Dr Jean-Marie Defossez : comment la respiration peut améliorer la santé

Par Marie-Céline Ray - Journaliste scientifique Publié le 09/01/2024 Mis à jour le 09/01/2024
Point de vue

Docteur en biologie, Jean-Marie Defossez publie La meilleure façon de respirer, un livre où il rassemble toutes les informations scientifiques à connaître pour améliorer sa santé grâce à la respiration.

Jean-Marie Defossez travaille depuis plus de 10 ans sur la respiration, il a exploré de nombreuses pratiques respiratoires traditionnelles. Afin d’échapper personnellement à une fatigue chronique, ses recherches l’ont conduit à développer la « coach-respiration » : une méthode de bien-être moderne et novatrice basée sur une approche scientifique et sensible du fonctionnement du corps.

Dans cet entretien, il explique l'importance de connaître ses paramètres respiratoires et comment la posture, le stress et l'alimentation moderne influencent cette fonction vitale pour le corps.

LaNutrition : Comment avez-vous été amené à vous intéresser au rôle de la respiration dans la santé ? Qu’est-ce que cela vous a apporté personnellement ?

Dr Jean-Marie Defossez : J’ai un doctorat scientifique et ma thèse traitait de physiologie. Les physiologistes n’apprennent pas pour devenir capables de soigner. Leur métier est de chercher et comprendre de manière fine et complète comment fonctionnent les êtres vivants. C’est un domaine fascinant et très intellectuel qui a toujours été pour moi une forme d’évasion par rapport aux réalités plus matérielles du quotidien. C’est mon syndrome de fatigue chronique qui m’a forcé à revenir sur Terre si je puis dire. J’ai erré médicalement pendant plus de quinze ans et aucune des solutions alternatives qui m’ont été proposées ne donnait de solution durable. Et puis un jour, presque par hasard, je me suis rendu compte que si je changeais ma respiration, mes symptômes se modifiaient. J’ai alors décidé de prendre les choses en main et de faire le pont entre ce que la physiologie pouvait m’apporter et ma santé.

Qu’appelez-vous le « souffle d’anniversaire » ?

Ce qui m’a intéressé dès le début, ce fut de déterminer quel était la meilleure façon de respirer. Non pas selon l’avis de telle ou telle méthode ou tradition mais du point de vue de la science. Quelle est la manière de respirer qui permet de vivre le plus longtemps et en bonne santé ? On pourrait penser que l’important est d’avoir un grand volume pulmonaire, ou d’être capable d’inspirer avec force et énergie, ou encore d’avoir un souffle endurant comme recherché par les sportifs, mais pas du tout. Les études scientifiques montrent qu’il n’y a pas de lien entre ces caractéristiques respiratoires et la longévité. Ce qui est extrêmement déterminant en revanche, c’est la capacité à vider les poumons rapidement et efficacement, autrement dit la capacité d’expiration profonde. C’est cette capacité que je surnomme le « souffle d’anniversaire ». Les spécialistes utilisent le terme plus technique de VEM1 (pour Volume Expiratoire Maximal en 1 seconde). Plus votre « souffle d’anniversaire » est conservé par rapport à la normale, plus votre espérance de vie est élevée.

Pourquoi est-il intéressant de connaître son souffle d’anniversaire ?

Toute personne sans maladie apparente, de nature respiratoire ou non, mais dont ce souffle d’anniversaire est faible – c’est-à-dire réduit à moins de 65 % de sa valeur idéale – présente un risque de mort prématurée deux à trois fois plus élevé que la normale. C’est énorme. Ce risque devient cinq à six fois plus élevé si, en plus, la personne fume et/ou souffre déjà de troubles respiratoires.

En d’autres mots, quels que soient l’état de votre cœur, votre niveau d’inflammation ou votre masse corporelle, c’est votre capacité à vider rapidement vos poumons qui détermine votre longévité et votre vitalité au quotidien. Curieusement, malgré cette donnée fondamentale, aucune technique respiratoire n’est centrée sur l’expiration. Je me suis donc intéressé à savoir comment faire en sorte que le corps conserve la meilleure capacité d’expiration possible.

Quelle information nous donne le rythme respiratoire sur la santé d’un individu ?

C’est le second lien entre la respiration et la longévité qui est mis en évidence par les études scientifiques. La corrélation est moins puissante que celle avec le souffle d’anniversaire mais elle est intéressante aussi. Qu’en est-il précisément ? D’abord, oublions l’idée que plus vous respirez lentement et plus vous vivrez longtemps. Je lis parfois qu’en ne respirant que 3 à 4 fois par minute, vous vivriez centenaire à coup sûr. C’est une fable qui ne repose sur aucune donnée scientifique.

Ce qui semble essentiel cependant est d’éviter de respirer trop vite. Les personnes qui ont une respiration spontanément plutôt rapide, je vais dire au-dessus de 16 inspirations-expirations par minute, ont une espérance de vie qui est réduite par rapport à celles qui ont une respiration plutôt autour de 10 à 12 respirations par minute.

Si votre corps respire de façon rapide, c’est qu’il a ses raisons. Il est temps que les diverses approches respiratoires évoluent et orientent leur action sur les causes et non plus juste sur l’effacement des symptômes. Le but à atteindre est que votre inspiration spontanée, sans intervention de votre volonté, revienne dans une plage idéale. D’après les données scientifiques, ce rythme idéal serait autour de 10 inspirations par minute. Pour cela, il est nécessaire d’offrir au corps les conditions qui lui permettront de pouvoir respirer normalement.

