Jean Nève : "Des antioxydants oui, mais pas à la grosse cuillère"

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 29/03/2006 Mis à jour le 10/03/2017
Professeur à l’université libre de Bruxelles (Belgique), Jean Nève est l’un des meilleurs connaisseurs des vitamines et minéraux antioxydants en Europe.Nous l'avons interrogé sur les apports nutritionnels conseillés et l’intérêt des suppléments d’antioxydants.

Les apports nutritionnels conseillés représentent-ils un niveau optimal?

Ces normes se contentent de refléter ce que l’on pense être un niveau « adéquat ». On essaye avant tout d’éviter les carences nutritionnelles tout en tentant de couvrir les besoins du plus grand nombre de sujets possibles, y compris ceux qui ont des besoins accrus. Dans ces conditions, on ne peut nullement parler de niveaux « optimaux » d’apports puisque ceux-ci intègrent des notions qui ne sont pratiquement jamais prises en considération comme la « maximalisation des défenses de l’organisme » en ce qui concerne les micronutriments antioxydants (vitamines A, C et E, sélénium, zinc).


Les Européens sont-ils globalement à l’abri de déficits en vitamines et minéraux ?

Le statut des Européens est éminemment variable. L’iode, par exemple, est très diversement distribué en Europe, d’autant plus que certains pays apportent des mesures correctives très soigneusement contrôlées que d’autres, comme la France, n’ont pas de programme national d’iodation contrôlé ou que d’autres encore, comme la Belgique, pas de programme du tout ! C’est ainsi que la carence iodée reste donc d’une grande actualité en Europe. En ce qui concerne les antioxydants, on a clairement montré que moins d’un quart des Européens ont des apports adéquats ou optimaux. La grande majorité des Européens est donc en situation d’apport sub-optimal en antioxydants alimentaires, tels le sélénium ou la vitamine E.


Prenez-vous à titre personnel des compléments antioxydants ?

Lorsqu’un scientifique s’intéresse de près au problème des antioxydants, il est très souvent sensibilisé par l’inadéquation des apports alimentaires. Je connais beaucoup de nutritionnistes qui abordent le problème en privilégiant volontairement les aliments riches en antioxydants (fruits et légumes surtout) : c’est l’attitude « minimaliste » qui rassure beaucoup d’entre-eux. Mais un examen attentif montre que même en privilégiant ces aliments, on n’arrive pas à couvrir l’entièreté des apports recommandés. Pensons par exemple à la vitamine E qui est surtout contenue dans les aliments « gras », donc rejetés par ces mêmes nutritionnistes ou encore au sélénium, surtout contenu dans les viandes qui ne constituent pas non plus un type d’aliment unanimement apprécié.

Les chercheurs plus sensibilisés par l’aspect « moléculaire » ou « biochimique » de ces nutriments en viennent très souvent à compléter leur alimentation avec des mélanges d’antioxydants bien choisis. C’est mon cas, mais je n’en fais pas non plus une obsession. Je tente de poursuivre à la fois l’approche nutritionnelle - consommer plus de fruits et légumes riches en antioxydants et choisir, parmi une catégorie d’aliments, les produits les plus favorables. Mais je la complète par des formules d’antioxydants à dose nutritionnelle, sans exagération (une prise par jour au moins quatre à cinq fois par semaine).


Qu’en attendez-vous ?

Qu’ils m’aident à me protéger contre toute une série d’agressions pouvant mener à des maladies comme certains cancers (colon, prostate, sein…), les affections cardiovasculaires ou les atteintes dégénératives (diabète, Parkinson, Alzheimer). J’en attends aussi une stimulation de certaines performances physiques ou, pourquoi pas, un meilleur bien être psychologique (démontré par exemple pour le sélénium). Bien sûr, ils ne constituent pas la panacée universelle et ne doivent pas faire perdre de vue qu’il existe d’autres moyens de préserver forme et bonne santé !


Y a-t-il un risque à prendre trop de compléments ?

Je suis persuadé qu’on doit intervenir en douceur dans notre chaîne alimentaire et que toute surdose ou toute molécule non judicieusement choisie peut faire pire que bien. Pensons par exemple à de fortes doses de lutéine ou de lycopène (des caroténoïdes - pigments végétaux antioxydants) qui peuvent contrecarrer la résorption orale des autres caroténoïdes. Il faut aussi savoir que de fortes doses de certains antioxydants s’avèrent exercer un effet de type pro-oxydant, c’est à dire l’inverse de l’effet voulu… Bref, des antioxydants oui, mais surtout pas à la grosse cuillère…

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