Emmanuel Duquoc : « Si les émotions ont du pouvoir sur nous, nous avons aussi du pouvoir sur elles »

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 20/10/2011 Mis à jour le 04/10/2022
Point de vue

La gratitude, l’amour et la foi sont trois émotions connues des traditions spirituelles qui améliorent la santé et nous rendent heureux. Emmanuel Duquoc, auteur de Les 3 émotions qui guérissent, nous explique pourquoi et comment les cultiver.

Pourquoi cette nouvelle édition de votre livre Les 3 émotions qui guérissent ?

La présente édition de Les 3 émotions qui guérissent contient quelques améliorations liées à ma pratique et à mon expertise de la cohérence cardiaque. La principale est une modification du rythme respiratoire proposé. En effet, après avoir évalué la cohérence cardiaque de centaines de personnes à l’aide d’un logiciel spécialisé, j’ai remarqué que le rythme qui amenait le plus grand pourcentage de réussite, c’est-à-dire la plus grande régularité et amplitude des variations du rythme cardiaque, était légèrement différent de ce qui est le plus couramment proposé.

Comment vous êtes vous intéressé au pouvoir des émotions ?

J’écrivais des livres de cuisine diététique et je voyais bien qu’ils étaient très lus… mais peu appliqués ! J’ai cherché un moyen de rendre service aux personnes qui ne parvenaient pas à faire les changements favorables à leur santé malgré leur intérêt. Je me suis rendu compte que ce ne sont pas nos connaissances qui dictent nos comportements mais nos émotions.

Mais que faire avec ces émotions ?

C’était toute la question. Pouvait-on modifier les émotions de manière à adopter un comportement sain ? J’ai cherché et ce que j’ai trouvé m’a tellement passionné que c’est devenu mon sujet d’étude et ma pratique principale. Les émotions ont une portée immense ! Elles sont essentielles à la vie. Elles déterminent non seulement notre comportement mais aussi notre santé mentale et physique.

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Comment expliquez-vous que ce pouvoir des émotions ait, pendant si longtemps, été autant sous-estimé par la médecine ?

Mais dans la littérature, on ne parle que de ça ! Tout le théâtre classique est basé sur le duel émotion-raison. Grâce aux émotions, on a de grands mélos littéraires ou de cinéma. C’est vrai que souvent, l’émotion à le rôle du grain de sable qui empêche que les choses tournent rond. Sinon, il n’y a pas d’intrigue… Pourtant, les sages et les prophètes aussi savent qu’on ne touche pas les gens en s’adressant uniquement à leur raison. Bouddha, Jésus-Christ, Gandhi, Martin Luther King ou l’abbé Pierre ont mobilisé les foules par leur capacité à parler le langage des émotions, le langage du cœur. Seule la science faisait l’impasse sur le sujet. Il y a même eu un dénommé Pasteur qui affirmait que les microbes étaient les responsables des maladies (sic) ! Mais les choses changent. On sait aujourd’hui que lorsque l’on inocule le virus du rhume à quelqu’un, c’est son niveau de stress qui va déterminer la probabilité qu’il développe effectivement un rhume. Des études équivalentes dans tous les domaines de la santé s’accumulent.

Et une fois qu’on sait qu’il y a un lien entre stress et maladie, qu’est-ce qu’on fait ?

Tout d’abord, on tord le cou à deux croyances. La première, c’est que nos émotions ne font que s’opposer à notre raison. La neurobiologie, grâce à des chercheurs comme Antonio Damasio, a montré que « la capacité à ressentir et exprimer des émotions est nécessaire à la mise en œuvre d’un comportement rationnel ». Les émotions sont nécessaires à la vie et à la santé, tout simplement.

La deuxième croyance, c’est que nous ne pouvons rien à nos émotions. Et c’est peut-être pour cela que la médecine les a laissées de côté, du moins officiellement. Peu d’entre nous savent que si les émotions ont du pouvoir sur nous, nous avons aussi du pouvoir sur elles. Si nous en prenons conscience, nous pouvons nous employer à les réguler.