Dans ce cas, comment modifier naturellement ce rythme respiratoire ?

Modifier naturellement le rythme respiratoire passe par une attention aux besoins fondamentaux du corps pris dans son entièreté. Cela implique d’agir au moins à trois niveaux : fournir au corps certains mouvements y compris respiratoires, veiller à certaines composantes de l’alimentation et chercher l’apaisement au niveau relationnel.

Concernant les mouvements, la respiration est déformée par les stress. Ces déformations respiratoires entraînent à leur tour des déformations au niveau de la posture. Le corps réagit au stress toujours de la même manière, il réduit notre capacité d’expiration profonde, le fameux « souffle d’anniversaire » évoqué plus haut.

 

 

Une autre source de déformation respiratoire peut être les liens que vous entretenez avec vous-même, les autres et ce qui vous entoure. Si ces liens sont remplis de méfiance, d’angoisse, de colère, à nouveau votre respiration sera déformée. Un travail conscient sur vous-même sera nécessaire.

Le troisième point évoqué et qui est absolument déterminant pour améliorer la respiration spontanée est l’alimentation.

Justement, dans ce livre, vous reliez la respiration à la question de l’équilibre acido-basique du corps, et donc de l’alimentation. Comment ces problématiques sont-elles liées ?

Lorsque l’on songe aux fonctions de la respiration, les premières idées qui viennent à l’esprit sont l’apport d’oxygène au corps et parallèlement une élimination du gaz carbonique. C’est exact, mais ces fonctions sont en réalité secondaires. Cela ne veut pas dire qu’elles ne sont pas vitales, mais figurez-vous qu’il existe une fonction respiratoire qui est encore plus vitale que d’amener de l’oxygène et d’éliminer le gaz carbonique. C’est cette fonction qui va déterminer la manière dont une personne respire à chaque instant. Quelle est-elle ? Il s’agit de maintenir l’acidité du sang à un niveau le plus constant possible. Le maintien de cet équilibre acide base est tellement essentiel qu’il va primer sur tout le reste. Lorsque vous êtes essoufflé à cause d’un effort, c’est bien plus pour maintenir un niveau d’acidité du sang normal que pour apporter de l’oxygène à vos muscles. Dès que l’on respire plus, on élimine plus de gaz carbonique et cela enlève de l’acidité dans le sang.

Et c’est là que l’alimentation peut se montrer déterminante. Indépendamment des apports en calories, la plupart des aliments exposent le corps à une charge acide au niveau des reins. Les alimentations qui génèrent une charge acide rénale élevée (typiquement une alimentation riche en protéines, phosphore et sodium) obligent le corps à compenser en permanence afin d’éviter une acidification du sang. Les reins sont les autres grands acteurs de cette régulation acide base du sang. Mais pour les ajustements rapides et dans tous les cas où les reins commencent à fatiguer, c’est la respiration elle-même qui va se déformer pour compenser. Chacun d’entre nous respire plus ou moins vite, plus ou moins fort, et expire plus ou moins profondément en fonction de ce que nous mangeons. J’ai beaucoup travaillé sur cette question et je suis convaincu que cela ouvre des pistes très intéressantes, notamment pour agir sur le ronflement, voire l’apnée du sommeil.

Vous proposez dans le livre différents exercices de respiration en fonction de l’objectif à atteindre. Avez-vous trouvé votre « inspiration » dans le yoga, le qi gong, la cohérence cardiaque ?

Dans mon livre, je termine par la présentation de sept exercices qui forment une palette complémentaire orientée vers le même but, entretenir, et si possible améliorer au maximum les capacités d’expiration profonde. Bien sûr il existe de nombreuses approches respiratoires remplies de richesse comme le yoga, le qi gong, la cohérence cardiaque. Aucune n’a cependant pour préoccupation centrale de travailler la capacité d’expiration profonde. Les exercices que je propose n’ont pas pour but de remplacer quoi que ce soit, mais de venir en complément. Ces exercices sont des respirations spécifiques combinées à des mouvements, le tout inspiré par des données scientifiques dans le but premier de libérer le geste respiratoire. Ils sont par conséquent d’une grande efficacité.

Quelques minutes de pratique peuvent suffire à changer vos journées. Offrez ce cadeau à votre corps que ce soit à votre réveil, lors de vos pauses au travail, ou avant vos pratiques culturelles ou sportives. Et même pour vous aider à dormir ou digérer.

Pratiquez-vous certains exercices quotidiennement ?

Je pratique chaque jour au moins une fois les sept exercices de base du volet respiratoire de la coach-respiration. En parallèle je prête aussi une attention à mon alimentation. À ce propos, on me dit parfois que j’ai mis en place une « discipline ». Je ne souhaite pas que la coach-respiration devienne une « discipline ». Mon souhait est que le moteur soit une envie profonde qui vienne du corps lui-même exactement comme manger lorsqu’on a faim et boire lorsqu’on a soif. C’est cette envie, cet élan de vie, que je souhaite à chacun.

Pour aller plus loin, lire : La meilleure façon de respirer

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