Compléments multivitaminés : moins de cancers mais autant de maladies cardiovasculaires ?

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 11/11/2012 Mis à jour le 10/03/2017
L'essentiel

L'intérêt des compléments alimentaires multivitaminés pour la santé est encore débattu. Deux études de grande ampleur suggèrent un bénéfice dans la lutte contre le cancer mais aucun bénéfice pour la santé cardiovasculaire.Explications et analyse des résultats.

Une étude inédite

Les résultats d'une nouvelle étude d'une ampleur considérable (la première en son genre) sur l'impact d'une supplémentation en vitamines viennent d'être dévoilés par les chercheurs de l'université de Harvard. Cette étude (Physicians' Health Study II) a suivi 14 641 professionnels de santé américains âgés en moyenne de 64,3 ans pendant environ 11 ans. Les participants ont été tirés au sort pour recevoir un complément alimentaire multivitaminé ou un placébo pendant toute cette période. Les chercheurs ont ensuite observé le risque de cancer et de maladies cardiovasculaires dans les deux groupes.

Ces deux résultats tirés de la même étude sont intéressants compte tenu de l'ampleur sans précédent de cette étude d'intervention. Toutefois il existe certains facteurs dont il faut tenir compte : tout d’abord les participants à cette étude étaient tous des hommes professionnels de santé ayant donc déjà, on le suppose, de bonnes habitudes alimentaires et présentant peu de déficits en vitamines et minéraux. Ce point pourrait expliquer unepartie des résultats exposés plus bas.

 

Les résultats sur la mortalité cardiovasculaire

Du côté des maladies cardiovasculaires la prise de compléments multivitaminés n’a eu aucun effet significatif sur la survenue de l’infarctus, l’accident vasculaire cérébral, l’angor ou l’insuffisance cardiaque.

L’idée qu’une supplémentation en vitamines et minéraux puisse prévenir les maladies cardiovasculaires provient de nombreuses études ayant mis en évidence un lien entre la consommation de fruits et légumes et le risque de maladies cardiaques (1) ou d’accident vasculaire cérébral (2). Plusieurs larges études d’intervention ont donc été menées pour vérifier l’impact d’une supplémentation en vitamines et minéraux. Une étude ayant porté sur 29584 Chinois de la province de Linxian a montré que l’utilisation pendant 5 ans d’un complément alimentaire comprenant en particulier un mélange d’antioxydants (vitamines A, C, E, sélénium) permettait de diminuer le nombre de cancers de 13%. En revanche, aucun bénéfice cardiovasculaire n’avait été constaté (3). Une étude anglaise a testé l’impact d’une supplémentation en antioxydants à fortes doses (vitamine E 600 mg, vitamine C 250 mg et bêta-carotène 20 mg) sur 20 536 individus souffrant de problèmes cardiovasculaires ou de diabète pendant 5 ans. Cette fois, aucun bénéfice n’est constaté, aussi bien sur le plan cardiovasculaire que dans la prévention des cancers (4). Pour finir, dans l’étude Française SU.VI.MAX, qui a porté sur plus de 13 000 adultes, un bénéfice dans la prévention du cancer est constaté chez les hommes mais aucun bénéfice n’est relevé dans la prévention des maladies cardiovasculaires (5). Dans cette dernière étude le complément alimentaire reçu était un mélange de 120 mg de vitamine C, 30 mg de vitamine E, 6 mg de bêta-carotène, 100 µg de sélénium et 20 mg de zinc.

Les résultats sur le risque de cancer

Les personnes qui ont pris le complément alimentaire multivitaminé ont vu leur risque de cancer diminuer de 8% comparativement aux personnes ayant pris le placebo, un résultat modeste mais significatif. Ce sont surtout les personnes qui avaient un cancer au début de l’étude qui ont bénéficié du complément alimentaire avec une diminution du risque d’apparition d’un nouveau cancer.

