Christian Rémésy : comment sauver notre alimentation

Par Marie-Céline Ray - Journaliste scientifique Publié le 02/04/2024 Mis à jour le 03/04/2024
Point de vue

Ancien directeur de recherche à l’INRAE, Christian Rémésy est l'auteur de Sauvons notre alimentation, un livre qui dénonce les dérives de l’industrie agroalimentaire et des fermes de grande culture, et dans lequel il propose de nouvelles solutions plus favorables à la santé humaine et à celle de la planète.

Au début de cette année 2024, la question agricole se trouve sous les feux de l’actualité. Dans la mesure où ils produisent le contenu de nos assiettes, les difficultés rencontrées par les agriculteurs français nous concernent tous. Mais comment aller vers des pratiques plus durables et plus saines, tout en leur garantissant un revenu décent ? Ces problématiques sont au coeur du livre de Christian Rémésy, Sauvons notre alimentation. Nous l’avons interrogé sur les solutions qu’il propose.

LaNutrition : Pourquoi était-il important pour vous d’écrire ce livre ?

Christian Rémésy : C’était important car je trouve que nous n’avons jamais dénoncé la situation comme je l’ai fait. Finalement la seule conduite possible est de s’en tenir aux vrais aliments, à savoir des aliments bruts ou des aliments qui ont subi des transformations normales et indispensables, comme le pain. D’ailleurs la crise agricole me donne raison : avec les produits transformés, ce sont des industriels ou des commerciaux qui captent une grande partie de la valeur ajoutée. Finalement l’agriculteur reçoit très peu. Pour sauver à la fois l’agriculture et la santé humaine, il faut revenir aux fondamentaux de l’alimentation et faire un ménage important dans les produits transformés.

Comprenez-vous la colère des agriculteurs ?

Les syndicats agrègent des agriculteurs de nature très différente. Or les problèmes d’une ferme de grande culture n’ont rien à voir avec ceux d’une petite ferme d’élevage. L’agriculture industrielle est de moins en moins compétitive au niveau international, que ce soit au Brésil, en Ukraine ou en Russie, avec des fermes de plusieurs milliers d’hectares. La France ne trouvera pas son salut dans l’agriculture industrielle, mais par le maintien d’une agriculture paysanne, qui ne soit pas en compétition avec les agricultures mondiales. La France doit se recentrer sur la défense d’une agriculture paysanne de taille moyenne, qui se consacre à la fourniture d’aliments pour la sécurité alimentaire française. Ceci suppose de mettre un terme à l’agrandissement des grandes fermes.

Mais les agriculteurs gagneront-ils mieux leur vie avec des fermes plus réduites ?

Oui car ils peuvent pratiquer plus d’agroécologie, utiliser moins de pesticides, des matériels moins importants, faire plus de vente directe. Il faut relocaliser au maximum l’agriculture et l’alimentation humaine. C’est un vrai travail de souveraineté alimentaire ! La plupart du temps, quand il y a des manifestations, les grands agriculteurs arrivent à se défendre, ce sont eux qui captent le maximum de subventions de la PAC. Il faudrait que les subventions soient moins consacrées aux surfaces et plus versées en fonction des travailleurs humains.

Dans le livre, vous évoquez la question des protéines animales et végétales et suggérez qu’il faudrait consommer plus de protéines végétales.

Oui, c’est consensuel, mais difficile dans la pratique, car beaucoup de personnes surévaluent la valeur nutritionnelle des produits animaux. Il est tout à fait possible de réduire de moitié la consommation de produits animaux, en payant mieux les producteurs, ce qui serait favorable à des élevages plus écologiques. C’est ce que j’ai appelé dans le livre être « écovégétarien ». C’est vraiment scandaleux que la France ne soit pas plus autonome en fruits et légumes !

La formation des agriculteurs est-elle adaptée aux enjeux du XXIe siècle ?

Il existe un problème de formation et de sensibilisation. On apprend aux agriculteurs des techniques agronomiques modernes, mais aussi l’agroécologie maintenant. Cependant, la nutrition humaine est un peu le parent pauvre. Une partie de la population s’y intéresse, des personnes préoccupées par leur santé. De même que les médecins sont peu formés à la nutrition humaine, comment peut-on produire des aliments sans avoir aucune idée des besoins de l’humain ? Cela paraît étonnant que l’aspect nutritionnel ne soit pas approfondi dans la formation agricole.

Dans certaines régions, les apiculteurs manifestent contre les pesticides néonicotinoïdes. Cette profession subit aussi l’afflux de miel étranger. Que pensez-vous de cette situation ?

Concernant le miel, il existe un problème de concurrence déloyale. Beaucoup de miels étrangers sont trafiqués, ce n’est pas vraiment du vrai miel. En France les apiculteurs concentrent parfois trop leurs ruches dans certains endroits, car les territoires sont limités. Ensuite ils sont obligés de les nourrir avec des sirops de glucose-fructose. On est loin d’avoir une approche vertueuse en matière de miel !

Vous abordez aussi la question de l’éducation alimentaire des enfants. Que faire pour eux ?

À la fin de mon livre, j’ai écrit une lettre à la jeunesse. J’ai des petits-enfants et j’ai proposé la lecture de cette lettre dans le primaire. Si l’expérience est intéressante, je pourrais en écrire plusieurs, pour qu’elles permettent aux instituteurs de parler de ce sujet. Par exemple, sur la question du sucre, beaucoup d’enfants ne sont pas sensibilisés à ce danger qui les guette.

Les étudiants, les jeunes actifs, se nourrissent souvent mal…

Oui, je décris à quel point, petit à petit, on diminue son capital santé en ayant de mauvaises pratiques sur de très longues durées.

Vous proposez aussi le concept de « ferme de vie » regroupant des agriculteurs et d’autres travailleurs sur un même lieu. Serait-ce une sorte d’« habitat partagé » ?

Dans certains territoires ce serait possible. Il existe des initiatives à prendre pour que les campagnes soient plus vivantes, dans l’intérêt de tous !

Pour en savoir plus : Sauvons notre alimentation

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