Thierry Souccar : "La meilleure façon de manger, c'est respecter 10 piliers métaboliques."

Par Marie-Céline Ray - Journaliste scientifique Publié le 14/06/2023 Mis à jour le 14/06/2023
Point de vue

Thierry Souccar publie avec Angélique Houlbert la 3ème édition de leur best-seller La Meilleure Façon de Manger, ou MFM. Il explique pourquoi ce livre est devenu une référence et donne sa version de l'équilibre alimentaire.

La 3ème édition de La Meilleure Façon de Manger, le guide de référence écrit par Thierry Souccar, fondateur de LaNutrition, et Angélique Houlbert, diététicienne-nutritionniste, est parue. L'occasion d'un tour d'horizon sur la génèse du livre, les concepts qui y sont développés, et la notion d'alimentation saine.

Qu'y a-t-il dans la Meilleure Façon de Manger ou MFM ?

Thierry Souccar : La MFM, c’est le guide de nutrition pratique qu’Angélique Houlbert et moi avons conçu pour répondre à toutes les questions que se pose chaque foyer sur ce qui est bon ou moins bon pour la santé. La MFM explique en détail ce qu’il faut manger pour être en bonne santé, et la science qui sous-tend ces recommandations. Pas de bla-bla, des données scientifiques vulgarisées et illustrées, et surtout des repères pour faire ses courses, concevoir des repas sains pour toute la famille et rester en forme et en bonne santé.

Quelle est la genèse du livre ?

Des milliers de nouvelles études sont publiées chaque mois dans le domaine de l’alimentation et de la santé. Mais la plupart de ces découvertes restent cantonnées dans les revues scientifiques et les congrès. Le grand public n’en profite pas, ou seulement très tardivement, parce qu’il s’écoule dix à vingt ans avant que les nutritionnistes officiels acceptent de les intégrer à leurs recommandations. Alors, avec Angélique Houlbert, qui est diététicienne-nutritionniste, nous avons voulu dès 2008 synthétiser les toutes dernières découvertes en nutrition dans un livre, en les traduisant en conseils concrets. La MFM est le résultat de plusieurs décennies de contacts privilégiés au plus haut niveau de la recherche, de la collaboration de dizaines de biochimistes, d’épidémiologistes, de paléoanthropologues, de nutritionnistes, et de milliers d’heures de travail. Une nouvelle édition a été publiée en 2015, et la 3ème édition vient de paraître en 2023.

La MFM est devenu le guide sur l’alimentation le plus vendu en France. Comment expliquer ce succès ?

Notre objectif a consisté à définir un mode alimentaire protecteur qui puisse convenir à l’ensemble de la population, donc suffisamment souple pour être adopté par des amateurs de viande comme par des végétariens, même s'il existe maintenant l'excellent livre La Meilleure Façon de Manger Végétal. Nous avons traduit des concepts sophistiqués, complexes, en recommandations claires, faciles à appliquer, qui conduisent toute la famille à un meilleur état de santé.

Faut-il connaître la nutrition pour le lire et l’appliquer ?

Non. Nous nous adressons à la fois aux novices, qui n’y connaissent pas grand-chose, et aux plus avertis, qui y trouveront des précisions ou des explications. Beaucoup de médecins prescrivent le livre à leurs patients qui ont des difficultés avec l’alimentation, ou pour lesquels une bonne alimentation permettrait d’éviter des traitements médicamenteux ou des complications. Les gens lisent, comprennent, et appliquent les conseils de la MFM, et les résultats sont souvent rapides.

Quels bénéfices attendre en suivant les conseils du livre ?

La MFM c’est d’abord de la prévention : rester en bonne santé le plus longtemps possible en utilisant à fond le levier de l’alimentation, si possible avec d’autres comme l’exercice, le sommeil, la protection contre le stress. C'est aussi le moyen d'aider à venir à bout du surpoids et de l’obésité, du diabète de type 2, de la fatigue chronique, des inflammations chroniques, des intolérances alimentaires, des troubles de l’immunité, des troubles de l’humeur…

En quoi la MFM diffère-t-elle des recommandations officielles ?

Elle a été d’abord, dès l’origine, plus juste scientifiquement. Lorsque la première édition de la MFM est parue, il y avait de très nombreuses différences avec le discours tenu par les pouvoirs publics. Ceux-ci préconisaient à l’époque une alimentation pauvre en graisses, riche en glucides, qui n’a jamais montré d’efficacité sur les maladies métaboliques. « Croire qu’en mangeant moins gras et moins sucré on sera en meilleure santé, c’est aller au devant de cruelles désillusions, » disait à l’époque le Pr Walter Willett de Harvard.

Quelles autres différences ?

Il y avait aussi dans le discours officiel les vieilles notions surannées de « sucres simples » et « sucres complexes », alors que nous parlions déjà d’index et de charge glycémique. Et bien sûr les affirmations du type « un fruit égale un jus de fruit » que nous considérions comme fantaisistes et néfastes pour la santé, et qui ont d’ailleurs été abandonnées depuis. Les autorités sanitaires nous disaient aussi qu’il fallait consommer 3 à 4 laitages par jour, ce qui n’a jamais été soutenu par la science.

Que s’est-il passé depuis la première édition de la MFM ?