Par le passé les études d’observation qui se sont penchées sur cette question ont donné des résultats très contrastés, montrant parfois une diminution du risque (6, 7), parfois une absence de bénéfice (8, 9) et parfois une augmentation du risque (10, 11). En revanche les études qui rapportent des résultats positifs ont plusieurs points communs : d’une part le suivi a toujours été de longue durée (au moins 10 ans) et d’autre part les compléments alimentaires utilisés comprenaient un mélange de vitamines et d’oligo-éléments à doses modérées. L’utilisation de quelques vitamines même à fortes doses semble inefficace, y compris pour les mélanges de vitamines B (12). On n'en sait donc finalement encore assez peu sur le lien exact entre les compléments alimentaires multivitaminés et le cancer.

Pour le Pr Balz Frei (directeur de l'institut Linus Pauling, université de l'Oregon) « compte tenu du fait qu'1,6 million de cas de cancers sont diagnostiqués chaque année aux Etats-Unis, cela représente une prévention de 130 000 cancers chaque année et de fait, une réduction des coûts de santé et des souffrances qui les accompagnent.» Et il ajoute : « un complément alimentaire multivitaminé est simplement l'assurance santé la moins chère que quelqu'un puisse s'offrir.» Lire aussi l'interview exclusive de Balz Frei sur les besoins en vitamine C.

En pratique

Voici la composition du complément multivitaminé utilisé dans cette étude :

Ingrédients

Vitamine A 2,500 IU (40% as Beta-Carotene)
Vitamine C 60 mg
Vitamine D 500 IU
Vitamine E 50 UI
Vitamine K 30 µg
Vitamine B1 1.5 mg
Vitamine B2 1.7 mg
Vitamine B3 20 mg
Vitamine B6 3 mg
Vitamine B9 400 µg
Vitamine B12 25 µg
Vitamine B8 30 µg
Vitamine B5 10 mg
Calcium 220 mg
Phosphore 20 mg
Iode 150 µg
Magnesium 50 mg
Zinc 11 mg
Selenium 55 µg
Cuivre 0.5 mg
Manganèse 2.3 mg
Chrome 45 µg
Molybdène 45 µg
Chlorure 72 mg
Potassium 80 mg
Bore 150 µg
Nickel 5 µg
Silice 2 mg
Vanadium 10 µg
Lutéine 250 µg
Lycopène 300 µg

Ce complément alimentaire possède deux caractéristiques importantes : premièrement il n'utilise pas de "méga-doses" comme on peut le voir dans certains produits américains. Deuxièmement ce complément multivitaminé ne contient pas de fer. En effet, de précédentes études ont montré qu'une supplémentation en fer pouvait être rapidement dangereuse pour la santé (Voir notre article "Des vitamines qui augmentent la mortalité ?").

Au niveau de la prévention des maladies cardiovasculaires on peut maintenant affirmer qu’un simple complément alimentaire multivitaminé classique (avec notamment de la vitamine E synthétique, ou de la vitamine E sous la seule forme d'alpha-tocophérol, et de la vitamine B9 synthétique) n’apporte pas de bénéfice significatif, confortant l’idée que ces maladies sont avant tout liées au mode de vie (voir les explications du Dr Michel de Lorgeril, auteur de Prévenir l'infarctus et l'accident vasculaire cérébrale, en cliquant ici). Néanmoins il est possible que d’autres formulations soient bénéfiques comme les mélanges d'isomères naturels de la vitamine E, l’association Coenzyme Q10 et sélénium ou les acides gras oméga-3, les folates (vitamine B9) naturels ou encore le potassium à dose plus élevée que celle apportée par le complément testé dans l'étude Physician's Health Study II.

Concernant la prévention des cancers, ces nouveaux résultats et l’analyse des chercheurs rappellent qu’un complément alimentaire doit être bien formulé, c’est-à-dire contenir un ensemble de nutriments à doses modérées, et pris à long terme pour obtenir un véritable bénéfice. En particulier, les compléments alimentaires qui contiennent du fer et/ou du cuivre peuvent avoir un effet néfaste. Une autre préoccupation est celle de la qualité des vitamines B : fréquemment synthétiques, certaines d’entre elles pourraient devenir dangereuses à fortes doses (Lire "Vitamines : naturelles ou synthétiques ?"). Pour Serge Hercberg, chercheur à l’INSERM à l’origine de la vaste étude Française SU.VI.MAX cette question du dosage est importante et il estime judicieux d’utiliser de faibles doses. Il déclare que « cette publication est l’une des rares, avec l’étude SUVIMAX, montrant que les multivitamines à faible dose possèdent un effet positif modeste ».

