Pour les fumeurs, manger du poisson atténue le risque d'infarctus

Par Juliette Pouyat - Journaliste scientifique Publié le 23/05/2014 Mis à jour le 10/03/2017
Les gros fumeurs qui consomment beaucoup de poissons et fruits de mer ont un risque diminué de 23% d’avoir une maladie coronarienne, par rapport à ceux qui en consomment peu

Alors que la consommation de poissons et fruits de mer est considérée comme protectrice vis-à-vis des maladies coronariennes, le fait de fumer est, quant à lui, un facteur de risque. Est-ce que l’action bénéfique du premier peut atténuer les « dégats » du second ? A en croire une étude réalisée au Japon et parue dans l’American Journal of Epidemiology, la réponse est oui !

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Plusieurs observations ont été faites sur la population japonaise : une consommation élevée de poissons et fruits de mer, une proportion de fumeurs importante notamment chez les hommes et pourtant une prévalence de maladies coronariennes peu élevée. Quel rôle joue alors la consommation de poissons dans la diminution du risque coronarien, qui plus est chez les fumeurs ? C’est à cette question que les auteurs de l’étude ont tenté de répondre.

Pour cela, 72 012 hommes et femmes japonais âgés de de 45 à 74 ans et faisant partie de la Japan Public Health Centre-based Prospective Study on Cancer and Cardiovascular Disease (JPHC Study) ont renseigné deux questionnaires alimentaires à 5 ans d’intervalle dans la période 1995-2009. Parmi les 147 questions, 19 portaient sur la consommation des fruits de mer et du poisson. Parmi les participants, 41% des hommes étaient des fumeurs, et seulement 4% des femmes, des fumeuses.

Pendant le suivi, 584 cas de maladies coronariennes ont été relevés (101 fatals et 483 non-fatals) dont 516 cas d’infarctus du myocarde.

Les résultats montrent qu’il y a une association dose-réponse évidente entre le tabagisme et le risque de maladies coronariennes lorsque la consommation de poisson/fruits de mer est faible (<86g/jour), mais pas lorsque la consommation de poisson/fruits de mer est élevée (>86g/jour), celle-ci permettant d’atténuer l’association entre tabac et risque coronarien.

Les fumeurs ont été classés en trois groupes : légers (1 à 19 cigarettes par jour), modérés (20 à 29 cigarettes par jour) et gros fumeurs (plus de 30 cigarettes par jour). Chez les participants fumeurs qui consomment peu de poissons et fruits de mer, le risque de maladies coronariennes est multiplié par 2,39 pour les fumeurs légers, 2,74 pour les fumeurs modérés et 3,24 pour les gros fumeurs par rapport à des non-fumeurs. En revanche, pour les participants fumeurs qui consomment beaucoup de poissons et fruits de mer, le risque de maladies coronariennes diminue dans les trois groupes de fumeurs, sans atteindre cependant le risque plus faible du groupe non-fumeurs. Pour les fumeurs légers, la consommation élevée de poissons permet presque « d’annuler » le risque induit par le tabac.

Les non-fumeurs et les anciens fumeurs ont un risque beaucoup plus faible de maladies coronariennes et celui-ci n’est pas modifié par une consommation élevée de poissons et fruits de mer.

La présence d’acides gras dans le poisson, notamment celle des acides gras oméga-3 (EPA, DHA) qui pourrait contrebalancer les lésions endothéliales causées par le tabac est une des explications avancées quant à l’effet bénéfique de la consommation de poisson sur le risque coronarien des fumeurs.

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Bien entendu, les auteurs soulignent que le meilleur moyen de diminuer le risque de maladies coronariennes est l’arrêt du tabac. Mais pour ceux qui ont des difficultés à stopper la cigarette, consommer beaucoup de poissons et fruits de mer pourrait être perçu comme une alternative « santé », un moindre mal. Il faut cependant garder à l'esprit qu'il s'agit d'études d'observation décrivant une association, pas forcément une relation de cause à effet.

Source

E. S. Eshak, H. Iso*, K. Yamagishi, Y. Kokubo, I. Saito, H. Yatsuya, N. Sawada, M. Inoue, and S. Tsugane for the JPHC Study Group. Modification of the Excess Risk of Coronary Heart Disease Due to Smoking by Seafood/Fish Intake. Am J Epidemiol. 2014;179(10):1173–1181

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