Les frères Garland, pionniers du cancer et de la vitamine D

Par Marie-Charlotte Rivet Bonjean - Diététicienne-nutritionniste Publié le 07/09/2011 Mis à jour le 15/01/2023
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La vitamine D ne serait pas aussi étudiée en prévention du cancer sans le travail pionnier des Américains Frank et Cedric Garland.

En 1980, les frères Frank et Cedric Garland, deux jeunes épidémiologistes de l’université de San Diego, également rattachés au Centre de recherches sur la santé de la marine américaine, travaillent sur les facteurs de risque du cancer du côlon. Ils sont intrigués par les résultats d’expériences de laboratoire qui montrent qu’une vitamine peu connue, la vitamine D, s’oppose à la croissance des tumeurs chez l’animal. « La vitamine D est synthétisée par la peau lorsqu’on s’expose au soleil », dit Cedric Garland à Thierry Souccar dans un entretien de 1991. « Alors Frank et moi nous nous sommes demandé si le soleil jouait un rôle dans la prévention des cancers. C’est une idée qui paraissait assez farfelue à l’époque. On commençait plutôt d’inciter les gens à ne pas se mettre au soleil ! »

En 1980, les frères Garland publient la première enquête géographique sur la mortalité due au cancer du côlon aux États-Unis. On meurt moins de ce cancer dans les régions ensoleillées du sud et de l’ouest que dans les grandes villes noyées par la pollution et les régions du nord-est, en dépit d’une consommation plus forte de légumes verts. « Cette étude intrigante a été un déclic pour nous, mais aussi pour d’autres chercheurs, disait Cedric Garland. Autour de nous, les opinions sur le soleil ont commencé de changer, et la recherche sur la vitamine D a décollé. Cette vitamine n’était pas seulement intéressante pour les os mais sûrement aussi pour l’immunité. »

En 1990, les deux chercheurs montrent que le taux de cancer du sein après 50 ans varie du simple au triple entre les régions du sud de l’ex-URSS et celles du nord. Ils étendent la démonstration aux grandes villes des États-Unis : le risque de mortalité par cancer du sein après 50 ans, écrivent-ils, y « est inversement proportionnel à l'intensité de l'ensoleillement ». Ainsi, les habitantes de Phoenix (sud ouest) et d’Honolulu (Hawaï) ont deux fois moins de risque de mourir d’un tel cancer que les résidentes de New York ou Boston (nord-est du pays).

C’est ce moment que choisit la marine américaine pour demander aux deux frères d’affiner la connaissance sur le mélanome [une forme agressive de cancer de la peau]. « Le mélanome, dit en 1991 Cedric Garland, est la deuxième cause de cancer dans la marine américaine, après le cancer des testicules. À vrai dire, cela ne surprenait personne, puisque les marins sont généralement très exposés au rayonnement ultraviolet et il se disait alors que tous les mélanomes sont dus au soleil. Avec Frank, nous sommes partis de zéro. Nous avons épluché les registres statistiques des services de santé de la marine et quelque chose d’assez étonnant même pour nous, est apparu qui n’avait pas été relevé auparavant. »

Ce que découvrent les frères Garland, c’est que le mélanome touche certes les marins qui travaillent quotidiennement sur les ponts, mais plus encore ceux qui voient rarement le soleil. « C’est chez les sous-mariniers que nous avons relevé les taux les plus élevés ! Les moins touchés par le mélanome étaient les marins dont l’activité les conduisait à être exposés régulièrement mais sans excès au soleil. Nous pensons, disait alors Cedric Garland, que des périodes brèves, mais régulières, d'exposition au soleil ont un effet protecteur, alors que trop ou trop peu d'exposition augmentent les risques de cancers de la peau. » Accueillie avec stupéfaction à sa publication en 1990, cette étude ouvre d’autres perspectives aux deux frères. « Si le soleil, via la vitamine D, joue un rôle dans le cancer, nous aimerions savoir s’il intervient dans d’autres maladies à composante immunitaire…»

Lire : Moins de cancers de la peau chez  les utilisateurs réguliers de vitamine D

Ce qu'il faut retenir

Depuis, la recherche a confirmé que la vitamine D a des effets sur l'immunité, qui expliquent son intérêt dans la résistance aux infections. La piste prometteuse du cancer a été confirmée dans de nombreuses études épidémiologiques, mais jusqu'ici pas dans des essais d'intervention. Le Dr Cedric Garland conseille, sur la base d'une étude de 2016 chez les femmes, une dose quotidienne de 4000 UI de vitamine D (alimentation et/ou soleil et/ou suppléments). LaNutrition.fr recommande pour sa part d'éviter les déficits en vitamine D en s'exposant modérément et ponctuellement au soleil aux beaux jours, et, si nécessaire, en prenant de la vitamine D3 en hiver (consulter votre médecin).

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