Le Pr Walter Willett (Harvard) est considéré comme le plus éminent nutritionniste au monde. Dans cet entretien, il revient sur sa carrière et sur le pouvoir de l'alimentation pour prévenir les maladies.

Si l’on se réfère aux singes, on voit que l’équation à résoudre, c’est l’accès aux protéines. Les petits singes les trouvent dans les insectes, les gros dans les feuilles. Les gorilles ne sont pas chasseurs. Leur intestin s’est développé pour favoriser la fermentation des feuilles qu’ils consomment. Les Orang-outang chassent occasionnellement. Les chimpanzés sont d’extraordinaires chasseurs. Ils sont responsables de la disparition de 20% des singes qui vivent autour d’eux. La viande est pour eux un plaisir, et elle se digère facilement. En saison sèche en Côte d’Ivoire, ils en font même une ressource indispensable. Le chimpanzé est un végétarien à tendance omnivore. Comme il est plus proche de nous, on pense que la capacité de chasser existe depuis fort longtemps.
Aucun primate ne synthétise de vitamine C. Il y a 55 millions d’années, les espèces que vous citez appartenaient, avec les écureuils volants et les musaraignes arboricoles au même groupe. Pendant 20 millions d’années, elles se sont épanouies dans un univers d’arbres fruitiers. Un environnement si riche en vitamine C, que leurs descendants ont abandonné le fardeau métabolique d’en assurer la synthèse. De cette époque date aussi probablement notre goût inné pour le sucré.
Les australopithèques comme Lucy ont des mâchoires démentes, qui leur servent à broyer des aliments végétaux comme les noix, les tubercules, les racines. On a longtemps cru qu’ils étaient spécialisés, mais les études sur traces isotopiques révèlent qu’il étaient omnivores. Quand ils pouvaient bouffer des antilopes, ils ne se gênaient pas. Après eux, arrivent les premiers hommes, il y a 2,5 millions d’années. Ils ne savent ni ne peuvent atteindre de gros animaux : l’accès à la viande se fait sur les carcasses.
Oui, il y a à l’époque abondance de carcasses en raison du grand nombre de grands carnivores. Mais dans une savane découverte, la viande se décompose vite. En revanche, elle se conserve plusieurs jours dans la savane arborée ou près de l’eau. L’homme vivait là. Avec son silex tranchoir, Homo abilis peut accéder à la moëlle, la cervelle, découper la langue. C’est ainsi que la viande entre dans la stratégie alimentaire.
Leslie Aiello, un chercheur britannique a émis l’hypothèse que la consommation accrue de viande a pu favoriser le développement du cerveau humain. La digestion fait peser un coût métabolique important sur l’organisme et le cerveau est gourmand en glucose. A partir du moment où les hommes se sont mis à consommer de la viande, dont la digestion est aisée, la charge métabolique qui pesait sur l’intestin a pu être dédiée au développement d’un gros cerveau.
Il n’y a pas que cela. Prenez le cas du feu. Les premiers foyers datent de – 500 000 ans, mais on utilisait le feu bien avant. Selon une hypothèse récente, la cuisson aurait favorisé l’encéphalisation. La cuisson de la viande ne modifie guère sa digestion par l’organisme. En revanche, elle rend les nutriments des végétaux plus disponibles. En faisant cuire les légumes, les racines, nos ancêtres auraient permis au cerveau d’accéder plus facilement et de manière plus importante à des molécules importantes pour son développement.
Selon la latitude et la période, les chasseurs-cueilleurs de cette période n’ont pas accès aux mêmes ressources. Près des Tropiques, la nourriture est probablement aux deux-tiers végétale. Plus la latitude augmente, plus la nourriture carnée domine. L’exemple extrême est donné par les Inuits, qui mangent essentiellement de la viande et des graisses : phoque, poissons…
Il préfigure indubitablement l’homme moderne. Il est plus robuste, et tout aussi grand que les générations actuelles. En fait, plus grand que l’homme du Moyen-Age. Il faudra attendre l’après-guerre pour voir la taille revenir à ce qu’elle était au Paléolithique.
Le Pr Walter Willett (Harvard) est considéré comme le plus éminent nutritionniste au monde. Dans cet entretien, il revient sur sa carrière et sur le pouvoir de l'alimentation pour prévenir les maladies.
Anthony Fardet est chercheur en nutrition préventive et auteur du livre « Halte aux aliments ultra-transformés ! Mangeons vrai » Il explique pourquoi le Nutri-Score, un système d’étiquetage censé aider le consommateur à faire de meilleurs choix alimentaires, ne fera baisser ni l’obésité ni les maladies chroniques.
Thierry Souccar a écrit en 2009 « Prévenir et guérir la grippe ». Il dit dans cet entretien ce que l'on sait de cette maladie aujourd'hui et des moyens de s'en prémunir.