Maladie de Lyme : débat biaisé à l’Académie de médecine

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 29/09/2016 Mis à jour le 10/03/2017
Pour l’Académie de médecine, la maladie de Lyme est une pathologie rare, facilement diagnostiquée et traitée. De mauvais augure pour les patients et les soignants, analyse Judith Albertat.

L’Académie de médecine consacrait le 20 septembre 2016 une séance à la maladie de Lyme transmise par les tiques. Se sont affrontés des points de vue divergents. D’un côté le dogme officiel, avec une vision presque angélique de la maladie : une maladie peu fréquente, facilement diagnostiquée et efficacement traitée par les antiobiotiques. Un point de vue défendu par les Pr Daniel Christmann (Strasbourg), François Bricaire (Paris) ou Benoît Jaulhac (Strasbourg). Selon eux, le Lyme chronique n’existe pas. Ces médecins n’hésitent pas à parler d’une maladie à la mode, une psychose, une "Lyme mania" qui conduirait un nombre croissant de personnes, face à des symptômes inexpliqués, à invoquer ce diagnostic.

En face, le Pr Christian Perronne, qui a pris le parti des malades et des associations, et considère que la prise en charge de la maladie de Lyme est très insuffisante, tout comme le sont les tests actuels.

Pour LaNutrition.fr, Judith Albertat, co-fondatrice de Lyme sans Frontières, fondatrice de I for Lyme, et auteure du livre Lyme, les solutions naturelles, analyse ci-dessous les points de vue en présence.

Quel était dans le fond l’objectif de cette séance à l’Académie ?

« Il y a des limites à mettre si l'on ne veut pas mettre en péril le système de soins », estime le Pr François Bricaire, infectiologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris) et modérateur de la séance.

La réponse serait-elle : « poser des limites » sur la base de données non actualisées par les experts français de la Borréliose de Lyme, sans tenir compte de l’abondance des données scientifiques récentes, afin de ne pas mettre en péril l’actuel système de soin ? Ce dernier semble lui aussi bien malade ; ne serait-il pas temps de réfléchir à le moderniser en se basant sur diverses évidences qui sont toujours niées depuis plus de 30 ans ?

L’abondante littérature prouvant la chronicité de la maladie de Lyme et son implication dans diverses pathologies (autisme, Alzheimer, maladies auto-immunes) n’a pas, dans cette confrontation à l’Académie, été présentée par le Centre national de référence des Borrelia (CNR). Cet organisme est-il au courant des récentes publications internationales ?

Les experts se sont dans l’ensemble accordés à admettre que les tests sanguins ont une fiabilité limitée. Toutefois le Pr Daniel Christmann stipule que « sur la base des données anamnestiques et des tests sérologiques, le diagnostic sera en général facile à établir, conforté par une antibiothérapie adaptée efficace. »

Affirmation à opposer à l’attestation écrite le 31 juillet 2013 par le Pr Bricaire, suite à son exposé aux Entretiens de Bichât en septembre 2012 : «  l’interprétation des tests sérologiques concernant la maladie de Lyme est toujours délicate et difficile. La fiabilité des tests est limitée compte tenu des différentes techniques utilisées. L’interprétation doit impérativement être faite en fonction de la clinique ». Ce que l’on accorde comme à regret d’un côté, on le retire de l’autre : il semble que le CNR n’ait pas vraiment envie de reconnaitre la réalité des limites des tests diagnostiques. D’ailleurs le Pr Jaulhac affirmait encore il y a 3 ans que les tests Elisa étaient de bons tests offrant une très bonne sensibilité et une grande spécificité.

Les valeurs présentées des contaminations en France font référence au Réseau Sentinelle et s’arrêtent au début des années 2010. Qu’a fait ce Réseau depuis ? Quelle validité peut-on accorder à ces statistiques quand la maladie de Lyme n’est pas à déclaration obligatoire en France, contrairement aux dispositions prises dans certaines régions ( Länder) en Allemagne où le nombre de cas de malades de Lyme est largement plus élevé ?

Le Pr Christian Perronne se pose en fer de lance des malades et leurs associations. Ses arguments reposent sur les avancées scientifiques et cliniques présentées dans divers pays, notamment aux USA. Il met en avant les dispositions prises dans ce pays pour mieux lutter contre la méconnaissance de la maladie : guidelines de l’IDSA obsolètes et donc retirées par les Autorités de Santé américaines au profit des guidelines de l’ILADS ; notification du CDC en août 2013 confirmant un nombre de malade 10 fois supérieur à celui estimé jusqu’alors ; prise en charge des frais de soins liés à la chronicité par les mutuelles des malades  dans l’Etat du Massachusetts. La France semble à nouveau en retard dans l’actualisation de ses données scientifiques.

Le Lyme chronique est « une mauvaise réponse » aux patients. « Il faut éliminer un autre diagnostic par un examen clinique complet et une exploration appropriée », dit l’Académie, qui admet qu’il convient désormais de développer la recherche notamment sur les sérodiagnostics.

Mon point de vue

Je ne pense pas que la ML soit une « problématique de pays riches ». C’est un vrai problème de santé publique, qui se développe dans un contexte environnemental désormais très toxique. Et c’est sans doute là que se trouve la clef du problème. Toutefois il ne faut pas céder à la panique entretenue cette année par les médias mais au contraire continuer à explorer d’autres pistes qui pourraient expliquer pourquoi cette maladie, tout comme les autres maladies infectieuses émergentes, explose désormais de façon inquiétante.

La confrontation à l’Académie de Médecine me semble biaisée et de mauvais augure pour les suites à donner au plan d’action national annoncé par le Ministère de la Santé, le 29 septembre 2016.

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