La flore intestinale d'un peuple de chasseurs-cueilleurs bouleverse nos connaissances sur les probiotiques

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 27/04/2014 Mis à jour le 10/03/2017
Actualité

La flore intestinale des Hadzas de Tanzanie a peu de ressemblances avec la nôtre : très peu de bifidobactéries considérées "bonnes", beaucoup de bactéries considérées comme "opportunistes".

Alors que le régime paléolithique séduit un nombre croissant d'Américains et d'Européens, des chercheurs se sont intéressés à la flore intestinale d’un peuple de chasseurs-cueilleurs vivant dans le nord et le centre de la Tanzanie. Dans un article paru dans Nature Communications, ils présentent l’originalité de ce microbiote où les espèces bactériennes sont particulièrement diverses.

Les Hadzas vivent près du lac Eyasi, dans la vallée du Rift et sur le plateau du Serengeti. Ils ne sont pas plus de 1000, dont 300 à 400 vivant de la chasse et de la cueillette, selon un mode de vie proche de nos ancêtres du paléolithique, avant l’apparition de l’agriculture. Leur régime est très différent d’un régime occidental. La majorité de l'alimentation est végétale ; les oiseaux et les animaux issus de la chasse (gibier) représentent 30 % de l’alimentation annuelle. L’alimentation varie d’année en année et de saison en saison, la viande étant plus consommée en saison sèche.

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Des chercheurs internationaux, dont des allemands de l'Institut Max Planck (Leipzig), ont étudié la flore intestinale de 27 individus Hadza âgés de 8 à 70 ans provenant de deux camps (Dedauko et Sengele), situés dans la vallée du Rift. Ils l’ont comparée à celle de 16 adultes italiens ; ils ont ainsi trouvé une plus grande diversité bactérienne chez les Hadzas que chez les Italiens. Mais l’étude a aussi révélé quelques surprises.

Tout d’abord, les chercheurs n’ont pas trouvé de bactéries Bifidobacterium chez les Hadzas. Ces bactéries associées à l’allaitement atteignent des proportions importantes dans les premiers mois de la vie. Elles proliféreraient en fonction de la conosmmation des sucres du lait. Elles se maintiennent généralement à l’âge adulte dans les pays occidentaux (mais dans des proportions moins importantes qu'en début de vie), probablement en lien avec la consommation de produits laitiers. Les bifidobactéries, souvent décrites comme des bactéries bénéfiques seraient donc la signature de peuples agricoles.

Consulter notre dossier sur les probiotiques

De plus, les chercheurs ont trouvé un nombre important de bactéries du genre Treponema chez les Hadzas, alors que ces bactéries sont généralement considérées comme opportunistes. C’est dans cette  famille par exemple que se trouve la bactérie causant la syphilis (Treponema pallidum). Ces bactéries ne posent pas de problème à une personne en bonne santé mais pourraient se révéler hostiles si le système immunitaire est compromis. Les Hadzas ne souffrent cependant pas de maladies associées typiquement à ces bactéries. Au contraire, ces bactéries Prevotella, Treponema, Bacteroidetes pourrait favoriser la digestion et l’extraction de nutriments provenant d’aliments végétaux fibreux.

Enfin, il y avait une différence entre les flores intestinales des hommes et des femmes Hadza ; elle serait due à leurs modes de vie : les hommes chassent et mangent beaucoup de viande et de miel, alors que les femmes cueillent les fruits et les tubercules, qu’elles consomment plus que les hommes.

Il faut noter aussi que les Hadzas ne souffrent pas de maladies de civilisation  comme le diabète, l'obésité, ou les maladies auto-immunes. D’après Stephanie Schnorr, auteur de cet article, « Différentes maladies qui émergent dans les pays industriels, comme le syndrome du côlon irritable, le cancer colorectal, l’obésité, le diabète de type II, la maladie de Crohn et d’autres, sont associées de manière significative à une réduction de la diversité de la flore intestinale. »

L'avis de LaNutrition.fr. Le mode de vie influence la flore intestinale, qui joue un rôle important dans la santé. Cette étude bouleverse nos conceptions concernant la définition d'une "bonne" ou d'une "mauvaise" bactérie intestinale : ces distinctions dépendent de l’environnement dans lequel on vit. La diversité génétique des bactéries apparaît comme un critère important pour la santé, et les Hadzas affichent une diversité bactérienne qu'on ne rencontre pas en Occident. Il apparaît que ce qu'on considère comme un bon profil bactérien, qui sert de base aux formulations de probiotiques vendues dans le commerce, est une notion appelée à être remise en question, alors que l'on attend la publication d'autres données similaires sur d'autres populations de chasseurs-cueilleurs : les proportions relatives de ce qu'on considère de "bonnes" bactéries ne sont probablement pas valides, elles ne reposent sur aucune référence universelle. 

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Source

Stephanie L. Schnorr, Marco Candela, Simone Rampelli, Manuela Centanni, Clarissa Consolandi, Giulia Basaglia, Silvia Turroni, Elena Biagi, Clelia Peano, Marco Severgnini, Jessica Fiori, Roberto Gotti, Gianluca De Bellis, Donata Luiselli, Patrizia Brigidi, Audax Mabulla, Frank Marlowe, Amanda G. Henry, Alyssa N. Crittenden. Gut microbiome of the Hadza hunter-gatherers. Nat Commun. 2014 Apr 15;5:3654. doi: 10.1038/ncomms4654.

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