Denis Stora : ''Avec les médicaments génériques, les économies sont réelles''

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 19/04/2006 Mis à jour le 21/11/2017
Denis Stora est un pharmacien qui connaît les médicaments sur le bout des doigts. Après avoir écrit plusieurs ouvrages à l’intention des préparateurs en pharmacie et des infirmiers, il publie, aux éditions Odile Jacob, un dictionnaire des médicaments génériques. Loin de favoriser l’automédication, ce livre doit permettre à chacun de mieux connaître les médicaments génériques et donc de mieux les utiliser. Interview.

Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est un médicament générique ?

Un générique est une copie conforme en substance active, en dose et en forme d’un médicament original dont la licence de fabrication est tombée dans le domaine public.

Dès qu’un laboratoire pharmaceutique découvre une substance active, il la protège par un brevet qui lui en assure l’exclusivité. Au bout de 18 ans, tout laboratoire peut fabriquer un médicament dès qu’il n’est plus protégé. C’es comme cela que naissent les génériques.

Ces médicaments présentent les mêmes garanties de sécurité que les médicaments de référence. Ils ne doivent pas être perçus comme des médicaments au rabais et de second rang, car ils ont exactement la même efficacité.

Une des conditions pour qu’un générique existe est que ce dernier soit moins cher que le médicament de référence.

A noter également que le générique porte le nom de la substance active qu’il contient, suivi du dosage et du nom du labo qui le commercialise. Mais parfois, certains génériques portent un nom de marque. Dans ce cas, ils sont obligatoirement suivis du sigle Gé (comme générique…).

Qu’est qu’un excipient ? Peut-il être nocif pour la santé ?

Les excipients sont des substances inertes qui, associées à la substance active, donne la forme au médicament. La plupart du temps, générique et médicament d’origine sont identiques. Mais un générique peut être, par exemple, d’une autre couleur. Seul impératif pour le générique : que la quantité de substance active retrouvée dans l’organisme soit identique avec celle présente dans le médicament de départ. Le générique peut être différent sans pour autant que cela modifie son efficacité attendue et prouvée.

Les excipients à effet notoire nécessitent évidemment des précautions d’emploi. Néanmoins, ces excipients sont également présents dans la plupart des médicaments de référence. Il n’y a donc pas plus de risques avec les génériques qu’avec les médicaments d’origine… Les patients peuvent donc être rassurés. 

                       

Comment est perçue aujourd’hui la présence des génériques sur le marché du médicament ?

Il existe deux types de personnes : ceux qui acceptent les génériques quand on leur dit « sécurité sociale » et « économie ». Ce sont généralement les jeunes qui ont compris quelles étaient les réalités économiques aujourd’hui…

De l’autre côté, on retrouve souvent des personnes un peu plus âgées. Elles prennent le même médicament depuis longtemps, il est efficace et elles ne veulent pas le changer. Il faut pour elles introduire progressivement les génériques. Et cela va venir petit à petit.

Depuis quand existent les génériques ?

Depuis les années 70 environ… Dans les hôpitaux, cela fait longtemps que l’on en utilise. Et que l’on fait des économies. Ce ne sont toutefois pas des soins au rabais…

Quelles économies faut-il attendre des médicaments génériques ?

Je n’ai pas de chiffre précis mais les économies sont réelles, c’est sûr. Prenons un exemple : un médicament est actuellement vendu à 2,5 euros en pharmacie. Un produit exactement identique, vendu sous le nom de générique, ne coûte que 1,5 euros. Si un client choisit ce dernier, il y a alors un euro qui ne sera pas dépensé par la sécurité sociale. C’est une réalité.

Pour parler de façon plus large, voici d’autres chiffres : au départ, un générique arrive sur le marché avec un coût inférieur de 25 à 30% par rapport au médicament de marque. Voyant son chiffre d’affaire baisser, le laboratoire du médicament d’origine a tendance à baisser son prix. Finalement la différence entre les deux médicaments est d’environ 10%. Les prix baissent, tout le monde est gagnant et l’argent économisé avec les génériques permet par exemple de favoriser la recherche.

Y-a-t-il des médicaments classiques qui n’existent pas sous forme de médicaments génériques ?

Il existe encore beaucoup de médicaments qui n’ont pas l’âge d’être « génériquables ». En pratique, près de 70% des substances actives ou molécules existantes sont susceptibles de donner lieu à un générique.

Si un médicament a survécu 18 ans sur le marché, c’est qu’il est efficace. Et qu’il mérite d’exister sous la forme d’un générique…

Est-ce qu’un pharmacien peut obliger un client à acheter un générique ?

Non, absolument pas. Le médecin n’est pas obligé de prescrire un générique mais le pharmacien a droit de substitution, c’est-à-dire qu’il a la possibilité de substituer des médicaments génériques entre eux ou un médicament générique à un médicament de référence. Tout cela avec l’accord du patient. Quand je travaille en officine, je préviens toujours le client et ma phrase fétiche est : « est-ce que je peux vous mettre un générique ? »…

Qu’en est-il des génériques dans les autres pays européens ?

40% des médicaments vendus en Europe sont des génériques. En France, on atteint péniblement les 20%. Ici, on a la culture de la marque à la Française. On doit donc changer nos habitudes mais ce n’est rien du tout. Je suis persuadé que cela va venir. On va suivre le rythme donné par nos voisins européens.

Que pensez-vous de la tarification forfaitaire de remboursement (TFR) qui fait finalement payer aux consommateurs la différence de prix qui existe entre un médicament et son générique ?

Si le patient souhaite prendre le médicament le plus cher, il doit payer. Il existe 70 médicaments qui ont été soumis par la Sécurité sociale à une tarification forfaitaire de remboursement basée sur le prix du générique. Généralement, quand on précise au client qu’il doit donner de sa poche, il préfère prendre le médicament générique. Je pense toutefois que les choses doivent avancer doucement et les mentalités évoluer progressivement. Laissons les génériques vivre leur vie !

N’avez-vous pas peur que votre livre incite à l’automédication ?

Surtout pas !!! C’est un guide pratique, c’est-à-dire qu’il donne des informations permettant l’utilisation des génériques en toute sécurité.

En plus du nom, on trouve à quoi servent les médicaments. J’ai tenté de fournir dans ce guide des informations simples pour le grand public mais tout de même proches de la réalité scientifique. Il y a aussi la posologie qui est indiquée mais seulement pour les médicaments en vente libre.

Le but de ce livre est de protéger les génériques et de permettre aux lecteurs de se servir de ces médicaments le mieux possible.

Quel avenir pour les génériques ?

Il est à mon avis très bon ! La France va rattraper son retard et retrouver les autres pays européens. Je ne me fais aucun soucis… La graine est plantée, on l’a déjà bien arrosée. Elle ne va pas tarder à pousser et à donner ses fruits. Nous n’aurons plus qu’à les récolter…

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