Deux siècles de régimes : ceux qui marchent, ceux qui échouent

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 09/02/2012 Mis à jour le 10/03/2017
Pendant près de 150 ans, les médecins ont fait maigrir efficacement la population en restreignant sucre, féculents et farineux.Au début des années 1970, changement de cap : la graisse devient l’ennemi.Aujourd’hui, il se confirme que les médecins du dix-neuvième siècle avaient raison.

Pendant près de 150 ans, du début du dix-neuvième siècle jusqu’à la fin des années 1960, médecins et scientifiques ont été d’accord pour affirmer, preuves à l’appui, que le seul moyen efficace de maigrir lorsqu'on est sédentaire, c’est de manger moins de pain, pâtes, riz, pommes de terre, sucre.

Mais au début des années 1970, changement de cap : les nutritionnistes vont soudain défendre l’idée que ce sont les graisses qui sont responsables du surpoids. Pour maigrir, disent-ils alors « il faut manger moins gras » et « consommer plus de glucides. » Une stratégie perdante.

1825-1969 : Ce que nous dit l’histoire des régimes

En 1825, Jean-Anthelme Brillat-Savarin publie La physiologie du goût. Il a interrogé plus de 500 contemporains obèses. Tous partagent une particularité qui a frappé l’auteur : ils mangent beaucoup de féculents : pain, pâtes, pommes de terre, riz. Brillat-Savarin en déduit que «  les amidons et les farines que l’homme utilise comme base journalière de son alimentation » sont à l’origine de l’obésité et que le sucre aggrave les choses.

En 1844, le Dr Jean-François Dancel donne une conférence sur le surpoids et l’obésité à l’Académie des Sciences, à Paris. Cas à l’appui, Dancel montre que l’on guérit tous les obèses, « sans exception », par un régime riche en protéines comme la viande, et très pauvre en pain, pâtes, riz et sucre. « Tous les aliments riches en carbone et en hydrogène [les glucides], dit-il, ont tendance à produire de la graisse. »

En 1856, le Dr William Harvey, un médecin londonien, rapporte que « les sucres et les farineux sont utilisés pour engraisser les animaux et qu’un régime qui n’en comprend pas pourrait être utile pour arrêter la formation de graisse. » En 1862, Harvey prescrit un tel régime à William Banting, un de ses patients obèses. En 9 mois, celui-ci perd 25 kilos.

En 1862, William Banting publie à son tour une « Lettre sur la corpulence » de 16 pages. Il décrit les régimes qu’il a essayés sans succès, et comment une alimentation pauvre en sucres et féculents lui a permis de perdre si facilement du poids. Le fascicule de Banting devient un best-seller européen.

Le régime Banting a un tel succès que même les têtes couronnées s’y mettent. En 1864, Napoléon III suit comme beaucoup de ses compatriotes le régime Banting, avec « un grand bénéfice. »

En 1869, Thomas Tanner, le célèbre médecin britannique, publie The Practice of Medicine, dans lequel il donne une longue liste de traitements ridicules contre l’obésité, dont la saignée, les sangsues et… les régimes sans graisses. Toutes ces méthodes, écrit-il, échouent lamentablement. Le seul traitement efficace, assure-t-il, c’est d’éviter les glucides, pain, farineux, pommes de terre, sucre.

En 1877, dans Anna Karénine, Léon Tolstoï se fait l’écho des régimes que suivent ses contemporains lorsqu’ils veulent maigrir. L’amant d’Anna, le comte Vronsky doit participer à une course équestre qui exige de ne pas dépasser le poids de 160 livres. Pour y parvenir, écrit Tolstoï, « il évitait les aliments farineux et les desserts. »

En 1901, le Dr William Osler, considéré comme le père de la médecine américaine moderne écrit dans Principles and Practice of Medicine, ouvrage de référence, que les obèses doivent pour maigrir et rester en bonne santé « réduire les farineux et les sucres. »

En 1925, le Dr Gardiner Hill (Hôpital St Thomas de Londres) décrit dans le Lancet les principes du régime amaigrissant dont l’efficacité est avérée : « Toutes les formes de pain contiennent une forte proportion de glucides, qui vas de 45 à 65 pour cent. Il doit donc être condamné. »

Entre 1943 et 1952, des chercheurs de Stanford, Harvard, Chicago, Cornell, publient indépendamment une série d’articles sur l’obésité et les moyens de la traiter. Tous ces régimes se ressemblent. Ils interdisent invariablement sodas, sucre, miel, sucreries, fruits au sirop, gâteaux, tartes, biscuits, pain, pommes de terre, pâtes, céréales du petit déjeuner.

En 1963, le livre de référence en Grande-Bretagne, Human Nutrition and Dietetics, écrit par Sir Stanley Davidson et Reginald Passmore rappelle que « la consommation d’aliments riches en glucides devrait être réduite drastiquement dans la mesure où ces aliments sont la cause la plus commune d’obésité. » A l’époque, c’est tellement évident que Passmore écrit : « N’importe quelle femme sait que les glucides font grossir : d’ailleurs tous les nutritionnistes sont d’accord avec cela. »

En 1972, parution du régime du Dr Robert Atkins qui recommande aux personnes en surpoids d'éliminer ou limiter fortement céréales et féculents. Succès foudroyant.

Comment en est-on alors venu à conseiller des régimes pauvres en graisses, riches en féculents ?

Vers le milieu des années 1960, c’est le règne des calories. On se met à croire que le corps fonctionne comme une chambre à air : s’il rentre plus d’air qu’il n’en sort, la chambre à air augmente de volume. Si le corps reçoit plus de calories qu’il n’en brûle, lui aussi grossit.

Oubliant un siècle et demi de recherches, les nutritionnistes se convertissent alors à un raisonnement simple :

  • 1 gramme de graisses apporte 9 calories (kcal)
  • 1 gramme de glucides 4 calories seulement

En diminuant les premières et en les remplaçant par les deuxièmes on doit forcément stocker moins de calories, donc maigrir.

Sur ce principe simple mais erroné ont été élaborées les fameuses recommandations officielles visant à manger « moins gras », qui sont suivies par des dizaines de millions de personnes. Ces recommandations, qui méconnaissent l'histoire de l'évolution humaine, mais aussi la physiologie et les données scientifiques récentes (études établissant sans équivoque l'intérêt de diminuer les aliments à index glycémique élevé), sont en partie responsables de l'augmentation ces dernières années des cas d'obésité et de diabète dans la population.

Pour maigrir rapidement, il peut être utile de réduire les féculents dans son alimentation pendant quelque temps; ensuite, ces aliments devraient être réintroduits, mais en les choisissant en fonction de leur index glycémique, c'est-à-dire le plus souvent dans leur version peu transformée. Le niveau de consommation des féculents devrait être dicté par l'activité physique : on peut en manger beaucoup si l'on est très sportif, modérément si l'on est sédentaire. 

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