Triple infanticide en Savoie : Qui sont ces mères qui tuent leur enfant ?

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 06/11/2006 Mis à jour le 06/02/2017
L’actualité est là pour nous rappeler que si l’amour d’une mère pour son enfant est la règle dans l’espèce humaine, il arrive qu’une mère élimine l’enfant qu’elle a mis au monde.La psychiatrie tente d’esquisser le profil de ces mamans infanticides : sont-elles malades ou victimes des circonstances ? Le point à partir des études disponibles.

Après les "affaires" Véronique Courjault et Aline Lelièvre, un nouveau cas d'infanticide fait la une des journaux depuis le 23 août. La découverte des corps de trois bébés dans des caisses plastiques au domicile des parents en Savoie relance le débat sur les mères infancticides. Une analyse récente de 39 études conduites dans plusieurs pays (dont 13 études aux Etats-Unis) permet d’esquisser un portrait de ces mères, en fonction de l’âge de la mort de l’enfant. Les chercheurs distinguent ainsi les néonaticides (l’enfant est tué le jour de sa naissance), de l’infanticide (décès avant le premier anniversaire) et du filicide (décès après le premier anniversaire). En effet, il existe des différences chez les mères selon le moment où elles donnent la mort à leur enfant.

Une réalité mal connue
Les chiffres de l’infanticide en France sont peu connus. Selon des statistiques américaines, l’homicide est la quatrième cause de décès d’un enfant de moins de 4 ans et la troisième chez les 5-14 ans. Mais les USA ont le taux le plus élevé d’homicide chez l’enfant : 8 cas pour 100 000 enfants de moins d’un an, 2,5 pour 100 000 enfants de 1 à 4 ans, 1,5 pour 100 000 enfants de 5 à 14 ans. Au Canada, en revanche, les taux sont deux fois moins élevés. Toujours selon des sources américaines, 61% des enfants de moins de 5 ans ont été tués par leurs parents : 30% par leur mère, 31% par leur père. (2)

Néonaticide

Selon des données administratives américaines dans plusieurs pays, les mères qui tuent leur nouveau-né sont plus souvent des femmes seules, elles ont en moyenne 17 à 19 ans, un statut socio-économique bas et résident avec leurs parents ou des parents proches. Beaucoup ont dissimulé leur grossesse, peu ont eu accès à un conseil ou un soutien prénatal. Les études conduites dans d’autres pays dressent un portrait similaire. Une étude japonaise révèle que ces mamans meurtrières ont en moyenne 22 ans, qu’elles ne souffraient pas de troubles mentaux, qu’elles sont célibataires, illettrées et qu’il s’agissait de leur premier enfant. L’une des raisons évoquées pour expliquer leur geste est la pauvreté.

Infanticide

Plusieurs études montrent que les mères qui tuent leur enfant dans la première année de la vie sont âgées de 20 ans en moyenne. Beaucoup sont sans emploi et une grande partie souffre de troubles psychiatriques. Selon une étude japonaise, il y avait une fréquence élevée de malformations parmi les enfants victimes. Une étude américaine associe l’infanticide à un stress économique (manque d’argent).

Filicide

Deux études américaines ont documenté le profil-type de la mère filicide : elles sont souvent issues d’un milieu défavorisé, sont isolées socialement et ont pu être elles-mêmes victimes d’abus domestique. Certaines se droguaient. Parmi les mères criminelles, celles qui ont planifié la mort de leur enfant souffraient le plus souvent de troubles mentaux dans un contexte d’échec relationnel et de « dévotion » pour leur enfant. La plupart de ces mères sont mariées, sans emploi, abusent de l’alcool et ont été victimes de violence domestique.

Les études conduites dans d’autres pays que les Etats-Unis laissent penser que ces mères souffrent de maladie mentale (psychose, dépression suicidaire). Dans certains cas, elles ont été victimes d’abus lorsqu’elles étaient petites, ou ont eu à subir la violence dans leur foyer. La plupart manquent de ressources financières.

L’analyse

Selon les études dont on dispose, les mères qui tuent leur enfant appartiennent à un milieu défavorisé, elles n’ont souvent aucune prise sur leur existence et sur les événements et leur vie est faite de frustrations. Il s’agit le plus souvent de femmes jeunes, pauvres, peu éduquées.

Cela dit, dans chaque pays, des dizaines voire des centaines de milliers de femmes correspondent à ce portrait sans pour autant tuer leur enfant. Et les données actuelles ne permettent pas de dire lesquelles de ces mères jeunes, pauvres et peu éduquées pourraient éliminer un enfant. Malgré tout émergent quelques traits caractéristiques comme le fait d’avoir dissimulé une grossesse. Ce comportement peut signaler un risque d’infanticide, mais il est par définition difficile de l’identifier pour faire de la prévention. De même les mères qui n’ont pas manifesté d’intérêt pour les soins prénataux pourraient aussi constituer une population à risque.

Si l’on peut brosser à grands traits un portrait de la mère qui tue son enfant avant son premier anniversaire, c’est beaucoup plus compliqué pour les mères filicides qui tuent un enfant plus âgé. Là dominent des profils perturbés, psychotiques et dépressifs.

(1) Hatters Friedman S, Hrouda DR, Holden CE, et al: Filicide-suicide: common factors in parents who kill their children and themselves. J Am Acad Psychiatry Law 33:496–504, 2005.

(2)   US Department of Justice: Homicide Trends in the United States: Infanticide. 2001.

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