Mieux comprendre l'autophagie pour lutter contre les bactéries résistantes

Par Marie-Céline Ray - Journaliste scientifique Publié le 19/09/2019 Mis à jour le 23/09/2019
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Grâce à l’autophagie, les cellules luttent naturellement contre des infections bactériennes dites intracellulaires. Un processus qui pourrait aider contre les super-bactéries, si on déjoue leurs stratégies pour y échapper.

L’autophagie est un processus au cours duquel une cellule élimine des éléments intracellulaires en les digérant grâce à des enzymes présentes dans de petits sacs, les lysosomes. Le terme d’autophagie, venant du verbe manger en grec, signifie que la cellule se mange elle-même.

L’autophagie permet à la cellule d’éliminer des protéines mal repliées ou des organites défectueux. Par exemple, l’autophagie qui dégrade les mitochondries s’appelle la mitophagie. Certaines maladies - la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer, des cancers - sont associées à des problèmes d’autophagie. Des protéines comme l’alpha-synucléine et la protéine Tau, impliquées dans les maladies neurodégénératives, la première dans Parkinson et la seconde dans Alzheimer, sont normalement éliminées par autophagie.

Il existe une forme d’autophagie qui participe aux défenses immunitaires innées : la xénophagie, qui permet de détruire des agents pathogènes intracellulaires. Récemment, un article scientifique rédigé par des scientifiques chinois a fait le point des connaissances actuelles sur ces mécanismes de xénophagie et sur ce qu'ils permettent d'envisager pour lutter contre les  bactéries résistantes aux antibiotiques.

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Que sont les pathogènes intracellulaires ?

Par définition, les pathogènes intracellulaires sont des micro-organismes qui vivent et se reproduisent dans les cellules d’un hôte qu’ils infectent. Certains de ces microbes sont à l’origine de maladies humaines. Il existe deux grandes catégories de pathogènes intracellulaires, selon qu’ils sont capables ou non de proliférer en-dehors des cellules. Ici, nous ne nous concentrerons que sur les bactéries. Ces deux grands groupes sont :

  • Les pathogènes intracellulaires obligatoires comme les bactéries Rickettsia, Ehrlichia chaffeensis et Wolbachia.
  • Les pathogènes intracellulaires facultatifs qui peuvent résider et se multiplier à l’intérieur ou en-dehors des cellules. Ce sont par exemple Shigella flexneri, Mycobacterium tuberculosis, Salmonella typhimurium et Listeria monocytogenes.

Parfois, la distinction entre pathogènes intracellulaires et extracellulaires n’est pas très claire. Par exemple, la bactérie Streptococcus pneumoniae, considérée comme extracellulaire, peut résider dans des macrophages de la rate, formant ainsi des réservoirs pour une septicémie. Autre exemple : Helicobacter pylori, une bactérie considérée comme extracellulaire, et impliquée dans les cancers gastriques et les ulcères de l'estomac. Cette bactérie adhère à la paroi de l'estomac (épithélium). Des recherches suggèrent qu’Helicobacter pylori est une bactérie intracellulaire facultative, qui peut se retrouver dans des phagocytes ou des cellules épithéliales, ce qui expliquerait qu’elle persiste dans l’organisme.

Normalement, une bactérie intracellulaire est éliminée en 15 à 30 min par xénophagie, si elle ne développe pas de stratégie pour se défendre contre ce processus de dégradation.

Les mécanismes de la xénophagie

De manière générale, lors du processus d’autophagie, la cellule forme des vésicules internes, les autophagosomes, qui fusionnent avec des lysosomes. Dans ces vésicules, les enzymes détruisent les éléments cellulaires défectueux ou les pathogènes intracellulaires.

Dans le cas de la xénophagie, imaginons une cellule dans laquelle est entrée une bactérie intracellulaire comme le bacille de la tuberculose, Mycobacterium tuberculosis. Dans un premier temps, la cellule doit détecter et reconnaître la bactérie grâce des récepteurs, afin d’activer la voie de signalisation de l’autophagie. Un autophagosome se forme et va engloutir la bactérie. Il fusionne ensuite avec des lysosomes où le matériel qui se trouvait dans l’autophagosome est digéré par les enzymes lysosomales.

Dans le cas de la xénophagie, des cytokines, des molécules signal du système immunitaire, activent l'autophagie. Par exemple, l’interféron gamma (IFN-γ) favorise une réponse immunitaire pour éliminer des bactéries Burkholderia et les éliminer de leurs niches intracellulaires. De la même façon, dans le cas du bacille de la tuberculose, l'IFN-γ recrute l'ubiquitine pour détecter la bactérie intracellulaire en interagissant avec ses protéines de surface. Ensuite, l’ubiquitine favorise la formation de l’autophagosome et donc la dégradation de la bactérie.

Les stratégies développées par les bactéries pour éviter l’autophagie

Pour éviter d’être mangées par les cellules qu’elles infectent, les bactéries pathogènes ont développé différents mécanismes pour persister malgré tout à l’intérieur des cellules. Par exemple :

  • Elles peuvent faire en sorte de ne pas être reconnues, de passer inaperçues. Pour cela, elles dégradent les molécules dont la fonction est de reconnaître les bactéries et de se fixer sur elles. Par exemple, les Streptococcus du groupe A sécrètent un facteur de virulence appelé SpeB qui détruit les molécules qui risquent de les reconnaître.
  • Des bactéries inhibent la formation de l’autophagosome. Par exemple, Staphylococcus aureus agit sur une voie de signalisation, ce qui empêche la formation de l’autophagosome. Des facteurs de virulence de Salmonella inhibent eux aussi la formation de l’autophagosome,
  • Les bactéries peuvent agir sur le fonctionnement des lysosomes. Les lysosomes ont un pH acide, de l’ordre de 4 à 5,5. Ainsi, la bactérie Helicobacter pylori gêne l’acidification du lysosome. Elle possède aussi un facteur de virulence VacA qui cible une protéine de l’enveloppe des lysosomes. Si Helicobacter pylori se développe dans un réservoir intracellulaire, elle risque d’échapper aux traitements antibiotiques.
  • Les vésicules utilisées pour l’autophagie représentent aussi pour certaines bactéries un lieu intéressant pour vivre. C’est le cas par exemple de la bactérie Salmonella qui exploite le réseau d’endosomes et de lysosomes pour se répliquer à l’intérieur ! Dans les vacuoles des lysosomes, les bactéries sont « cachées », ce qui peut être un atout pour survivre.

La connaissance de tous ces mécanismes permet aux chercheurs de réfléchir à de nouvelles stratégies pour lutter contre les infections bactériennes, dans un contexte mondial où les résistances aux antibiotiques sont de plus en plus fréquentes. Par exemple, en réactivant l’acidité des lysosomes, on pourrait aider à l’élimination d’Helicobacter pylori.

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