Dans votre ouvrage, vous dites que les émotions négatives (peur, colère, dégoût) sont « d’excellentes urgentistes » mais « de vraies empoisonneuses si on ne parvient pas à les réguler dans le temps ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

Les émotions négatives sont extrêmement utiles… Pour votre survie. Si vous aviez une lésion cérébrale qui vous privait de l’émotion peur, vous prendriez des risques insensés dans votre vie ! La colère vous permet de faire fuir un agresseur, que ce soit physiquement ou psychologiquement, en l’intimidant. Quant au dégoût, il sert à éviter de vous empoisonner ! Transposé dans la psychologie, il vous fait vous détourner des situations « toxiques ».

Les émotions que l’on appelle négatives nous poussent à nous détourner des situations qui nous sont défavorables. Elles nous permettent une action immédiate qui préserve notre intégrité physique ou psychologique. Le problème survient quand une émotion s’installe en décalage avec la réalité du moment. Je prends un exemple de mon livre : Vous êtes dans le métro. Quelqu’un vous frôle avec insistance : un pickpocket ! Aussitôt, vous portez la main à votre poche pour préserver votre portefeuille. Le voleur s’en va… Avant toute pensée, c’est l’émotion peur qui a sauvé votre argent. Jusqu’ici tout va bien, mais si vous vous mettez à penser des choses telles que : « On est en sécurité nulle part », ou « C’est pas vrai, je les attire ! », vous envoyez un nouveau message d’alerte à vos centres émotionnels. Vos émotions sont dès lors décalées du réel et elles vous perturbent au-delà de ce qui est nécessaire pour garder votre portefeuille. Et cette histoire peut durer longtemps ! Si au contraire, vous parvenez à réguler cette émotion, celle-ci va s’apaiser rapidement une fois le danger passé. Il y a des techniques pour cela.

Selon vous, certaines émotions ou sentiments positifs ont des effets « guérisseurs » sur le plan physique et psychologique. Par quels mécanismes ?

À chaque fois que vous ressentez une émotion ou un sentiment, votre cerveau envoie un cocktail chimico-hormonal au cœur et au reste du corps afin qu’ils se comportent en conséquence. Dans le positif, cela donne ceci : Vous êtes touché par un film sur Mère Teresa. Un sentiment de compassion vous gagne. Votre physiologie toute entière témoigne d’un état de relaxation et votre système immunitaire se renforce, ce que l’on peut vérifier par votre taux de lymphocytes T. Vous rencontrez une personne que vous appréciez. Vous vous sentez soudain joyeux. Tous vos paramètres physiologiques s’améliorent : Votre taux d’hormone du stress diminue, votre DHEA augmente, votre tension artérielle baisse, etc. Tout ceci passe par le système nerveux autonome qui envoie en permanence au cœur des messages d’alerte ou de repos par le biais de la branche sympathique (l’accélérateur) et de la branche parasympathique (le frein). Plus souvent vous ressentez des émotions et des sentiments comme la joie, la gratitude, la confiance, le courage, la tendresse, l’émerveillement, le respect, la gaieté, l’amour, etc, plus souvent vous envoyez des messages de bien-être et de santé à votre corps. Une bonne santé mentale et physique à long terme est en grande partie le fruit d’un cumul d’émotions heureuses.

Le néocortex, siège de la pensée
Le néocortex est une zone du cerveau spécifiquement humaine. Il nous permet de comprendre les perceptions sensorielles et ajoute aux sensations ce que nous pensons d’elles. Il juge, évalue et calcule les conséquences de tel ou tel choix et peut mettre en place des stratégies. Il est celui dont nous avons le plus conscience. Le néocortex ne fonctionne pas en circuit fermé : il est relié aux centres émotionnels par de nombreux circuits. Ainsi, la prise de décision, même mûrement réfléchie, appartient aussi aux centres émotionnels. Lorsque deux possibilités s’offrent à nous, les conséquences de l’une ou l’autre sont mesurées par le néocortex, mais la préférence nous vient des émotions. Les émotions traduisent toutes les situations réelles ou virtuelles en termes de « J’aime » ou « Je n’aime pas » et c’est cela qui au final, conduit nos décisions. Le néocortex induit un raffinement de nos émotions nous permettant notamment d’éprouver des sentiments au sujet de nos sentiments !

