Les chasseurs-cueilleurs avaient de meilleurs os que nous

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 09/01/2015 Mis à jour le 10/03/2017
L’analyse d'ossements anciens suggère que la fragilité de notre squelette est due au manque d’activité depuis l’invention de l’agriculture.

L’ostéoporose et le risque de fractures qui augmentent avec l’âge ne sont pas inéluctables : d’après des chercheurs de l’université de Cambridge qui publient leurs résultats dans PNAS, nos squelettes sont devenus beaucoup plus légers depuis l’invention de l’agriculture, du fait de la sédentarité grandissante.

Par rapport à d’autres primates et aux hominidés qui nous ont précédés, le squelette de l’Homo sapiens actuel est plus gracile, ce qui l’expose au risque d’ostéoporose et de fractures. L’alimentation joue un rôle dans la santé osseuse, mais c'est loin d'être le seul facteur.

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Pour cette étude, les chercheurs ont passé aux rayons X des échantillons d’os de fémur humain et d’autres primates, pour analyser l’intérieur de la tête fémorale. Celle-ci se situe en haut du fémur et participe à l’articulation de la hanche, l’une des connexions qui supporte le plus de charge dans le corps.

Les chercheurs ont analysé l’os spongieux de la tête fémorale de 4 populations humaines de chasseurs-cueilleurs et d'agriculteurs, tous trouvés dans la même zone de l’Illinois. L’os spongieux ou os trabéculaire permet la flexibilité de l’os, mais il est plus vulnérable aux fractures, contrairement à l’os compact de la zone corticale. « L’os trabéculaire a beaucoup plus de plasticité qu’un autre os, il change de forme et de de direction en fonction des charges qui lui sont imposées », expliue Colin Shaw, l’un des auteurs de l’article qui ajoute : « Dans les os des chasseurs-cueilleurs, tout était plus épais. » Cet épaississement serait le résultat d’une charge constante de l’os liée à l’activité physique : les chasseurs-cueilleurs passaient beaucoup de temps à explorer leur espace pour trouver de la nourriture.

Il y a 7000 ans, les chasseurs-cueilleurs avaient des os dont la force était comparable à celle des orang-outans actuels. En revanche, les populations agricoles de la même zone, qui ont vécu pendant les 6000 années suivantes, avaient des os significativement plus légers, plus fragiles et plus susceptibles de se casser.

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Les chercheurs pensent que la réduction de l’activité physique est la cause première de la dégradation de la force des os au cours des millénaires : l’exercice plus que l’alimentation serait la clé pour prévenir l’augmentation du risque de fracture et d’ostéoporose lors du vieillissement. « Les humains actuels vivent dans un milieu culturel et technologique incompatible avec nos adaptations évolutives. » Pendant 7 millions d’années d’évolution, les hominidés se sont adaptés vers l’action pour la survie. Mais depuis 50 à 100 ans, l’homme devient dramatiquement sédentaire, en passant beaucoup de temps assis, alors que ce n’est pas ce à quoi l’évolution l’a préparé.  

« Les chasseurs-cueilleurs avaient les os d’athlètes modernes ». Dans Le mythe de l’ostéoporose, Thierry Souccar rapporte l’étude publiée en 2008 par Melynda Leigh Atwood, de l’université de San José, en Californie du Nord sur la qualité osseuse de restes humains appartenant à une population préhistorique d’Indiens Ohlone de Californie vivant 1000 ans environ avant notre ère en Californie. « Il s’agissait, écrit Thierry Souccar, d’évaluer la densité osseuse présumée des Ohlones, ce qui permet de la comparer à celle de populations plus modernes. Les mesures (par rayons X) ont porté sur l’épaisseur du second métacarpien de la main droite. Le second métacarpien est utilisé dans ce type d’études parce que c’est l’un des os les plus larges de la main, qu’il a une forme plus constante que les autres métacarpiens et qu’il est à peu près circulaire en son milieu, avec la cavité médullaire (qui renferme la moelle) centrée dans le cylindre osseux. Les résultats montrent que chez les Ohlones, quel que soit leur sexe, les valeurs mesurées sont extrêmement élevées à tous les âges de la vie, par comparaison à des Européens modernes. D'autres études ont confirmé que les os des chasseurs-cueilleurs ont la robustesse physique de ceux des athlètes modernes. À l’inverse, des signes de maladie osseuse et d’ostéoporose sont présents dans les restes humains dès le néolithique agricole, et souvent même chez des adultes jeunes, comme le montre en 2009 l’étude de tombes néolithiques du site de Tell Qaramel dans le nord de la Syrie. » Pour Thierry Souccar, il faut y voir un effet de la sédentarité, qui altère la masse musculaire et la masse osseuse, mais aussi du statut nutritionnel, l'alimentation moderne étant moins riche en potassium, zinc, vitamines D et C, acides gras oméga-3 et même en protéines. "Et, comme on l'admet enfin maintenant, la surconsommation de produits laitiers depuis un siècle n'a apporté aucun bénéfice," conclut-il.

Sur l'origine des fractures et leur prévention, lire Le mythe de l'ostéoporose de Thierry Souccar

Ryan TM, Shaw CN. Gracility of the modern Homo sapiens skeleton is the result of decreased biomechanical loading. Proc Natl Acad Sci U S A. 2014 Dec 22. pii: 201418646.

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