Le régime des groupes sanguins : intox ou détox ?

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 02/06/2006 Mis à jour le 21/11/2017
Fiche pratique

Et si on était en surpoids parce que notre alimentation n’était pas adaptée à notre groupe sanguin ? C’est ce que prétend le Dr d’Adamo, créateur du régime des groupes sanguins. Alors, arnaque de plus ou révolution nutritionnelle ?

Profil

  • Groupe O : riche en protéines, pauvre en glucides
  • Groupe A : végétarien
  • Groupe B : équilibré mais riche en produits laitiers
  • Groupe AB : équilibré

Principe

Chaque groupe sanguin possède des caractéristiques particulières héritées de nos ancêtres et plus ou moins compatibles avec les aliments que nous mangeons. En ne consommant que la nourriture adaptée à notre groupe sanguin, on retrouve un poids de forme tout en se protégeant d’un certain nombre de maladies chroniques.

Points forts

  • Pas de sensation de faim
  • Limite la consommation d’aliments raffinés

Points faibles

  • Aucune base scientifique
  • Assez restrictif (donc difficile à suivre)

 

Comment ça marche ?

Le Dr Peter d’Adamo, naturopathe, a développé la thèse de son père le Dr James d’Adamo également naturopathe selon laquelle nos besoins nutritionnels dépendent de notre groupe sanguin. Il assoit cette théorie sur deux principes :

1) les groupes sanguins se sont différenciés au fil des millénaires.

2) à chaque groupe correspond à une composition sanguine particulière. À la surface des globules rouges se trouvent des glycoprotéines. Et, selon le type sanguin, ces glycoprotéines ne sont pas les mêmes. Les glycoprotéines des globules rouges sont susceptibles, selon d’Adamo, de réagir avec des protéines alimentaires, les lectines. Cette interaction entraînerait à la fois une agglutination des globules rouges et la formation par le système immunitaire d’anticorps dirigés contre ces protéines alimentaires. Ainsi, consommer le mauvais aliment avec le mauvais groupe sanguin pourrait causer des maladies graves (cancers notamment), voire même entraîner la mort. À l’opposé les aliments qui conviennent à chaque groupe seraient ceux que l'on mangeait le plus à l'époque où le groupe sanguin est apparu.

Pour chacun des quatre groupes sanguins, Peter d’Adamo a défini un profil (lié à l’histoire humaine) et des aliments bénéfiques, neutres ou à éviter :

Le groupe O

Il est le groupe sanguin le plus ancien (et le plus répandu), celui de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs. Ces derniers se nourrissaient d'animaux, de poissons, d'insectes, de baies, de racines et de feuilles. Ils avaient donc une alimentation riche en protéines et pratiquaient une activité physique soutenue.

Les personnes appartenant à ce groupe sanguin doivent donc privilégier les viandes maigres (aliments bénéfiques) et éviter au maximum les céréales (le blé et le maïs en particulier) et les produits laitiers car leur système digestif n’y est pas adapté. Ils peuvent consommer des fruits (sauf l’orange et la clémentine) et des légumes (sauf tomate, aubergine et pomme de terre) mais pas de légumineuses (lentilles, haricots secs, etc.). Parallèlement, une activité physique intense les stimule.

Le groupe A

Il serait apparu au Néolithique avec l’agriculture. A cette époque, dit l'auteur, l'homme mange surtout des céréales et des légumineuses et son activité physique est moins intense.

Les personnes appartenant à ce groupe doivent donc avoir une alimentation plutôt végétarienne. Les légumes (hors pomme de terre, patate douce, igname, chou et tomate) et les fruits (sauf orange) doivent donc composer l’essentiel de la diète. Ils doivent être le plus naturels possibles : soit crus, soit cuits à la vapeur (et provenant de l’agriculture biologique de préférence). Le blé et le maïs peuvent être consommés mais en quantités raisonnables. Les viandes rouges doivent être évitées au profit des volailles. Les produits laitiers peuvent être consommés avec modération.

Le groupe B

Il serait apparu avec les grandes migrations humaines, c’est donc celui des nomades. Ces derniers capturaient et domestiquaient le bétail sauvage : ils avaient donc une alimentation à base de viande et de produits laitiers.

Les personnes du groupe B ont une alimentation plus diversifiée. Et c’est le seul groupe qui peut manger des produits laitiers divers régulièrement. Le poulet doit en revanche être évité ainsi que le blé, le seigle et le maïs. C’est le seul groupe qui peut consommer des oranges et des clémentines.

Le groupe AB

C'est le plus récent. Il serait apparu après le mélange des populations majoritairement A (d’origine européenne) avec les populations marquées par le groupe B (d’origines mongole et caucasienne). Leur alimentation était diversifiée.

Les personnes appartenant au groupe sanguin AB peuvent manger à peu près de tout. Elles doivent privilégier l’agneau, le mouton, le lapin et la dinde au bœuf et éviter soigneusement le poulet. Côté légumes et fruits, tout est bon (en particulier, les prunes, le raisin et les fruits rouges) sauf l’orange et la clémentine.

Enfin tous les groupes sanguins devraient bannir le son de blé, la noix de coco, le porc, les glaces, le saumon fumé, la rhubarbe, les huiles d’arachides et de maïs, le poivre noir et le vinaigre.

Adopter le régime qui convient à son groupe sanguin permettrait selon le Dr d’Adamo de perdre les kilos superflus, de prévenir un certain nombre de maladies d’origine virale ou bactérienne, de lutter contre la plupart des maladies chroniques (cancer, diabète, maladies cardiovasculaires, etc.) et de rester jeune plus longtemps.

