David Elia : "Les médecins ont pris conscience du risque du THS"

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 27/03/2006 Mis à jour le 10/03/2017
On a longtemps pensé que les bénéfices du traitement hormonal de la ménopause (THS) l’emportaient sur ses inconvénients, risque de cancer en particulier. Mais en juillet 2002, la grande étude américaine WHI (Women’s Health Initiative study) qui suivait plus de 27 500 femmes, a trouvé plus d’infarctus et d’accidents vasculaires cérébraux dans le groupe de femmes qui recevaient un THS que dans le groupe placebo. On dénombre aussi plus de risque de cancer chez les femmes qui ont pris le THS : 26 % pour le cancer du sein, et selon les toutes dernières publications, 58 % pour le cancer des ovaires.

Les résultats d’une étude britannique (MWS) a semé la consternation. Plus d’un million de femmes âgées de 50 à 64 ans ont participé à cette enquête épidémiologique qui a duré 5 ans. Que conclut-elle ? Que les femmes qui utilisent estrogènes et progestérone ont en moyenne deux fois plus de risque d’avoir un cancer du sein que celles qui n’ont jamais pris d’hormones. Le risque est ramené à 30 % pour les utilisatrices d’estrogènes seuls. Plus le traitement est long, plus le risque est élevé. LaNutrition.fr a demandé au Dr David Elia, gynécologue, directeur des centres d’accueil de la ménopause de la Mutuelle Générale et de la FMP-Mutualité Francilienne de commenter les derniers résultats de la recherche sur le THS.

Que nous disent les études publiées depuis 18 mois sur les capacités du THS à prévenir les maladies cardiovasculaires ?

Les résultats de l’étude HERS montrent de manière définitive qu’il ne faut pas compter sur le THS pour améliorer la santé cardiovasculaire des femmes qui ont connu un événement cardiovasculaire marquant. Si l’on s’intéresse à la prévention primaire, qui concerne les femmes au départ en bonne santé, les résultats de l’étude WHI me font dire qu’elle ne doit pas être présentée aux femmes comme un argument en faveur du THS. Même si je pense que la population choisie dans l’étude WHI n’est pas représentative, avec dans cette étude un âge moyen de 63 ans et une santé cardiovasculaire médiocre chez de nombreuses participantes.

En sait-on aujourd’hui plus sur le risque réel de cancer du sein attaché au THS ?

L’étude WHI confirme ce que nous savions depuis 1997, à savoir que le risque de cancer du sein est augmenté d’environ 30 % chez les femmes qui suivent un THS. En 1997, l’étude d’Oxford avait ainsi traduit ce risque : pour 1 000 femmes traitées pendant 5 ans, on recense 51 cas de cancer du sein ; pour 1 000 femmes non traitées, 45 cas. C’est donc 6 cas supplémentaires avec le traitement. Ce n’est pas 0, mais c’est un risque doit donc être relativisé. L’étude WHI dit la m^me chose mais autrement : 8 cas supplémentaires de cancer pour 10 000 femmes traitées pendant une année. Quand à l’étude Million Women Study (MWS) qui est une enquête épidémiologique de fiabilité bien moindre que WHI, elle annonce 12 cas supplémentaires pour 10 000 femmes traitées pendant un an.

Cette étude démontre-t-elle clairement que les produits européens font courir les mêmes risques que les produits américains ?

Depuis la publication de cette étude, on peut dire que les produits européens doivent être logés à même enseigne que les américains. Mais il est probable que l’étude MWS surévalue les risques. Cette étude a cependant une grande force : la taille de l’échantillon - 1 million de femmes – mais c’est loin d’une étude parfaite, dans la mesure où les femmes n’ont été interrogées qu’au début de l’enquête sur leur traitement. Malgré tout, on ne peut plus se cacher derrière l’argument que les produits américains sont différents. Le risque doit être clairement annoncé à nos patientes, même s’il est très faible.

Justement, le discours des médecins français a-t-il changé ?

Oui. Le discours du médecin est devenu carré depuis l’étude WHI. Dans leur ensemble, les médecins ont pris conscience des risques du THS. Ce qui interpelle surtout le gynécologue, c’est le risque de cancer du sein. Et ce qui interpelle les patientes, c’est aussi… le risque de cancer du sein. On leur dit que ce risque est faible, mais pas nul. Nous le mettons donc en perspective avec les avantages que chaque femme peut tirer du THS, sur sa symptômatologie, sur son risque éventuel d’ostéoporose. Nous faisons des choses que nous ne faisions pas autrefois, comme suspendre le traitement au bout de 18 ou 24 mois, voir si les symptômes reviennent, éventuellement reprendre à demi-dose ou interrompre définitivement.

Que faut-il penser des traitements alternatifs sur les symptômes ?

Nous savons, avec les études publiées sur les isoflavones de soja que la preuve existe de l’efficacité des phytoestrogènes sur les symptômes à type de bouffées de chaleur de la ménopause, même si les effets sont moins nets qu’avec le THS. Il faut donc tenir compte de cette alternative intéressante. Les arguments épidémiologiques manquent encore pour les effets que l’on espère sur le cerveau, les os, la sécheresse vaginale.

La tibolone ,qui est une molécule originale et qui a la même efficacité que le THS sur les symptômes de la ménopause se porte aujourdh’ui candidate à démontrer qu’elle n’augmente pas le risque de cancer du sein (par des études randomisées versus placebo dont nous aurons les premiers résultats dans 2 ou 3 ans).

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