017

Le bêta-carotène a mauvaise réputation depuis que deux grandes études publiées dans les années 1990 ont montré que ce pigment végétal donné sous la forme de supplément augmente le risque de cancer du poumon chez de gros fumeurs ou des personnes exposées à l’amiante. Mais une étude récente brosse du bêta-carotène une image plus nuancée.

27 mai 2003

Le bêta-carotène est un pigment de la famille des caroténoïdes, qui compte plus de 600 membres. On le trouve naturellement dans les carottes, les légumes à feuilles vert sombre, les légumes crucifères, les petits pois. Le bêta-carotène a deux propriétés intéressantes : d’une part il donne naissance dans l’organisme à la vitamine A, d’autre part, il possède des propriétés antioxydantes, c’est-à-dire qu’il peut neutraliser certains radicaux libres et préserver ainsi nos tissus.

C’est pour ces dernières propriétés qu’on a imaginé, dans les années 1980, que des suppléments de bêta-carotène pourraient diminuer le risque de cancer. En effet, de nombreux cancers sont provoqués par les dommages causés par les radicaux libres au support de notre code génétique, l’ADN. Ainsi, les radicaux libres de la fumée de cigarette altèrent les bases de l’ADN, ce qui a pour effet, si les dommages ne sont pas réparés ou la cellule n’est pas détruite de la transformer en cellule précancéreuse. Malheureusement, si les études épidémiologiques et les études chez l’animal laissaient supposer que le bêta-carotène pourrait prévenir le cancer du poumon, les résultats des études Beta Carotene and Retinol Efficacy Trial (CARET) et Alpha-Tocopherol, Beta-Carotene Cancer Prevention Study (ATBC) qui ciblaient deux populations à risque, publiés dans les années 90, ont été décevants.

L’étude CARET, conduite auprès de 18 500 fumeurs, ex-fumeurs ou travailleurs exposés à l’amiante a été arrêtée prématurément lorsque les chercheurs ont réalisé que le groupe qui prenait un supplément quotidien de 30 mg de bêta-carotène et de 25 000 UI de vitamine A avait un risque de cancer du poumon augmenté de 28 % par rapport au placebo. Dans l’étude ATBC, conduite auprès de 29 1330 fumeurs, le risque de cancer du poumon a été augmenté de 16 % avec la prise quotidienne de 20 mg de bêta-carotène. Cet effet est surtout sensible chez les gros fumeurs (20 cigarettes quotidiennes et plus) et les buveurs (plus d’un verre d’alcool par jour). Il est donc devenu de bon ton dans certains congrès de nutrition de dire que le « bêta-carotène donne le cancer ».

Le 21 mai 2003, une équipe de chercheurs américains a publié une étude très intéressante qui a concerné 864 personnes ayant subi une ablation des polypes du côlon (tumeurs bénignes pouvant évoluer vers un cancer). Elles ont pris pendant 4 ans un supplément quotidien de 25 mg de bêta-carotène ou un placebo. Résultats ? Chez les personnes qui ne fumaient ni ne buvaient, le bêta-carotène a permis par rapport au placebo une diminution de près de moitié du risque de réapparition d’un polype. En revanche, chez les fumeurs et plus encore chez les fumeurs qui buvaient plus d’un verre d’alcool par jour, la prise de bêta-carotène est associée, comme dans les études CARET et ATBC, à un risque de récurrence élevé. (1)

Cette étude réhabilite quelque peu l’intérêt du bêta-carotène. Il faut relever qu’une autre étude, la Physicians Health Study, n’avait pas noté d’effet indésirable du bêta-carotène (50 mg, un jour sur deux pendant 13 ans en moyenne) sur le risque de cancer, trouvant même un risque de cancer de la prostate réduit chez les petits consommateurs de fruits et légumes. Le bêta-carotène reste donc potentiellement intéressant dans la prévention du cancer, mais il est nécessaire de mieux comprendre dans quelles conditions (notamment liées au tabac) il se transforme en perturbateur biologique, perdant son caractère antioxydant pour devenir pro-oxydant. En attendant, on peut conseiller aux fumeurs actifs et passifs comme aux amateurs d’alcool d’éviter absolument des doses élevées de bêta-carotène. Pour les autres, la prudence est également de mise tant que l'on n'en saura pas plus.

(1) Baron J : Neoplastic and antineoplastic effects of beta-carotene on colorectal adenoma recurrence : results of a randomized trial. J Nat Cancer Inst 2003, 95(10) : 717-722.

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