Dans le Guide du chasseur-cueilleur égaré au 21ème siècle, Heather Heying et Bret Weinstein examinent notre vie moderne avec leur regard de biologistes de l’évolution. Une lecture stimulante et provocante. Entretien avec les auteurs.

Pascal Picq est maître de conférences au Laboratoire de paléoanthropologie et préhistoire du Collège de France (Paris). Il raconte comment, dès l’origine, l’alimentation a façonné l’évolution de l’homme.
Pascal Picq : Si l’on se réfère aux singes, on voit que l’équation à résoudre, c’est l’accès aux protéines. Les petits singes les trouvent dans les insectes, les gros dans les feuilles. Les gorilles ne sont pas chasseurs. Leur intestin s’est développé pour favoriser la fermentation des feuilles qu’ils consomment. Les Orang-outangs chassent occasionnellement. Les chimpanzés sont d’extraordinaires chasseurs. Ils sont responsables de la disparition de 20% des singes qui vivent autour d’eux. La viande est pour eux un plaisir, et elle se digère facilement. En saison sèche en Côte d’Ivoire, ils en font même une ressource indispensable. Le chimpanzé est un végétarien à tendance omnivore. Comme il est plus proche de nous, on pense que la capacité de chasser existe depuis fort longtemps.
Acun primate ne synthétise de vitamine C. Il y a 55 millions d’années, les espèces que vous citez appartenaient, avec les écureuils volants et les musaraignes arboricoles au même groupe. Pendant 20 millions d’années, elles se sont épanouies dans un univers d’arbres fruitiers. Un environnement si riche en vitamine C, que leurs descendants ont abandonné le fardeau métabolique d’en assurer la synthèse. De cette époque date aussi probablement notre goût inné pour le sucré.
Les australopithèques comme Lucy ont des mâchoires démentes, qui leur servent à broyer des aliments végétaux comme les noix, les tubercules, les racines. On a longtemps cru qu’ils étaient spécialisés, mais les études sur traces isotopiques révèlent qu’il étaient omnivores. Quand ils pouvaient bouffer des antilopes, ils ne se gênaient pas. Après eux, arrivent les premiers hommes, il y a 2,5 millions d’années. Ils ne savent ni ne peuvent atteindre de gros animaux : l’accès à la viande se fait sur les carcasses.
Oui, il y a à l’époque abondance de carcasses en raison du grand nombre de grands carnivores. Mais dans une savane découverte, la viande se décompose vite. En revanche, elle se conserve plusieurs jours dans la savane arborée ou près de l’eau. L’homme vivait là. Avec son silex tranchoir, Homo abilis peut accéder à la moëlle, la cervelle, découper la langue. C’est ainsi que la viande entre dans la stratégie alimentaire.
Leslie Aiello, un chercheur britannique a émis l’hypothèse que la consommation accrue de viande a pu favoriser le développement du cerveau humain. La digestion fait peser un coût métabolique important sur l’organisme et le cerveau est gourmand en glucose. A partir du moment où les hommes se sont mis à consommer de la viande, dont la digestion est aisée, la charge métabolique qui pesait sur l’intestin a pu être dédiée au développement d’un gros cerveau.
Il n’y a pas que cela. Prenez le cas du feu. Les premiers foyers datent de – 500 000 ans, mais on utilisait le feu bien avant. Selon une hypothèse récente, la cuisson aurait favorisé l’encéphalisation. La cuisson de la viande ne modifie guère sa digestion par l’organisme. En revanche, elle rend les nutriments des végétaux plus disponibles. En faisant cuire les légumes, les racines, nos ancêtres auraient permis au cerveau d’accéder plus facilement et de manière plus importante à des molécules importantes pour son développement.
Selon la latitude et la période, les chasseurs-cueilleurs de cette période n’ont pas accès aux mêmes ressources. Près des Tropiques, la nourriture est probablement aux deux-tiers végétale. Plus la latitude augmente, plus la nourriture carnée domine. L’exemple extrême est donné par les Inuits, qui mangent essentiellement de la viande et des graisses : phoque, poissons…
Il préfigure indubitablement l’homme moderne. Il est plus robuste, et tout aussi grand que les générations actuelles. En fait, plus grand que l’homme du Moyen-Age. Il faudra attendre l’après-guerre pour voir la taille revenir à ce qu’elle était au Paléolithique.
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