Néanmoins, les doses utilisées dans les études et qui ont montré un bénéfice dans la prévention des cancers restent difficiles voire impossibles à obtenir par la simple augmentation de la consommation de fruits et légumes. L’impact des végétaux semble donc distinct de celui des compléments alimentaires.

Pour vous aider à bien choisir un complément alimentaire vous pouvez consulter notre  "Comparatif des compléments alimentaires multivitaminés pour adultes" et les articles suivants :

Références

Gaziano J, Sesso HD, Christen WG, et al. Multivitamins in the Prevention of Cancer in Men: The Physicians' Health Study II Randomized Controlled Trial. JAMA. 2012;():1-10. doi:10.1001/jama.2012.14641.
Sesso HD, Christen WG, Bubes V, et al. Multivitamins in the Prevention of Cardiovascular Disease in Men: The Physicians' Health Study II Randomized Controlled Trial. JAMA. 2012;308(17):1751-1760. doi:10.1001/jama.2012.14805.
(1) Joshipura KJ, Hu FB, Manson JE, et al. The effect of fruit and vegetable intake on risk for coronary heart disease. Ann Intern Med. 2001;134(12):1106-1114.

(2) Joshipura KJ, Ascherio A, Manson JE, et al. Fruit and vegetable intake in relation to risk of ischemic stroke. JAMA. 1999;282(13):1233-1239.
(3) Blot WJ, Li JY, Taylor PR, et al. Nutrition intervention trials in Linxian, China: supplementation with specific vitamin/mineral combinations, cancer incidence, and disease-specific mortality in the general population. J Natl Cancer Inst. 1993;85(18):1483-1492.
(4) Heart Protection Study Collaborative Group.MRC/BHF Heart Protection Study of antioxidant vitamin supplementation in 20,536 high-risk individuals: a randomized placebo-controlled trial. Lancet. 2002;360(9326):23-33.

(5) Hercberg S, Galan P, Preziosi P, et al. The SU.VI.MAX study: a randomized, placebo-controlled trial of the health effects of antioxidant vitamins and minerals. Arch Intern Med. 2004;164(21):2335-2342.
(6) AsgariMM,ChrenMM,Warton EM, Friedman GD, White E. Supplement use and risk of cutaneous squamous cell carcinoma. J Am Acad Dermatol. 2011;65(6):1145-1151.
(7) Kwan ML, Greenlee H, Lee VS, et al. Multivitamin use and breast cancer outcomes in women with earlystage breast cancer: the Life After Cancer Epidemiology study. Breast Cancer Res Treat. 2011;130(1):195-205.

(8) Watkins ML, Erickson JD, Thun MJ,Mulinare J, Heath CW Jr. Multivitamin use and mortality in a large prospective study. Am J Epidemiol. 2000;152(2):149-162.
(9) Neuhouser ML, Wassertheil-Smoller S, Thomson C, et al. Multivitamin use and risk of cancer and cardiovascular disease in the Women’s Health Initiative cohorts. Arch Intern Med. 2009;169(3):294-304.
(10) Larsson SC, Akesson A, Bergkvist L, Wolk A. Multivitamin use and breast cancer incidence in a prospective cohort of Swedish women. Am J Clin Nutr. 2010;91(5):1268-1272.
(11) Arch Intern Med. 2011 Oct 10;171(18):1625-33. Dietary supplements and mortality rate in older women: the Iowa Women's Health Study. Mursu J, Robien K, Harnack LJ, Park K, Jacobs DR Jr.
(12) ClarkeR,HalseyJ,LewingtonS, et al;B-VitaminTreatment Trialists’ Collaboration. Effects of lowering homocysteine levelswithBvitaminsoncardiovascular disease, cancer, and cause-specific mortality: Meta-analysis of 8 randomized trials involving 37 485 individuals. Arch Intern Med. 2010;170(18):1622-1631.

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