L’Europe va contrôler ses produits chimiques

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 13/12/2006 Mis à jour le 06/02/2017
Les 25 prennent leurs responsabilités. La nouvelle réglementation « Reach » votée le 13 décembre par le Parlement européen vise à bannir de l’Union les substances chimiques les plus toxiques contenues dans les produits de consommation courante.

De nombreuses molécules chimiques sont présentes dans les produits de consommation courante. Si l’on ne connaît pas l’effet sur la santé de la plupart d’entre elles, leur utilisation n’avait toujours pas été remise en cause de manière officielle jusque là. Mais aujourd’hui, 13 décembre 2006, l'union européenne, en dépit des pressions de l’industrie chimique, s'est dotée d'une législation pour mieux contrôler les produits chimiques.

Cette nouvelle réglementation, qui porte le nom de « Reach », acronyme anglais de Enregistrement, évaluation et autorisation des produits chimiques, sera-t-elle alors la panacée face aux menaces que la chimie peut faire peser sur notre santé ?

Rien n’est moins sûr. En effet, l’on peut se demander si 6 ans d’intenses efforts des lobbies et de tergiversations des politiques n’auront point suffi à contrarier ce projet législatif européen ; sur 100 000 substances incriminées, seules 30 000 devraient être étudiées d’ici 2018 et une forte proportion d’entre elles, du fait de leur faible production annuelle, devrait échapper à tout contrôle. En outre, les molécules déjà considérées comme dangereuses devraient être autorisées s’il est démontré que les risques sont « valablement maîtrisés ».

Si le compromis ainsi établi semble effectivement à l’avantage de l’industrie chimique, peut-être pouvons-nous le saluer dans la mesure où il constitue une première mondiale et que sa médiatisation pourrait conduire tant les industriels que les consommateur à s’interroger sur les dangers potentiels des biens de consommation courante.

Comment Reach fonctionne

Reach entrera en vigueur le 1er juin 2007. Ce ne sera plus à l’Etat de prouver la nocivité d’un produit, mais aux industriels d’en démontrer la sûreté. Une Agence européenne des produits chimiques qui devrait voir le jour cette même année à Helsinki (Finlande), étudiera les demandes d’enregistrement des entreprises et décidera de leur mise sur le marché. Néanmoins, chaque membre devra créer une structure d’évaluation pour effectuer sa part de travail au prorata de sa production ; la France représente 16% de la production européenne.

En outre, la charge financière de l’identification des produits toxiques incombera aux industriels. Ce sont eux qui financeront tous les tests et non plus les autorités publiques comme cela  était jusqu’alors le cas. Cela devrait leur coûter de 2,8 à 5,2 milliards d’euros sur 11 ans, moins de 0,1% de leur chiffre d’affaire annuel qui est de l’ordre de 613 milliards d’euros. Sans compter que la Commission européenne estime à 50 milliards d’euros la « valeur des avantages pour la santé humaine ».

Reach devrait être opérationnel dès 2008, date à partir de laquelle l’enregistrement des substances chimiques se fera dans les 3, 6 ou 12 mois selon le volume de mise sur le marché et l’aspect préoccupant des substances.

Ce qui va changer

Hormis le transfert de charges et de compétences, le plus important à retenir restent les quelques 30 000 substances chimiques importées ou commercialisées en grand volume en Europe (supérieur à 10 tonnes par an et par importateur ou producteur). L’objectif affiché étant d’en contrôler le degré de toxicité tant sur le plan environnemental que sur le plan de la santé publique.

Le problème auquel les autorités doivent aujourd’hui faire face est que l’on manque cruellement de connaissances sur la majeure partie des 100 106 substances actuellement en circulation au sein de l’Union européenne. Or, celles-ci entrent dans la composition des produits de consommation courante sur lesquels pèse aujourd’hui un fort soupçon de dangerosité, en termes d’allergies, de cancers et d’infertilité. A l’heure actuelle, à peine 3 000 substances mises sur la marché depuis 1981 et qui sont soumises à une réglementation européenne quelque peu contraignante sont un peu mieux connues.

Les produits incriminés

Parmi les substances qu’il conviendra de surveiller attentivement se trouvent les phtalates, les retardateurs de flamme braumés (RFB), les muscs et alkyphénols et les organoétains.

Les premiers, qui sont des additifs servant à assouplir les plastiques et fluidifier certains cosmétiques, sont particulièrement présents dans les produits de consommation courante allant des jouets aux semelles de chaussures, en passant par les revêtements de sol, peintures, encre, etc. Ils peuvent être la cause de troubles de la fertilité et de la reproduction ou déclencher des asthmes infantiles.

Les RFB sont présents dans la plupart des appareils électriques et électroniques, les véhicules les éclairages et câblages ou encore dans certains textiles traités comme ceux des canapés ou autres tapis. Ils sont utilisés pour prévenir la combustion ou retarder la propagation du feu. Leurs effets sur l’organisme, d’après des études sur les rats, seraient une perturbation du développement du squelette ou du cerveau spécialement au cours de la gestation.

Les muscs et alkyphénols se retrouvent dans les cosmétiques comme émulsifiants ou sont intégrés dans des produits de nettoyage industriels ou détergents, dans la finition des textiles, cuirs, etc. ils sont accusés, à l’instar des phtalates, d’être des perturbateurs endocriniens.

Enfin, les organoétains sont utilisés comme stabilisateurs face à la lumière ou la chaleur, ou comme additifs, fongicides ou biocides. On les retrouve également dans l’alimentation humaine. Ils sont soupçonnés d’être toxiques pour le système immunitaire et peuvent également perturber le développement des embryons et des testicules.

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