"Pour la planète et la santé, limitez les produits animaux et mangez bio"

Par Pierre Lombard Publié le 13/06/2016 Mis à jour le 12/07/2017
Point de vue

Le nutritionniste Laurent Chevallier et l'agronome Claude Aubert publient “Alors on mange quoi ?” (Editions Fayard), qui pose les bases d’une alimentation bonne pour la santé et pour la planète. LaNutrition les a rencontrés.

Laurent Chevallier est médecin nutritionniste, praticien attaché au CHU de Montpellier, il dirige le pôle Nutrition de plusieurs cliniques. Il est également le responsable pédagogique du diplôme universitaire de phytothérapie de la faculté de médecine de Montpellier. Il est l’auteur de différents livres. Claude Aubert est ingénieur agronome, pionnier de l'agriculture biologique en France, et l'un des fondateurs de l'éditeur Terre Vivante. Il est l'auteur de nombreux livres sur l'agriculture biologique, l'alimentation saine et les relations entre environnement et santé.

LaNutrition.fr : Un livre co-écrit par un ingénieur agronome et par un médecin nutritionniste, ça peut paraître surprenant. Comment avez vous eu l'idée de travailler ensemble ?

Laurent Chevallier : Je suis tombé par hasard sur les livres de Claude que j'ai trouvé passionnants. C'est en lisant ses livres que je me suis rendu compte qu’il fallait non seulement penser l’alimentation de manière globale et pas seulement d’un point de vue nutritionnel. Ses livres et les rencontres que j'ai eu au cours de ma carrière m'ont fait réaliser que l’enseignement académique en médecine est figé et repose sur des dogmes. En médecine on est quand même très formatés, formatés pour bien respecter une hiérarchie, formatés pour bien respecter la pensée unique, même si c’est en train de bouger. Avec le temps j’ai perdu le “syndrome de la respectabilité”.

 Claude Aubert : Sans mentionner que les pouvoirs publics ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Premier exemple, la recommadation du PNNS “manger 3 produits laitiers par jour” ne repose sur aucune étude scientifique. C’est sans doute parce que le lobby laitier est incroyablement puissant en France. 

Laurent Chevallier : Un autre exemple, il y a quelques jours de cela, les députés européens ont condamné la Commission Européenne pour leur lenteur à définir ce qu’est un perturbateur endocrinien. Cette commission ne respecte même pas ses propres lois, c’est un peu comme si les policiers passaient systématiquement au feu rouge !

Claude Aubert : Exactement, sur la question des perturbateurs endocriniens, cette lenteur est un véritable scandale car elle maintient un flou juridique qui in fine arrange les industriels, au détriment de la santé de la population ! Plusieurs études rapportent une augmentation des malformations dans la population en relation avec les perturbateurs endocriniens, notamment dans la région Rhône-Alpes.

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Notre assiette serait responsable d’environ un tiers des émissions de gaz à effet de serre, l’équivalent d’un peu plus de 1000 litres de pétrole par an. Que conseillez vous à ceux qui veulent réduire cet impact ?

Claude Aubert : Il y a 50 ans, à l'époque où nous avions pas accès à autant d'énergies fossiles, l'alimentation était composée aux deux tiers de protéines d’origines végétales et pour un tiers de protéines d’origine animale; aujourd’hui ces proportions se sont inversées.Il faut donc faire machine arrière, c'est-à-dire diminuer sa consommation d’aliments d’origine animale. Un kilo de viande de boeuf produit environ 100 fois plus qu’un kilo de céréales ! C'est pour cela que diminuer les produits d’origine animale (surtout les viandes rouges comme le boeuf ou l’agneau) constitue un moyen simple de limiter son impact environnemental. Constat d’autant plus étonnant quand on sait qu’on ne manque pas de protéines en France : on en consomme en moyenne 90 grammes par jour par personne alors qu’on a besoin que de 50 à 60 g environ. Il y a également une sorte de croyance irrationnelle qui voudrait que les protéines ne se trouvent que dans les produits animaux (poisson, viande, oeufs, fromage) alors que les céréales, les légumineuses et les légumes sont aussi de bonnes sources de protéines. On peut également noter la réticence du gouvernement à mettre en place un repas végétarien au choix dans les cantines.

Laurent Chevallier : Diminuer la proportion d'aliments d'origine animale, comme notamment les viandes rouges est également très bénéfique pour la santé. De plus en plus d’études rapportent que si ces graisses animales sont mauvaises pour la santé, ce serait en bonne partie à cause de leur richesse en contaminants. Effectivement, la plupart des polluants sont lipophiles, autrement dit, ils ont une affinité pour les graisses et s’accumulent donc dans les graisses animales. C’est pourquoi il vaut mieux limiter la consommation des viandes et morceaux gras et privilégier les viandes et morceaux maigres comme le blanc de poulet. Au passage, on vous conseille de limiter votre consommation de steack hachés industriels à cause des méthodes de fabrication souvent douteuses.

Claude Aubert : Il faudrait également changer l’industrie agro-alimentaire pour refaire place aux circuits courts et les ceintures maraîchères autrefois présentes en périphérie des villes. On vit dans une société qui a oublié son passé, on appelle bio une agriculture qui est en réalité l’agriculture traditionnelle, et on appelle agriculture conventionelle une agriculture non durable qui n’a qu’une cinquantaine d’années. C’est cette agriculture dite conventionnelle, basée massivement sur l’utilisation des pesticides, des engrais, sur des grandes monocultures sans haies, qui est en partie responsable des récentes inondations en île de France. Il est urgent d’accélérer le développement des filières bio en France, non seulement parce qu’on ne produit pas assez pour faire face à la demande de bio des Français, mais également pour avoir des terres qui ne s’apauvrissent pas avec le temps, comme c’est très souvent le cas aujourd’hui en conventionnel.

