Idée reçue n°4 « Une alimentation variée et équilibrée couvre tous nos besoins »

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 20/05/2008 Mis à jour le 01/03/2017
Manger varié et équilibré suffit-il à éviter tout risque de carence ?La réponse est non

L’idée que l’alimentation ne couvre pas les besoins en nutriments essentiels d’une partie importante de la population est insupportable à de nombreux médecins, et inconcevables par les responsables politiques et les hauts fonctionnaires. La réglementation française impose d’ailleurs aux fabricants de compléments alimentaires de dire que « seule une alimentation variée et équilibrée est susceptible de couvrir les besoins quotidiens. »

Bizarrement, aucune des enquêtes conduites depuis 20 ans n’a réussi à prouver que l’alimentation des Français les met à l’abri de déficits micronutritionnels. Les chercheurs considèrent qu’une personne dont l’alimentation ne couvre pas les deux tiers des apports conseillés en micronutriments court un risque élevé de déficit. Selon des enquêtes françaises récentes, c’est le cas de 38% des femmes et 18,7% des hommes pour la vitamine E, 27% des femmes et 17% des hommes pour la vitamine C, 23% des femmes et 18% des hommes pour le magnésium, 57 à 79% des femmes et 25 à 50% des hommes pour le zinc… Pour le minéral-clé qu’est le sélénium, la consommation moyenne en France ne correspond qu’à 60% des apports conseillés. Enfin, 75% des adultes vivant en ville manquent en hiver de vitamine D.

D’un côté, on continue de clamer qu’une alimentation équilibrée et variée couvre les besoins en vitamines et minéraux, de l’autre on entérine dans les faits la situation de déficit nutritionnel dans laquelle se trouvent les Français, en donnant des suppléments de vitamines D et K aux nouveaux-nés, des suppléments de vitamines B9 et de fer aux femmes enceintes, des suppléments de fluor aux enfants, des suppléments d’iode à toute la population (par l’enrichissement du sel), des suppléments de vitamine D et de calcium aux plus de 60 ans, etc.

« J’ai le sentiment, dit à juste titre le Pr Pr Jeffrey Blumberg que la France a un problème avec la nutrition : de très nombreux responsables, de très nombreux médecins ne veulent pas admettre que l’alimentation française n’est pas parfaite. »

La France a un problème avec la nutrition

Aux Etats-Unis, comme dans d’autres pays, on l’a depuis longtemps admis. Des suppléments sont ajoutés depuis 1970 aux aliments de base. Ce sont actuellement les vitamines B1, B3, B6, B9, le fer, l’iode, et les vitamines A et D. En 1992, le Service de santé publique des Etats-Unis a recommandé que toutes les femmes en âge d’avoir des enfants reçoivent 400 μg de vitamine B9 par jour. En 1996, la FDA a autorisé les fabricants d’aliments et de suppléments riches en acide folique à faire état de la prévention des malformations du foetus par la consommation de ces aliments et de ces suppléments. Depuis janvier 1998, la FDA a mis en place un programme d’enrichissement en vitamine B9 des céréales, du pain et des pâtes, vendus sur le territoire américain.

En 1992, le Royaume-Uni a recommandé que toutes les femmes qui « envisagent une grossesse mangent plus d’aliments riches en folates [vitamine B9] et prennent un complément quotidien apportant 400 μg d’acide folique. »

Cette stratégie de complémentation des aliments de base a des implications importantes en terme de santé publique, puisque 25% des nutriments-clés ingérés par les Américains sont apportés par le seul enrichissement des aliments. La complémentation contribue donc de façon conséquente à l’équilibre nutritionnel de la population. « S’il était éliminé, a calculé le Pr Paul Lachance (Rutgers University, New Brunswick, New Jersey), des cas de malnutrition apparaîtraient, même dans des pays industrialisés comme les Etats-Unis. »

En 1999, un chercheur du Conservatoire National des Arts et Métiers, Nicole Darmon, a fait appel à la programmation linéaire pour déterminer le type d’alimentation que les Françaises et les Français doivent adopter pour obtenir vitamines et minéraux aux quantités fixées par les apports nutritionnels conseillés (ANC). Sa conclusion : il est impossible de recevoir ces doses optimales de vitamines et de minéraux sauf à consommer des aliments, comme les abats, qui sont dédaignés par plus de 70% de la population. La couverture des besoins est particulièrement difficile pour les vitamines B1, B6, E et D. Côté minéraux, les apports en magnésium, fer, zinc, cuivre sont problématiques. Un exemple ? Pour atteindre les ANC, une femme adulte devrait consommer chaque jour 1,25 kg de fruits et légumes frais.

Y'a-t-il encore des vitamines dans les fruits et légumes

De surcroît, il existe aujourd’hui de sérieux doutes sur la teneur réelle en vitamines et minéraux des fruits et légumes du commerce. Selon une enquête publiée en 2006 en Grande-Bretagne, sur 27 variétés de légumes, leur teneur moyenne en potassium aurait baissé de 16% entre 1940 et 1991 ; en magnésium de 24% ; en calcium de 46% ; en fer de 27% ; en cuivre de 76%. Pour les 17 variétés de fruits étudiées, les baisses moyennes atteindraient 19% pour le potassium, 16% pour le magnésium, 16% pour le calcium, 24% pour le fer, 20% pour le cuivre.

Une enquête du même type conduite aux Etats-Unis a trouvé qu’entre 1975 et 2001, les fruits et légumes avaient pour la plupart vu leur teneur en vitamines et minéraux chuter. Les épinards auraient perdu 45% de leur vitamine C, le maïs 33% de son calcium, le chou-fleur la moitié de sa vitamine B1, l’ananas, les deux-tiers de son calcium pour ne citer que quelques exemples.

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