Jean-Marc Reiser, 1941-1983

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 28/04/2006 Mis à jour le 17/02/2017
Jean-Marc Reiser est mort il y a 20 ans, le 5 novembre 1983 d’un cancer des os. Il avait 42 ans et il reste à mes yeux le meilleur dessinateur d’humour du dernier demi-siècle.

5 novembre 2003

Le cancer primaire des os est un cancer plutôt rare. Dans de nombreux cas, en effet, il s’agit d’un cancer secondaire, c’est-à-dire d’une tumeur qui s‘est étendue à l’os. Le cancer de la prostate donne ce genre de métastases. Sous la forme d’ostéosarcome, le cancer primaire des os touche surtout les personnes jeunes. La maladie de Kahler est un cancer de l’adulte dont la fréquence augmente avec l’âge. Il y a un millier de malades nouveaux chaque année en France. La maladie de Kahler provoque dans un tiers des cas des fractures pathologiques. Au printemps 1983, Reiser avait été victime d’une fracture osseuse aussi brutale qu’inexpliquée. Il est possible que son cancer fût une maladie de Kahler.

J’ai eu la chance et le grand plaisir de côtoyer Reiser pendant 5 ans, de 1978 à sa mort. J’étais son éditeur, d’abord aux Editions du Square, puis chez Albin Michel. J’écrirai peut-être un jour quelque chose sur cette époque un peu particulière. Reiser l’a traversée avec un éternel sourire, des yeux bleus qui s’émerveillaient de tout et cette étourdissante faculté d’association qui marque les grands humoristes. Il y avait beaucoup d’humilité chez lui ; elle était d’autant plus manifeste que défilaient chez Albin Michel des auteurs dont le petit succès avait gonflé la tête. Reiser, dont les albums s’arrachaient dans toute l’Europe, dont le talent était salué par tous, continuait à travailler dans le doute. En 1982, pour la publication de l’album Les copines, il était venu avec trois projets de couverture, chacun très aboutis.
« Lequel te paraît le mieux ?, m’avait-il demandé.
- Celui-ci ferait une excellente couverture.
- C’est aussi celui que je préfère. » Et il était reparti rassuré, en métro comme à son habitude.

Au printemps de 1983, mon genou a lâché au cours d’un match de rugby à XIII. Rupture des ligaments. Hospitalisé plusieurs jours, plâtré de l’aine à la cheville, j’ai appris qu’il avait de son côté chuté et qu’il s’était fracturé la jambe. Nous avions plaisanté au téléphone de nos attelles respectives, sans se douter que les gravités n’étaient pas comparables. C’est après l’été que le fracture osseuse de Jean-Marc Reiser n’a plus fait rire personne.

Avant le salon de Francfort d’octobre 1983, qui est le principal lieu d’achat et de vente de droits pour l’édition mondiale, je lui ai demandé s’il avait un désir particulier. « Ah, tu sais, m’a-t-il dit, mon rêve ce serait d’être édité en islandais. Tu imagines ? Cette île loin de tout où les gens s’emmerdent tellement qu’ils lisent comme des fous. Ah oui, si tu me trouvais un éditeur islandais, ça serait formidable ! »
Malgré la maladie, Reiser a continué à travailler jusqu’au dernier moment chez Michèle, la réalisatrice de télévision qu’il avait épousée peu de temps avant sa mort, classant ses dessins, sélectionnant la matière à de futurs albums qu’il ne verrait jamais.

Le 5 novembre était un mercredi. Même si nous savions que l’avenir de Reiser se comptait plus en semaines qu’en mois, nous avons été surpris par sa disparition presque brutale. Reiser lui-même n’avait pris aucune disposition, comme s’il se fût agi d’une hypothèse hautement improbable. Albin Michel a trouvé un caveau au cimetière du Montparnasse, boulevard Edgar-Quinet, que l’on aperçoit des fenêtres de la direction commerciale.

C’est là que nous l’avons porté en terre sous un ciel pluvieux, amis, lecteurs, et toute l’équipe fondatrice de Charlie Hebdo : Choron, Cabu, Cavanna, Wolinski, Gébé ou encore Delfeil de Ton. L’édition de Charlie Hebdo de la semaine titrait : « Reiser va mieux, il est allé au cimetière à pied. »

Quelques semaines plus tôt, à Francfort, j’avais trouvé un éditeur islandais pour ses albums, et je le lui avais fait savoir.

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