Le modèle de Cloninger

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 27/02/2008 Mis à jour le 17/02/2017
L'essentiel

Quelles sont les types de personnalité définis par le modèle du docteur Robert Cloninger ?

La psychobiologie doit beaucoup à l’intuition du Pr Robert Cloninger (université Washington, St. Louis, Missouri). Avant lui, deux disciplines se côtoyaient sans se mêler. D’un côté, les psychiatres utilisaient un questionnaire clinique plus ou moins fiable pour dépister les troubles de l’humeur et du comportement. En face, les chercheurs en neurosciences alignaient les découvertes sur le support biologique des émotions. En 1994, Cloninger, psychiatre et généticien, a fait sensation en proposant pour la première fois un modèle fédérateur.

Il offrait enfin aux cliniciens un outil de diagnostic fiable sous la forme d’un questionnaire sophistiqué (Inventaire du Tempérament et du Caractère ou TCI), devenu depuis le plus utilisé pour déceler les troubles de la personnalité, soit sous sa forme originale, soit sous sa forme révisée (TCI-R). En 30 minutes, le TCI identifie pour chaque individu, y compris en bonne santé, le niveau des 4 traits de caractère et des 3 traits de tempérament, dont la désormais fameuse « recherche de la nouveauté », qui façonnent la personnalité. Parallèlement, Cloninger avançait l’hypothèse que l’intensité de chacun des traits de tempérament diagnostiqués par le TCI était sous-tendue par le niveau d’un neurotransmetteur particulier : la dopamine pour la « recherche de la nouveauté », la sérotonine pour l’« évitement de la souffrance », la noradrénaline pour le « besoin de récompense. » Ainsi, devenait-il théoriquement possible d’affiner un diagnostic en dosant ces neurotransmetteurs (ou leurs produits de dégradation) dans les urines, le sang ou le liquide cérébro-spinal.

Le modèle Cloninger a déjà séduit de nombreux psychiatres, qui l’utilisent, sous forme de questionnaire, comme outil de diagnostic.

Ce modèle suppose aussi une traduction biologique, puisque chacun des traits qu’il identifie serait associé à un neurotransmetteur. « Les personnalités très exploratoires sont effectivement caractérisées par une hyperactivité des neurones à dopamine, ou une hypersensibilité à ce neurotransmetteur. On retrouve de tels signes biologiques chez les individus qui manifestent tôt une approche appétitive de l’existence : sexualité précoce et exacerbée, abus d’alcool et d’autres substances euphorisantes », note le docteur David Comings (Duarte, Californie, Etats-Unis). Une activité dopaminergique forte (exploration), associée à un déficit sérotoninergique (impulsivité, prise de risque) et une faible sensibilité noradrénergique (détachement social) se traduisent souvent par un manque de coopération dans l’enfance, hostilité et abus de drogues pendant l’adolescence, et absence d’empathie, de tolérance sociale, de compassion et de principes moraux à l’âge adulte.

Le stade 1 de l’analyse consiste à évaluer l’activité des neurotransmetteurs et leur hiérarchie par dosage direct dans le sang et les urines. Une grille d’interprétation sera alors rapprochée des informations obtenues à l’interrogatoire pour définir le « profil dominant » de la personnalité d’un individu.


 

 

Le profil dopamine : recherche de la nouveauté (RN)

 

 

 

Comportement

 

Les personnes chez lesquelles cette dimension est très développée (RN élevé) manifestent un besoin compulsif de sensations nouvelles et complexes, avec le désir de prendre des risques physiques et sociaux pour y accéder (impulsivité, extravagance). Celles chez lesquelles cette dimension est peu développée (RN bas) ont généralement un comportement réservé, voire rigide.

 

Hypothèse biologique

 

Un RN élevé traduit un besoin de stimulation émotionnelle supérieur à la normale. La dopamine étant le principal neurotransmetteur associé aux comportements exploratoires, ce trait aurait pour origine l’activité insuffisante du réseau de neurones qui utilisent la dopamine. Ce neurotransmetteur fait l’objet d’une recapture trop importante par les neurones qui la produisent (présynaptiques), ce qui limite la quantité de dopamine disponible au niveau des neurones cibles (post-synaptiques). Leur dopamine étant chroniquement insuffisante, ces personnes exigent, par compensation une extraordinaire stimulation émotionnelle pour maintenir des niveaux optimaux dans les neurones post-synaptiques.

 

Imagerie cérébrale

 

Un RN élevé est associé à une activité importante du cortex paralimbique mesurée par le flux sanguin cérébral, en particulier au niveau de l’insula droite. Ceci confirmerait une activité faible du système dopaminergique puisqu’il inhibe le flux sanguin cérébral.

Un RN bas est lié à une diminution de l’activité du cortex préfontal médial gauche.

