Inès Birlouez-Aragon : « Au four à micro-ondes, on perd plus de nutriments »

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 09/06/2010 Mis à jour le 21/11/2017
Maître de conférence à l’Institut National Agronomique Paris-Grignon et chercheur à l’Institut Supérieur d’Agriculture de Beauvais, Inès Birlouez-Aragon étudie les effets de la cuisson et des transformations industrielles sur la valeur nutritionnelle et santé des aliments.

Quelle est la différence entre une cuisson au micro-ondes et une cuisson traditionnelle ?

Le premier objectif du four à micro-onde est de cuire plus vite. Les ondes électromagnétiques générées par le four sont absorbées par les molécules de l’aliment, essentiellement les molécules d’eau, provoquant une agitation moléculaire qui dégage de la chaleur au cœur de l’aliment. Dans un four ou sur un feu, la chaleur pénètre au contraire peu à peu vers le cœur de l’aliment. Le four à micro-ondes, en chauffant l’ensemble de l’aliment, cuit donc plus vite et garantit une certaine homogénéité. À l’inverse, la cuisson traditionnelle cuit d’abord l’extérieur et puis progressivement l’intérieur – la cuisson complète de l’intérieur nécessitant une sur-cuisson de l’extérieur.

 

Pourquoi arrive-t-on à faire cuire certains aliments plus rapidement que d’autres ?

La cuisson au four à micro-ondes est très complexe. La propagation des ondes électromagnétiques diffère selon la structure moléculaire de l’aliment. C’est ce qui explique que certains aliments cuisent plus vite que d’autres.

 

C’est la même raison qui fait que certaines zones d’un aliment sont froides alors que d’autres sont bouillantes ?

En quelque sorte oui. Le four à micro-ondes induit une cuisson qui part de l’intérieur de l’aliment. Quand la structure de ce dernier est hétérogène, certaines zones cuisent plus vite. La géométrie de l’aliment joue aussi un rôle important dans l’apparition de ces zones de surchauffe. La température peut alors excéder largement 100 °C, ce qui induit une dégradation importante des nutriments. En cuisson vapeur, au contraire, la température est parfaitement contrôlée à 100°C en pression atmosphérique de cuisson, évitant toute surchauffe de l’aliment et préservant ainsi beaucoup mieux les qualités nutritionnelles de l’aliment.

 

Donc ce mode de cuisson fait perdre plus de nutriments que la cuisson traditionnelle ?

Nous avons réalisé des essais sur quelques légumes cuits à la vapeur, à l’eau ou aux micro-ondes. Pour chacun d’eux nous avons observé une perte plus importante de nutriments avec ce mode de cuisson par rapport aux deux autres. C’était particulièrement vrai pour la vitamine C et les folates. En revanche côté polyphénols, la différence était moins sensible.

 

Comment expliquez-vous ces différences ?

Les polyphénols sont plus sensibles au lessivage (perte par solubilisation dans l’eau de cuisson ou l’eau extraite de l’aliment au cours de sa cuisson) qu’à la température. Or le lessivage est minime dans le cas d’une cuisson aux micro-ondes. Les vitamines hydrosolubles, comme la vitamine C et les folates (Vit B9) sont également sensibles au lessivage, mais aussi à la température. Leur plus forte dégradation en four à microondes provient vraisemblablement des zones de surchauffe que j’ai déjà mentionnées.

 

Et du côté des amines hétérocycliques, ces composés néfastes produits par la cuisson, qu’avez-vous constaté ?

C’est la cuisson d’une viande à la poêle qui produit le plus d’amines hétérocycliques. Le four à micro-ondes est plus bénéfique que la poêle concernant ces composés. On conseille même parfois de commencer la cuisson d’une viande au micro-ondes avant de la cuire à la poêle afin d’éliminer le jus qui contient les substrats de la réaction qui conduit à la formation d’amines hétérocycliques. En résumé, le four à micro-ondes et la vapeur sont des modes de cuisson plus sains que la poêle en ce qui concerne les composés néoformés, même si le goût est par ailleurs moins bon.

Propos recueillis par Priscillle Tremblais

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