Un alien dans nos sushi

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 02/03/2007 Mis à jour le 17/02/2017

Le poisson cru, un plaisir risqué ? C’est ce que suggère un rapport récent des Services sanitaires de Californie, paradis des amateurs de sushi. Et ne croyez pas que ce rapport ne concerne que les habitants de Huntington Beach, simplement parce que votre restaurant japonais se trouve rue Sainte-Anne à Paris.

Il y a quelques années, Lionelle Nugon-Baudon, sympathique chercheuse en biochimie de l’INRA, - et auteur de polars sous le pseudo de Andréa Japp - m’a confié qu’elle avait mis la pédale douce sur la consommation de sushis, ces poissons crus très prisés au Japon et qui ont colonisé les restaurants parisiennes comme une invasion de locustes. Tiens donc, et pourquoi réduire les sushi, lui ai-je demandé ? C’était encore l’époque où l’existence même des acides gras oméga-3, sans même parler de leurs bénéfices était connue des seuls chercheurs – ou presque. De ce point de vue, il me semblait bon de faire la promotion des sushi. D’abord pour améliorer le statut de la population en oméga-3 parce que les poissons les plus vendus dans les restaurants de sushi sont de bonnes sources d’oméga-3 : saumon, thon, maquereau, etc. Et parce que surtout, je l’avoue, j’adore ça. Mais en bonne spécialiste des risques alimentaires, Lionelle s’inquiétait de la contamination possible du poisson cru par des vers pas vraiment fréquentables.

J’ai repensé à notre conversation en recevant l’autre jour dans un email un rapport des Services sanitaires de Californie. Le rapport établissait une liste des 7 aliments les plus dangereux pour ce qui est du risque infectieux. Et dans cette liste, il y avait les sushi. A dire vrai, ce n’est pas la première fois que les sushi sont montrés du doigt. Le poisson cru peut abriter des parasites, dont le plus redoutable, pour le poisson de mer est un ver appelé Anisakis.

Le ver Anisakis simplex colonise plusieurs organismes au cours de son existence. Les œufs éclosent en mer et les larves sont avalées par des crustacés qui sont eux-mêmes mangés par des poissons et voilà Anisakis pas très loin de nos assiettes, et, vous allez le voir, guère loin de nous causer des ennuis sérieux. Anisakis affectionne particulièrement l’hospitalité du saumon (sauvage, pas d’élevage), du thon, du cabillaud, du maquereau ou du hareng, mais aussi de la baudroie, du merlu, du cabillaud, du lieu, du flétan. Les fileteurs qui découpent le poisson sont entraînés à reconnaître ce ver et d’autres pour les éliminer à ce stade. Mais la méthode n’est pas infaillible. Si vous mangez du poisson contaminé par Anisakis, le ver peut vous gêner au passage du gosier, auquel cas il y a de grandes chances que vous puissiez l’évacuer en vomissant (dans votre assiette si possible). Hélas il peut aussi se fixer à la paroi de l’estomac ou de l’intestin. Il provoque alors une inflammation qui peut évoquer un ulcère ou une appendicite, très souvent dans l’heure ou les heures qui suivent le repas. Il faut alors faire appel à l’endoscopie ou la chirurgie pour l’extirper. Ainsi, la gastro-entérite est une conclusion fréquente de la rencontre avec Anisakis, et elle peut conduire à des occlusions ou perforations intestinales (péritonites). Au Japon, Anisakis serait chaque année à l’origine de 3 000 hospitalisations et de dizaines de décès. En France, d'un nombre indéterminé de gastro-entérites, conduisant à une dizaine de péritonites. Tous les parasites du poisson ne sont pas des Anisakis. De très nombreux vers sont avalés sans occasionner autre chose qu’un léger inconfort intestinal.

Les vers des poissons de lac s’apparentent eux au ténia. La larve du bothriocéphale, un parasite de l’omble chevalier, du brochet et surtout de la perche, se fixe dans l’intestin où elle grandit de 10 à 20 cm par jour. Le temps de réaliser que quelque chose ne va décidément pas, elle peut atteindre la taille respectable de plusieurs mètres !

Le moyen le plus efficace d’éliminer ces parasites, c’est de faire cuire le poisson à 60°C minimum. Mais dans ce cas, bien sûr, adieu les sushis. Comment font donc les restaurants japonais ? La réglementation leur impose de congeler le poisson pendant 24 heures au moins à -20°C parce que ces vers n’apprécient guère ce traitement par le froid. Le problème, c’est le sushi maison, parce que chez soi, les congélateurs atteignent rarement ces températures. Donc, avec un congélateur maison, le minimum est d’y conserver le poisson 72 heures sans la garantie absolue d’avoir éliminé tout risque.

Quant aux femmes enceintes et aux personnes immuno-déprimées, il leur est conseillé d’éviter purement et simplement le poisson cru, même chez le meilleur Japonais du quartier.

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