Le yaourt et le cancer

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 22/05/2006 Mis à jour le 21/11/2017
Conseils

Plus on mange de yaourt, plus on risque d’être victime d’un cancer de la prostate. C’est la conclusion d’une étude française publiée en mars 2006. Question : faut-il encore consommer des yaourts, et combien ?

Cela fait de nombreuses années que les scientifiques se demandent si les laitages ne favoriseraient pas le cancer de la prostate. Sur 22 études épidémiologiques, 15 ont rapporté que les hommes qui consomment le plus de laitages courent un risque plus élevé que ceux qui en consomment peu. Depuis le mois de mars 2006, une nouvelle étude est venue s’ajouter à ces données troublantes.

Il s’agit d’une étude française, issue des données de SU.VI.MAX, une étude prospective qui a suivi pendant 8 ans 13 017 hommes et femmes dont une partie consommait des compléments antioxydants, une autre partie un placebo. L’analyse que publie le British Journal of Nutrition dans son numéro de mars portait sur 2776 hommes. Les chercheurs ont observé un risque accru de cancer chez les hommes qui consommaient le plus de laitages et de calcium par rapport à ceux qui en consommaient le moins. Pour l’ensemble des laitages, le risque est modérément élevé (+ 35%) ; en revanche pour le calcium, ce risque est multiplié par 2,4. Parmi les laitages, ce sont les yaourts qui poseraient le plus de problème, avec un risque de cancer qui augmente de 60% chaque fois qu’on consomme un yaourt en plus (125 g).

L’étude est cosignée du Dr Serge Hercberg, le responsable du Programme National Nutrition Santé (PNNS). Le PNNS conseille de consommer chaque jour 3 à 4 laitages dans le but de promouvoir la santé osseuse. Dans un document de 2003 censé faire référence sur les relations entre alimentation et cancer, le PNNS et son directeur écrivent qu’on ne peut « en aucun cas mettre en accusation le lait et les produits laitiers en termes de risque de cancer ». Prétendre le contraire, serait, selon le PNNS propager des « idées fausses pseudoscientifiques » qu’il est particulièrement important de « battre en brèche. »

Les laitages sont l’objet d’une promotion massive de l’industrie agro-alimentaire. De leur côté, les yaourts sont présentés comme des aliments-santé qui favorisent la « bonne » flore intestinale, ce qui est exact, et soutiennent l’immunité, ce qui est probable. Plusieurs études ont trouvé que les personnes qui consomment des laitages, yaourts et autres, ont un risque de cancer du côlon un peu plus faible que ceux qui n’en consomment pas. D’autres études suggèrent que les laitages pourraient aider à prévenir le diabète de type 2. Mais à la dose de trois à quatre laitages quotidiens, c’est-à-dire les recommandations en vigueur en France, les risques pourraient l’emporter sur les bénéfices. Les laitages apportent de grandes quantités de calcium et l’on pense que cela fait chuter le niveau de vitamine D active dans le corps, qui est l’une des armes dont dispose l’organisme pour prévenir l’apparition des cancers.

L’Ecole de santé publique de Harvard fut la première à attirer l’attention des scientifiques sur le risque possible de cancer associé à une consommation importante de laitages. « En l’état des connaissances, dit le Pr Walter Willett, directeur de l’Ecole de santé publique de Harvard (Boston) et membre du conseil scientifique de LaNutrition.fr, il nous paraît irresponsable de faire la promotion des laitages comme on le fait dans de nombreux pays. » L’Ecole de santé publique de Harvard conseille simplement de « se procurer une à deux bonnes sources de calcium par jour » parmi lesquelles figurent l'eau minérale calcique, les légumes crucifères, les sardines, les amandes ou les laitages. Les laitages ne sont donc pas un passage obligé, mais une option. Le Pr Willett ne croit d’ailleurs pas qu’il soit dangereux de consommer un laitage par jour.

La preuve formelle que les laitages favorisent le cancer de la prostate n'a pas été apportée, indique Thierry Souccar, directeur de la rédaction de lanutrition.fr. Mais, ajoute-t-il, « les avis du Ministère de la santé et du PNNS étant fidèlement suivis par des médecins et diététiciens français, il est urgent par précaution pour la santé des Français que le PNNS corrige le document de 2003 afin qu’il reflète fidèlement l’état des connaissances sur les laitages et le cancer, et surtout que cet organisme révise à la baisse ses recommandations en faveur des trois laitages par jour, comme nous le demandons avec de nombreux chercheurs depuis des années. »

Kesse E, Bertrais S, Astorg P, Jaouen A, Arnault N, Galan P, Hercberg S. : Dairy products, calcium and phosphorus intake, and the risk of prostate cancer: results of the French prospective SU.VI.MAX (Supplementation en Vitamines et Mineraux Antioxydants) study. Br J Nutr. 2006 Mar;95(3):539-45.

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