Comment peut-on « contrôler » nos émotions ou décider d’être « habité » par telle ou telle émotion particulière ? Sur quoi se base votre méthode ?

Dans une large mesure, nous pouvons effectivement décider de nos émotions. Ça va vous sembler tellement simpliste ce que je vais vous dire que j’ai presque peur que vous partiez en courant ! Vous voulez être joyeux ? Pensez à quelque chose de joyeux ! Vous n’êtes pas encore parti ? Donc écoutez la suite car c’est la base théorique de ma méthode. À chaque fois que vous suscitez une émotion par une pensée, vous permettez à votre cerveau d’y revenir plus facilement dès que l’occasion se présentera. C’est un peu comme un nouveau chemin que l’on emprunterait chaque matin pour se rendre au travail. Au début, on le fait parce qu’on y pense et puis au bout de quelques jours, l’itinéraire est inscrit dans le cerveau. L’emprunter devient un réflexe. Avec les émotions qui guérissent, c’est pareil. Si vous vous employez méthodiquement à les développer en pensant à des choses qui vous ouvrent le cœur, et bien, quel que soit votre point de départ, elles deviendront progressivement des traits de plus en plus dominants de votre personnalité. Le cerveau aura tout simplement affecté un plus grand nombre de neurones aux circuits cérébraux responsables des belles émotions ! Et vous constaterez comme les événements de la vie susciteront plus facilement le contentement.

Quelle est votre méthode ?

Ma méthode rassemble et synthétise des pratiques connues par différentes traditions spirituelles et par les sciences cognitives. J’y ai ajouté quelques éléments tirés de ma pratique de coach en cohérence cardiaque qui ont été utiles à des personnes face à certaines difficultés comme par exemple un tempérament anxieux, mélancolique ou irritable. Cette méthode utilise deux entrées.

La première consiste à susciter les émotions reconnues comme favorables à la santé en les évoquant à travers un court texte : une explication, un témoignage, une histoire... J’ai représenté chacune d’entre elles par une marguerite dont le cœur est la gratitude, la foi ou l’amour. Les pétales sont les différentes formes que peut prendre cette émotion dans la vie. L’autre entrée est physiologique : c’est la résonance cardiaque, un état particulier du fonctionnement du cœur que l’on suscite par un exercice respiratoire. Il a pour effet de réguler le système nerveux autonome et les centres émotionnels pendant plusieurs heures.

Le lecteur peut, soit s’imprégner de l’émotion guérisseuse par la lecture, soit réguler ses émotions par la respiration, soit faire les deux à la fois ! S’il cumule les deux, il apporte à son corps un double confort émotionnel ! Le cerveau adore ça et a envie d’y revenir. J’ai écrit ce livre pour aider les gens à reconnaître les belles émotions, à se les rappeler avec bonheur afin de les cultiver et les côtoyer au quotidien.

Vous-même, utilisez-vous cette approche ? Quelle émotion vous fait le plus de bien, a le plus d’effet bénéfique sur vous ?

Oh oui je l’utilise ! Je ne peux plus m’en passer ! Dans l’ensemble, je me rends compte que toutes les émotions qui me donnent le sentiment d’être relié à autrui ou à l’univers me font du bien. Il y a bien sûr le sentiment du partage, celui d’être utile, celui d’être aimé, mais également la reconnaissance, l’émerveillement, la confiance dans mes propres possibilités ou encore en Dieu ou dans l’intelligence de la vie. Et même une certaine forme de tristesse - dans mon cas ce peut être face à la souffrance animale - peut être bénéfique ! Quand nous sommes tristes pour les autres, quelque chose en nous demeure heureux. Ce paradoxe a été mesuré sur un moine bouddhiste : par imagerie cérébrale, on a observé que lorsqu’il ressentait de la tristesse et de la compassion face à la souffrance d’un autre être humain, son cerveau témoignait d’un profond état de relaxation. Quand j’ai eu connaissance de cette expérience, cela a été une révélation ! Depuis, je ne rejette plus systématiquement la tristesse. Je m’efforce plutôt de la rendre altruiste, ce qui m’évite de m‘apitoyer sur moi-même. Cette révélation et bien d’autres, c’est ce que j’ai voulu partager au travers de mon livre.

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