En bon naturopathe, Peter d’Adamo conseille aussi à ses lecteurs d’utiliser des aliments frais, sains, non manipulés et non préparés (sans sucre ni additifs) et dans des quantités recommandées plutôt limitées.

En résumé

La sensibilité aux lectines des aliments (des protéines particulières) serait régie par le groupe sanguin. Chaque groupe sanguin est donc adapté à certains aliments et pas à d’autres.

Qu’en dit la recherche ?

Il n’existe aucune étude scientifique sur le régime des groupes sanguins. Le Dr d’Adamo a cependant publié quelques articles sur le lien entre les groupes sanguins et certaines maladies (cirrhose, lymphome, etc.) mais ils sont tous parus dans le journal dont il est le fondateur, ce qui ôte beaucoup de leur crédibilité à ses recherches.

En réalité, les allégations du Dr d’Adamo ne reposent pas sur des bases scientifiques très sérieuses.

Tout d’abord, d’Adamo prétend que les groupes sanguins (après le O) ont évolué il y a dix à trente mille ans. En réalité, les études sur l'ADN montrent qu’ils existent dans l’espèce humaine depuis plusieurs millions d’années. Donc sa théorie a du plomb dans l’aile. L'idée que les groupes sanguins détermineraient le risque de pathologies est un concept des années 1950, qui s'est largement tari. On s'est aperçu depuis que les antigènes des leucocytes humains (HLA) qui sont utilisées par le système immunitaire et sont de nature héréditaires ont un rôle bien plus critique. Enfin, si on regarde à la fois les influences génétiques et les facteurs environnementaux, on se rend compte que ces derniers ont plus d’impact sur les maladies chroniques actuelles (athérosclérose, cancers, maladies cardiovasculaires) que n’en ont les facteurs héréditaires.

Des non-sens nutritionnels flagrants jalonnent le livre du Dr d’Adamo. Citons-en deux, entre autres :

-selon d’Adamo, les personnes du groupe O « ont tendance à ne pas produire assez d’iode ». Or le corps humain est incapable de synthétiser de l’iode. Ce dernier est exclusivement apporté par l’alimentation.

- la quantité d’acide sécrétée par l’estomac dépendrait du groupe sanguin, ce qui aurait une influence sur la digestion des protéines. En réalité les acides de l’estomac ne digèrent pas les protéines, c’est le rôle de la pepsine.

En ce qui concerne les lectines des aliments, d'Adamo semble avoir construit une hypothèse sur la base d'études conduites dans les années 1950. Par exemple, c'est en utilisant expérimentalement des lectines alimentaires que Walter Morgan et Winifred Watkins (Institut Lister, Londres) ont montré que le caractère immunodéterminant du groupe sanguin A est donné par la N-acétylgalactosamine - la première démonstration que les glucides à la surface des cellules peuvent transporter une information biologique. Or rien ne montre que les lectines alimentaires provoquent une réaction immunitaire de type antigènes-anticorps selon les groupes sanguins ou que leur toxicité éventuelle est modulée par les groupes sanguins. Si certaines lectines sont impliquées dans des réactions allergiques et d’autres sont potentiellement toxiques, comme celles des haricots rouges et d'autres légumineuses (elles doivent être détruites par la cuisson avant d’être ingérées), d'autres encore, comme celles de la tomate (qui représentent un danger pour d’Adamo), des champignons, des algues ou de l'ail sont potentiellement intéressantes, notamment dans la lutte contre le cancer.

Les différents tests pratiqués par le Dr d’Adamo ne permettent en aucun cas de prouver quoi que ce soit. Notez de plus que de l’avis de d’Adamo lui-même, les lectines sont détruites par la cuisson, la germination et la mouture.

En résumé

Aucune étude n’assoit scientifiquement la méthode du Dr d’Adamo qui comporte par ailleurs un certain nombre d’erreurs nutritionnelles et physiologiques.

Notre avis

Le régime des groupes sanguins considère l’individu à travers l'une de ses particularités : son groupe sanguin. Il propose ainsi une approche «personnalisée». Cependant, il n’a jamais été démontré que certains aliments sont plus ou moins adaptés à l’un ou l’autre des groupes sanguins. D’autre part, seuls les témoignages des adeptes du régimes montrent qu’il y a perte de poids. Donc, pour ce régime encore, c’est le changement d’habitudes alimentaires (et la diminution de l’apport calorique qu’il entraîne bien souvent) pendant quelques semaines qui est à l’origine de la perte de poids, pas une théorie révolutionnaire. LaNutrition.fr conseille essentiellement deux régimes : le régime IG et le nouveau régime Atkins.

 

Bibliographie

D'Adamo, PJ. : « Gut Ecosystems I-III: AB0 and other polymorphic systems ». Townsend Letter for Doctors. 1990;88.

D'Adamo, PJ. : « Possible alteration in ABO blood group observed in non-Hodgkin's lymphoma. » J. Naturopath. Med. 1990; 1: 39-43.

D'Adamo, PJ, Zampieron, ER. : « AB0 bias may signal innate differences in "Natural" immunity. » J. Naturopath. Med. 1991 ;2(1): 11 – 16.

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D’Adamo, PJ. : « Larch arabinogalactan is a novel immune modulator. » J. Naturopath. Med. 1996 (6)1:33-37.

D'Adamo, PJ & Whitney, C. : Eat Right 4 Your Type (GP Putnam's Sons Publishers)

Peter J. D'Adamo :« 4 groupes sanguins, 4 régimes", Éditions Michel Lafon.

Fuhrman J. : Eat to live, éditions Little, Brown and Company, New York, 2003.

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