Trois repas par jour, c’est (peut-être) fini.

Par Sarah Amiri - Diététicienne et journaliste scientifique Publié le 08/04/2022 Mis à jour le 23/08/2022
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Bénéfique pour le poids et la santé, le jeûne intermittent est de plus en plus pratiqué. Va-t-on vers la fin programmée des 3 repas quotidiens ?

Nos experts : le Dr Jason Fung et le Dr Evelyne Bourdua-Roy

Le Fasting

En 2015, JB Rives, alarmé par une prise de poids rapide et importante, se lance dans plusieurs approches pour maigrir. Le sport régulier lui fait perdre 10 kilos, mais au prix d’un jogging quotidien et de trois séances hebdomadaires en salle de gym. Impossible d’en faire plus. « Puisque la solution n’était pas d’augmenter le sport pour continuer à maigrir, dit-il, je me suis intéressé à l’autre partie de l’équation : manger moins. »

C’est en se plongeant dans l’étude du métabolisme et en expérimentant sur lui-même, qu’il réalise qu’il est plus efficace de sauter un repas, que réduire les portions de chacun des 3 repas. JB Rives vient de découvrir le jeûne intermittent.

Il rassemble son expérience et ses conseils dans un petit livre qui paraît en 2017. Le Fasting est un succès immédiat. Il propose pourtant aux francophones, si attachés à leurs traditions culinaires, d’en finir avec les sacro-saints trois repas par jour.

Une pratique planétaire

Depuis, le principe de sauter des repas s’est répandu. Et la vague est planétaire. Par exemple, la section anglophone consacrée au jeûne Intermittent sur le réseau social Reddit compte plus de 800 000 utilisateurs qui comparent leurs pratiques et leurs résultats. Et dès 2019, le jeûne intermittent est devenu le régime le plus populaire dans les recherches sur Google.

Mais pourquoi est-il devenu si populaire de manger moins chaque jour, ou certains jours ? Est-ce réellement bénéfique ou totalement inutile ?

7 millions d’années de jeûne intermittent

Le jeûne intermittent n’est pas vraiment une pratique nouvelle dans l’espèce humaine. Il fait partie intégrante de la plupart des grandes religions. Mais bien avant l’époque moderne, il s’est naturellement imposé à nos ancêtres. Pendant la plus grande partie de l’histoire de l’humanité, nos ancêtres ont fait un ou deux repas par jour. Parfois aucun. Il n’y avait pas de famine chez les chasseurs-cueilleurs, mais on mangeait frugalement. Pour le Dr Mark Mattson (Université Johns Hopkins), « les trois repas par jour, plus les snacks n’ont aucune base scientifique. »

Les 3 repas par jour sont en fait étroitement liés à la période du néolithique, quand l’élevage et l’agriculture ont permis de stocker la nourriture qu’il fallait autrefois aller chercher quotidiennement. Avec l’émergence de l’agriculture, dit l’épidémiologiste britannique Tim Spector, « nous avons subi un lavage de cerveau qui nous fait penser, en nous réveillant le matin, qu’il nous faut quelque chose à mettre dans l’estomac. Si vous ne mangez que lorsque vous avez faim, vous constaterez en fait que vous mangez quelques heures plus tard. »

Les 3 repas quotidiens ont fait des petits, dit le Dr Jason Fung, un néphrologue canadien, auteur du Guide complet du jeûne. « Jusque dans les années 1970, dit-il, un Américain moyen mangeait 3 fois par jour : petit déjeuner, déjeuner et dîner. Aujourd’hui, les Américains mangent près de 6 fois par jour et on observe les mêmes évolutions des comportements en Europe. En fait, nous mangeons tout au long de la journée, du réveil au coucher. »

Devant cette inflation, les premiers à avoir fait des choix drastiques sont les chercheurs eux-mêmes. Comme JB Rives, Mark Mattson et Tim Spector pensent que le petit déjeuner est inutile. Mark Mattson n’a pas pris de petit déjeuner depuis 40 ans.