 

Neurochimie

 

Un RN élevé est associé à une densité importante du transporteur de la dopamine, qui est responsable de sa recapture présynaptique. Il est également lié à une diminution du largage de la dopamine par les neurones présynaptiques et une sensibilité compensatoire plus grande au niveau des récepteurs post-synaptiques. Par ailleurs un RN élevé est associé à un niveau de prolactine élevé, qui reflète une activité dopaminergique basse. Si ces résultats confortent l’hypothèse biologique, tous les travaux ne sont pas concordants.

Des RN élevés ont été associés positivement au taux de testostérone, des RN bas au taux de cortisol.

 

Génétique

 

Ce trait pourrait être génétiquement déterminé et associé à l’allèle DRD4*7R du locus du récepteur de la dopamine, ainsi qu’aux gènes du transporteur de la dopamine. Le transporteur de la dopamine, qui se charge de la recapture présynaptique de la dopamine appartient à une région du chromosome 5p. Un polymorphisme de ce gène est associé à l’hyperactivité avec déficit d’attention, et à d’autres troubles qui marquent les scores de RN élevés.

 

Pathologies associées (en présence d’autres facteurs)

 

RN développé : alcoolisme précoce, usage de tabac, drogues et stimulants, boulimie, hyperactivité avec déficit d’attention.

RN bas : maladie de Parkinson (à confirmer).


 

 

Le profil sérotonine : évitement de la souffrance (ES)

 

 

 

Comportement

 

Les personnes chez lesquelles cette dimension est très développée (ES élevé) répondent par inquiétude et anxiété à des signaux de punition. Celles chez lesquelles cette dimension ES est peu développée (ES bas) manifestent plutôt un comportement optimiste, entraînant.

 

Hypothèse biologique

 

Ce trait de tempérament semble associé à l’activité du réseau de neurones qui utilise la sérotonine. Les ES élevés seraient le signe d’une production et d’un largage important de sérotonine au niveau des neurones présynaptiques. Par compensation, les récepteurs post-synaptiques seraient diminués.

 

Imagerie cérébrale

 

Un ES élevé est lié à un flux sanguin cérébral faible au niveau des régions paralimbiques et de plusieurs régions néocorticales du cortex frontal, pariétal et temporal. Ceci confirmerait l’association avec une activité sérotoninergique élevée, puisque le système sérotoninergique inhibe le flux sanguin cérébral.

 

Neurochimie

 

Un ES élevé prédit une faible disponibilité du précurseur de la sérotonine dans le plasma, le tryptophane (issu des protéines alimentaires), ce qui confirmerait l’utilisation massive de ce précurseur par les cellules nerveuses. Un ES élevé prédit également une sensibilité faible du récepteur 5-HT2 de la sérotonine plaquettaire. Enfin, les personnes déprimées ont généralement moins de récepteurs 5-HT2.

 

Génétique

 

Des altérations du gène du transporteur de la sérotonine ont été retrouvées chez les personnes souffrant de troubles associés à l’évitement de la souffrance. Un gène de la région 17q12 du chromosome qui régule l’expression de ce transporteur pourrait expliquer 4 à 9% de la variance totale en ES.

 

Pathologies associées (en présence d’autres facteurs)

 

ES élevé : anxiété, dépression

ES bas : comportement antisocial, schizoïde


 

 

Le profil noradrénaline : dépendance à la récompense

 

 

 

Comportement

 

Les personnes chez lesquelles cette dimension est très développée (BR élevé) manifestent souvent un besoin d’approbation sociale et de liens affectifs. Les personnes chez lesquelles cette dimension est peu développée (BR bas) manifestent plutôt froideur, insensibilité, détachement, indifférence.

 

Hypothèse biologique

 

Ce trait semble associé à la fonction noradrénergique : un BR élevé serait associé à une activité faible du système neuronal qui utilise la noradrénaline.

 

Imagerie cérébrale

 

Un BR élevé est associé à un flux sanguin cérébral faible au niveau des régions paralimbiques et de plusieurs régions néocorticales du cortex frontal et temporal. Ceci suggère bien une activité noradrénergique basse, puisque le système noradrénergique stimule le flux sanguin cérébral.

 

Neurochimie

 

Des taux bas de MHPG, le produit de dégradation de la noradrénaline, sont associés à des BR élevés. Cependant, une hypersensibilité des récepteurs alpha-2-adrénergiques, signe d’une faible sécrétion de noradrénaline, ont été observés chez des personnes aux BR bas, ce qui est contradictoire.

 

Génétique

 

Dans une étude préliminaire sur 204 personnes, les gènes de la noradrénaline contribuent au plus fort pourcentage de variance du besoin de récompense. Par ailleurs, des associations ont été trouvées avec les gènes d’un récepteur de la sérotonine et de la dopamine.

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