Vous vantez les bienfaits des légumineuses sur les plans nutritionnel comme agronomique et environnemental. Comment expliquer que les Français en consomment de moins en moins ?

Laurent Chevallier : A la fin de la seconde guerre mondiale, énormément d’enfants étaient anémiés, les médecins recommandaient donc de consommer de la viande tous les jours et de limiter les légumineuses, mal tolérées d’un point de vue digestif (ballonements, flatulences). De plus, les légumineuses avaient une connotation péjorative, elles étaient servies dans les cantines, les armées, ou chez les pauvres qui ne pouvaient se payer de la viande. La viande était un symbole de richesse, ce qui a aussi contribué à l’augmentation de la consommation de produits animaux depuis les années 50.

Claude Aubert : On pourrait ajouter qu’à l’époque on ne savait pas les cuisiner, on en servait des grands plats alors qu’elles ne doivent être apportées qu’en complément. Et c’est bien dommage car sans les légumineuses, une agriculture durable est impossible car ce sont les seules plantes qui permettent de fixer l’azote de l’air, grâce à une symbiose avec un champignon; elles permettent donc d’enrichir le sol en azote atmosphérique, sans ajouter d’engrais de synthèse qui se retrouve souvent dans les nappes phréatiques et les rivières. 

Vous souhaitez également clarifier les choses, notamment à propos des régimes “sans” : sans gluten, sans lactose...

Laurent Chevallier : Un des fonds du problème aujourd’hui, c’est que les gens digèrent mal. Naturellement, les gens cherchent des coupables, et parfois ils se trompent de coupables. On autorise plus de 10 additifs dans le pain, ce sont ces additifs plus les FODMAPS qui ne sont pas bien tolérés, pas le gluten. Quand les gens arrêtent le pain, ils se sentent mieux, mais ceux qui achètent du pain sans gluten voient leur problémes empirer car ce pain est encore plus riche en additifs et émulsifiants pour remplacer le gluten.

Claude Aubert : En revanche, on ne peut pas dire non plus que le gluten est tout blanc, les variétés modernes de blé ont un gluten modifié par rapport aux variétés anciennes sans mentionner que l’industrie agroalimentaire en met absolument partout (pas cher, glue). Mais certains agronomes militent pour diminuer les quantités de gluten, de sel et d’additifs dans le pain mais ne sont que peu écoutés.

Faut-il alors arrêter le pain ? 

Laurent Chevallier : Une solution simple pour continuer à consommer du pain sans problème est d’acheter du pain au levain, mais au vrai levain. Il faut savoir que le pain au levain est un aliment fermenté contrairement au pain conventionnel, qui lève grâce à une levure. Comme de nombreux produits fermentés, il est plus pauvre en acide phytique (sorte “d’anti”nutriment) et va stimuler la croissance des bonnes bactéries dans l’intestin, en plus, il se conserve bien plus longtemps (7 jours) et favorise la mastication.

Lire aussi : Les 3 règles d’or d’une alimentation saine et durable

Vous faites aussi la promotion d’aliments ancestraux comme les aliments fermentés; mais tous les aliments fermentés sont-ils bons pour la santé ?

Laurent Chevallier : Non, le saucisson par exemple est un aliment fermenté mais est à éviter. Le fromage à cause de sa richesse en sel et en acides gras saturés, doit être  consommer avec modération, même s’il a certains avantages nutritionnels comme ses protéines de bonne qualité, sa richesse en vitamine A, D et en calcium. Si l'on veut consommer un produit fermenté laitier, il y a le yaourt,  lui possède les mêmes avantages que les fromages mais sans les inconvénients (pas de sel et peu de gras).

Claude Aubert : En revanche, certains produits fermentés sont bons pour la santé comme la choucroute, très facile à faire, est très saine d’un point de vue nutritionnel, à condition de ne pas avoir la main lourde sur le sel. Avoir de la choucroute maison permet d’avoir un aliment sain à portée de main pendant plusieurs semaines. Evitez de la prendre avec des saucisses. 

Laurent Chevallier : Dans la même famille que le choux (Brassicasées), on trouve également tout un tas de légumes excellents pour la santé, et bien meilleurs que des tomates ou les carottes qui sont gorgées d’eau. De nombreux légumes appartiennent à cette famille comme le broccoli, le chou-fleur, la moutarde, les navets, le chou-rave, le colza, la roquette ou encore les radis.

Un dernier mot ? 

Laurent Chevallier : Essayez de manger le plus "brut" possible et de préparer vos aliments vous mêmes. Car aujourd'hui pour augmenter les bénéfices l'industrie agroalimentaire a recourt à des méthodes souvent douteuses pour fabriquer ses produits. Même le vinaigre balsamique "de Modène" n’est plus du vinaigre, c'est un peu de vinaigre de vin auquel ils ont ajouté un colorant couleur caramel (celui du coca), du sucre et même des conservateurs... Un conservateur pour conserver un conservateur, on aura tout vu !  Il vaut donc mieux prendre du vinaigre de vin que du vinaigre de cidre ou bien faire son vinaigre soi-même. Je suis persuadé que de plus en plus d’études vont être publiées dans le futur et montrer que tous ces additifs modifient la perméabilité intestinale. 

Claude Aubert : Pour la planète et pour votre santé, limitez les produits animaux, et mangez bio le plus possible, surtout si vous êtes enceinte. 

Propos recueillis par Pierre Lombard

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