Nos préconisations fondamentales, nos « piliers », n’ont quasiment pas changé, tout simplement parce qu’elles étaient justes dès le début ! Nous les avons précisés ou affinés. En revanche, peu à peu, les pouvoirs publics ont été contraints d’abandonner plusieurs de leurs conseils et se rapprocher peu à peu de la MFM, on l’a vu sur la question des laitages. Les recommandations officielles peuvent encore être améliorées, on le voit avec les insuffisances du Nutri-Score.

Qu’en déduisez-vous ?

D’abord que la science de la nutrition est là depuis longtemps. Il fallait donc bien la lire dès l’origine, et je pense que nous avons fait ce travail sérieusement, aidés de toute l’équipe de LaNutrition et bien sûr de nos contacts chez les chercheurs. Ensuite, nous savons que beaucoup de préconisations « officielles », comme celles sur les produits laitiers qui allaient nous sauver de l’ostéoporose, ont été influencées par les lobbies et les groupes de pression, dont nous étions et sommes totalement indépendants. Ces lobbies sont moins puissants aujourd’hui, ce qui explique que les pouvoirs publics collent plus aux données scientifiques que par le passé.

Quelles différences avec d’autres livres traitant de nutrition ?

La MFM part de la science elle-même, et se veut très précise. Par exemple, très tôt, nous avons évalué les besoins en acides gras et fait la distinction entre les corps gras du quotidien. Nous en déduisons qu’il faudrait avoir 3 huiles chez soi pour cuisiner, et nous disons précisément lesquelles et comment les utiliser. Nous parlons aussi longuement des produits néoformés, potentiellement toxiques qui se forment lors de la cuisson des aliments et donnons des pistes pour les minimiser. On trouve une sélection des meilleurs poissons gras, avec des fréquences de consommation selon qu’on est un enfant, un adulte ou une femme enceinte. Bref, à chaque étape, nous tâchons d’être très précis, avec des repères simples, concrets, applicables au quotidien.

Comment est construit le livre ?

La première partie expose les piliers de la nutrition moderne, ce que nous appelons les 10 grands équilibres métaboliques, et qu’il faudrait respecter. Ce sont au départ des notions de nutrition de pointe, mais très vulgarisées. Par exemple, le concept d’aliment ultra-transformé, que nous avons été les premiers à introduire en 2015 est un marqueur crucial de la qualité alimentaire ; une fois intégré par nos lecteurs, il permet déjà à lui seul de bâtir un socle sur lequel fonder une alimentation préventive ou curative.

La deuxième partie donne les recommandations par macronutriments et par famille d’aliments, que l’on soit omnivore ou végétarien/végétalien. Par exemple, quelle est la place à donner aux lipides, aux glucides, aux protéines ? Faut-il consommer seulement 5 fruits et légumes par jour ? Lesquels ? Si on est omnivore, combien de viande manger par semaine ? Combien d’œufs, de poisson ? Combien de noix et oléagineux et lesquels ? Quelle quantité d’eau faut-il boire et quel type privilégier selon sa santé ? Faut-il prendre des vitamines et des minéraux et si oui, à quelle dose ?

Les 3ème et 4ème parties sont consacrées à la préparation des repas, depuis les listes de courses jusqu’à la composition des menus, recettes comprises.

Quel modèle alimentaire conseilles-tu ?

Celui qui sous-tend la réalisation du livre, fortement inspiré de l’alimentation pré-agricole, avec peu d’aliments ultra-transformés, beaucoup de végétaux et de variété. Mais il n’y a aucun interdit. On peut consommer des laitages avec modération, si on les tolère, et même consommer des aliments très transformés de temps en temps. L’important est de garder une « boussole » nutritionnelle et de ne pas s’écarter trop fréquemment du chemin qu’on s’est fixé.

Comment la nutrition a-t-elle évolué depuis 30 ans ?

J’ai créé la première rubrique de nutrition en 1994 dans Sciences et Avenir. À l’époque, une grande partie du corps médical était réticente à l’idée que l’alimentation pouvait avoir une influence majeure sur la santé. Aujourd’hui, c’est une évidence, et la nutrition est la première discipline des sciences de la vie en termes de densité de publication. Il lui reste à pénétrer le cursus médical, mais nous avons montré ces dernières années que des maladies comme le diabète, le déclin cognitif, les maladies cardiovasculaires, l’ostéoporose… peuvent être inversées par de simples changements de mode de vie. Cela ne peut que passionner les médecins.

Quel est à titre personnel ton régime alimentaire ?

Ayant grandi dans l’Aude, mon enfance est marquée par la cuisine méditerranéenne, et on sait à quel point on est influencé en tant qu’adulte par l’environnement nutritionnel des débuts. J’ai procédé à quelques adaptations au fil du temps et de l’avancement des connaissances, mais le socle n’a guère changé. Notre travail pionnier à LaNutrition sur les aliments ultra-transformés a fait de nous des experts pour décrypter les étiquettes ! Je consomme peu ou pas de fritures, et plus de légumes que de féculents, mais c’est plus par goût que par choix. Je suis devenu en revanche très vigilant sur la qualité d’un aliment comme le pain, suivant en cela les préconisations de l’expert qu’est Christian Rémésy. Idem pour les corps gras ou la place des oléagineux. Je bois assez souvent un verre de vin rouge bio par jour, au repas. Et je prends, comme le conseillent les professeurs Walter Willett et Bruce Ames, un complément de multivitamines-minéraux à titre d’assurance contre des déficits éventuels.  

Pour aller plus loin lire : La meilleure façon de manger

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