Au-delà de ces choix personnels, le jeûne est de plus en plus utilisé comme un moyen de traiter des maladies du mode de vie.

Surpoids, diabète, fatigue : les applications du jeûne intermittent

Le Dr Jason Fung en a été l’un des pionniers dans sa clinique de Toronto. « Je m’y suis intéressé en tant qu'outil thérapeutique potentiel pour maigrir et soigner le diabète de type-2, explique-t-il. J’ai suivi la piste de l’insuline, parce que l’excès d’insuline et la résistance à l’insuline sont en cause dans l’obésité et le diabète. C’est ainsi que j’ai été conduit à me pencher sur le jeûne. Cela m’a considérablement intéressé d’explorer cette voie. »

La clinique Reversa, au Québec, fondée par le Dr Èvelyne Bourdua-Roy, utilise aussi le jeûne en association avec le régime cétogène pour faire maigrir des patients obèses ou diabétiques.

Ces médecins s’appuient non seulement sur la science fondamentale, leur expérience clinique, mais aussi près de 100 études chez l’homme. Le potentiel santé du jeûne intermittent suscite un « énorme enthousiasme », confirme le Dr Courtney Peterson, une chercheuse de l’Université de l’Alabama.
Les bénéfices sur la perte de poids sont bien documentés. Ils peuvent s’expliquer par trois mécanismes, dit le Dr Èvelyne Bourdua-Roy, qui a écrit le best-seller Comment jeûner. « D’abord, on avale mécaniquement moins de calories. Mais on a également moins faim. Et surtout, on utilise les graisses corporelles pour faire de l’énergie. »

Une étude récente a montré en effet que le fait de s’alimenter dans une fenêtre de quelques heures plutôt qu’au long de la journée (ce qu’on appelle le time restricted feeding ou TRF) faisait baisser le niveau de ghréline, une hormone de la faim.

Par ailleurs, après 12 à 14 heures sans manger, un phénomène appelé cétose se met en place du fait de la baisse du glucose : les graisses de réserve sont alors utilisées pour donner des corps cétoniques qui participent à la production d’énergie, comme c’est le cas dans le régime cétogène. Selon Èvelyne Bourdua-Roy, ce phénomène de cétose est l’un des plus importants pour expliquer les effets du jeûne intermittent sur le poids. Et, ajoute-t-elle, contrairement à certains régimes, cette perte de poids se maintient dans le temps.

Pour le Dr Jason Fung, les bénéfices du jeûne s’étendent à l’amélioration de la sensibilité à l’insuline, qui permet parfois d’inverser un diabète de type 2, la baisse de la pression artérielle, une meilleure fonction digestive, et peut-être l’augmentation de l’efficacité des traitements anticancéreux, un domaine dans lequel des études sont en cours.

À lire : Minceur : "jeûner c'est comme faire travailler un muscle"

Èvelyne Bourdua-Roy souligne les effets marqués sur l’énergie et le niveau de fatigue des patients, comme l’a montré une étude récente qui utilisait le TRF).

Le jeûne intermittent n’est pourtant pas fait pour tout le monde. Prudence chez les personnes qui ont tendance à souffrir de troubles du comportement alimentaire (boulimie ou anorexie). Les enfants, les femmes enceintes et allaitantes devraient éviter le jeûne intermittent. Les personnes souffrant de maladies métaboliques, comme le diabète, devraient se faire conseiller. Le jeûne intermittent n’est pas adapté aux personnes âgées, qui sont parfois dénutries.

Les études s’accumulant, on verra peut-être dans quelques années les autorités sanitaires remettre en cause les fameux trois repas par jour. D’ici là, chacun peut faire l’expérience de manger deux fois par jour, les experts étant beaucoup plus réservés sur le principe d’un seul repas quotidien.

Pour aller plus loin, lire : Les meilleures formes de jeûne intermittent (Abonné)

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